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C'est Quoi ?

  • : Histoire, Mémoire et Société (ISSN : 2261-4494)
  • : Ce blog se propose tout d'abord de recenser et d'analyser les réminiscences régulières de la mémoire dans notre actualité. Il vise aussi à rassembler différentes interventions d'historiens, mais aussi d'autres spécialistes, sur le rôle et les conséquences de la mémoire dans nos sociétés. Enfin, des réflexions plus fouillées sont proposées ponctuellement sur les manifestations de la mémoire dans les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. ISSN : 2261-4494
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  • Mickaël BERTRAND
  • Citoyen, historien et enseignant, j'ai souhaité partager sur ce blog mes réflexions quotidiennes sur la place de l'histoire et de la mémoire dans l'actualité nationale et internationale.
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Cherche La Pépite

15 octobre 2008 3 15 /10 /octobre /2008 21:03

Au début de ce mois d’octobre 2008, le Présidium de la Cour Suprême (la plus haute instance juridique en Russie) vient de reconnaître comme injustifiées les répressions bolchéviques contre le dernier tsar Nicolas II et sa famille. Elle a ainsi décidé de les réhabiliter.

En 2000, l’Eglise orthodoxe les avait déjà canonisés comme martyrs.

 

En termes juridiques, la réhabilitation consiste en une restitution de ses droits et de sa dignité à quelqu'un qui en a été privé par la justice. D’un point de vue plus général, elle permet le rétablissement dans l'estime générale de quelqu'un qui avait subi une mise à l'index.

 

Or, dans ce cas précis, nous observons une confusion des genres bien étrange. Nicolas II est certes réhabilité par la justice, mais pour une répression exercée à une époque révolue et par un groupe politique désormais disparu de l’échiquier. L’institution judiciaire ne répare donc pas une erreur commise par ses propres services, mais entérine une lecture politique de l’histoire.

 

Fondamentalement, une telle décision ne surprend guère. Influencée par les courants occidentaux, la mémoire russe subit aussi les vicissitudes d’une représentation victimaire omniprésente. D’un point de vue strictement pragmatique, nous pouvons en effet considérer que Nicolas II et sa famille ont été victimes d’une répression politique puisqu’ils ont été faits prisonniers, puis exécutés, le 17 juillet 1918 par la Tcheka, police politique de Lénine. C’est en tout cas l’interprétation que vient d’acter officiellement la justice russe.

 

Cependant, ne peut-on pas considérer que le tsar Nicolas II a lui-même été l’initiateur d’une immense répression ? Les victimes du fameux Dimanche rouge (22 janvier 1905) au cours duquel l’armée impériale a liquidé avec violence une manifestation populaire à Saint-Pétersbourg vont-elles aussi faire l’objet d’une réhabilitation ? D’ailleurs, n’est-ce pas à la suite de cet évènement que le tsar fût surnommé « Nicolas le sanguinaire » par les bolchéviques ?

 

La mémoire de Nicolas II est en fait l’objet d’une vive concurrence mémorielle. D’un côté, une mémoire dite "soviétique" a longtemps souhaité présenter Nicolas II comme le dernier représentant d’un système impérial oppresseur et autoritaire. De l’autre, des groupes de pressions politiques et religieux ont travaillé à la revalorisation de son image, qui aboutit aujourd’hui à une réhabilitation judiciaire. Le jugement final jouant ici un rôle de caution, une sorte de verrou institutionnel contre de nouvelles révisions historiques.

 

Dans ces deux cas, nul n’est question d’histoire. Ce sont deux interprétations politiques qui s’affrontent sur le terrain de passé. Cet acte nous renseigne donc moins sur la nature du règne de Nicolas II, que sur celui de Dimitri Medvedev et de son Premier Ministre Vladimir Poutine. Ces deux dirigeants et la société qu’ils gouvernent semblent tracer un trait de plus en plus noir, voire indélébile, sur le caractère populaire de leur passé soviétique. Ce qui compte désormais, c’est une image d’ordre et d’autorité considérée comme le fondement de la puissance russe. Tout autre élément est alors interprété comme un facteur de trouble.

 

Si de telles pratiques venaient à se pérenniser, il serait intéressant d’observer ce que la justice française pourrait bien penser de notre Nicolas Ier dans un siècle…

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