Le violent orage qui s'est abattu sur Nancy dans la nuit du 21 au 22 mai 2012 a été fatal à certains documents des archives départementales de Meurthe-et-Moselle. L'inondation du bâtiment a noyé certains cartons dont le contenu ne pourra pas toujours être restauré.
L'évènement a également été l'occasion de rappeler l'urgence de la construction en cours d'un Centre des Mémoires destiné à rassembler sous un même toit plus moderne les archives départementales de Meurthe-et-Moselle et un "complexe d’accueil du public autour des mémoires et patrimoines d’archives régionaux".
L'idée initiale est originale : toute action qui peut permettre de rapprocher les citoyens de leurs archives doit être encouragée.
Mais pourquoi avoir décidé d'appeler ce lieu "Centre des Mémoires" ? Les centres d'archives ne sont-ils pas l'un des lieux privilégiés de la fabrique de l'histoire ? Les archives ne sont-elles pas censées représenter la matière première de l'artisan-historien ?
Nous nous efforçons depuis plusieurs années sur ce site à montrer que l'histoire et la mémoire ne sont pas nécessairement opposées, voire contradictoires. Au contraire, le rapprochement de leur intérêt commun pour le passé peut constituer un atout dans la défense de leur domaine de prédilection.
Le "rapprochement" ne doit cependant pas signifier la disparition d'un domaine par rapport à l'autre.
Nous avions déjà signalé cette tendance dans un précédent article consacré aux musées qui ont parfois tendance à se regrouper sous des dénominations contestables telles que "Mémorial" ou "Historial".
Il serait dangereux à notre avis que cette mode s'élargisse aux centres d'archives qui n'ont pas pour vocation d'abriter et d'entretenir des mémoires, mais bien de recueillir les documents qui permettront plus tard d'écrire l'histoire.
Si le Conseil général souhaite montrer sa volonté d'ouverture, qu'est-ce qui l'empêche d'utiliser la dénomination de "Centre d'histoire" ou bien de "Centre d'histoire et de patrimoine" ?
A plus longue échéance, cette pratique pourrait conduire à des dérives regrettables : après les musées et les centres d'archives, doit-on s'attendre à devoir enseigner prochainement l'histoire et
la mémoire, plutôt que l'histoire des mémoires ? Dans ce domaine aussi, certains
signes sont parfois inquiétants...