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C'est Quoi ?

  • : Histoire, Mémoire et Société (ISSN : 2261-4494)
  • : Ce blog se propose tout d'abord de recenser et d'analyser les réminiscences régulières de la mémoire dans notre actualité. Il vise aussi à rassembler différentes interventions d'historiens, mais aussi d'autres spécialistes, sur le rôle et les conséquences de la mémoire dans nos sociétés. Enfin, des réflexions plus fouillées sont proposées ponctuellement sur les manifestations de la mémoire dans les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. ISSN : 2261-4494
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C'est Qui ?

  • Mickaël BERTRAND
  • Citoyen, historien et enseignant, j'ai souhaité partager sur ce blog mes réflexions quotidiennes sur la place de l'histoire et de la mémoire dans l'actualité nationale et internationale.
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Cherche La Pépite

21 août 2010 6 21 /08 /août /2010 12:01

 

De retour de vacances, je rapporte dans mes valises de nouveaux sujets d'articles. La période estivale est en effet propice à la découverte de nombreux lieux de mémoire qui m'ont conduit cette année dans l'Est de la France, puis dans le Sud et enfin en Italie. La prochaine série d'articles sera donc essentiellement consacrée à des réflexions pérégrines au gré des découvertes mémorielles.

Et tout d'abord, je souhaiterais inaugurer une nouvelle rubrique que je dédicace à Monsieur et Madame Lenelle, fidèles lecteurs de ce blog, qui m'ont invité à passer un très agréable et instructif séjour dans la région de Verdun.

 

Cette rubrique intitulée "Mémoire de musées" fait appel à l'interactivité des lecteurs de ce blog qui pourront me communiquer à l'envi leurs expériences de visite des musées dans toute la France et à l'étranger. L'objectif est d'illustrer l'omniprésence de la mémoire dans les projets muséographiques anciens et récents. En somme, il s'agit d'exercer une lecture mémorielle critique du récit historique proposé dans des lieux considérés comme pédagogiques et ouverts au grand public. Comme toujours dans ce blog, il n'est pas question de porter un jugement gratuit sur un lieu, une pratique ou une opinion, mais plutôt de proposer une autre lecture ou bien de souligner avec respect d'éventuels abus dans l'écriture d'une histoire parfois un peu trop officielle. Et qui sait ? Peut-être qu'avec votre aide, nous encouragerons certains musées à réfléchir de nouveau sur leux expositions...

 

Les photographies proposées dans cet article ont été prises en juillet 2010 au Centre Mondial de la Paix, des Libertés et des Droits de l'Homme à Verdun. Le titre est un peu ronflant. D'autant plus que malgré la qualité de son espace et de l'exposition, le site de l'ancien palais épiscopal de Verdun s'avère vraiment modeste pour une réelle ambition internationale. Disons plus honnêtement que ce centre permet à la ville de Verdun d'attirer dans son centre des touristes et visiteurs qui pour la plupart se contentent de passer par les champs de batailles, les forts et les musées situés dans un rayon de 10 km sans s'arrêter dans la ville qui donne son nom à la célèbre bataille de 1916.

Quoique modeste, ce centre est très bien conçu et résume de façon pédagogique et actualisée les principales problématiques autour des thématiques de guerre et de paix.

L'une des salles est bien entendu consacrée à la construction européenne (il n'aura échappé à personne que le site Internet est d'ailleurs hébergé par un nom de domaine en "eu"). Les institutions européennes sont ainsi louées pour avoir mis fin à une longue série de conflits armés sur le continent, notamment entre la France et l'Allemagne (d'où le choix judicieux de Verdun).

Cette considération mériterait d'être discutée, ou pour le moins nuancée, même si nous convenons qu'un espace muséographique n'est pas le lieu le plus adéquat pour illustrer la complexité des nuances de l'analyse historique. C'est pourquoi nous nous contenterons de renvoyer à toute une série d'ouvrages récents qui, à l'occasion d'une question sur la construction européene posée dans le cadre du concours de recrutement des professeurs d'histoire-géographie, traite de ce sujet de façon plus détaillée et précise que le projet européen n'a pas été d'emblée considéré comme la meilleure solution pour éviter d'autres guerres mondiales.

 

Ce qui étonne davantage et plus directement, ce sont les erreurs et les abus qui se sont glissés dans cette salle.

Tout d'abord, un premier panneau constitue une frise chronologique ayant pour principe de montrer un cheminement quasiment inéluctable de la construction européenne par l'utilisation de la symbolique d'une route empruntée par différents engins motorisés. Cette simple mise en scène pose déjà un problème méthodologique puisqu'elle suppose une lecture téléologique de l'histoire. Elle devient ensuite carrément problématique quand on s'aperçoit que la date de création de la Politique Agricole Commune (PAC) mentionnée sur ce panneau est 1968 et non pas la date réelle de 1962.

Centre mondial de la paix à Verdun

Centre mondial de la paix à Verdun

 

La situation se complique un peu lorsque dans cette même salle, on se retourne pour tomber nez-à-nez devant un nouveau panneau consacré aux précurseurs de l'Europe.  Parmi eux figure Winston Churchill.

Les précurseurs de l'Europe

Winston Churchill :

Encore une fois, la méthode ne manque pas de classe (on mobilise ainsi des autorités morales) mais elle dissimule en fait un présupposé idéologique un peu gênant qui voudrait que les grands hommes du XIXe et du XXe aient appelé de leurs voeux une construction européenne qui aurait tardé à venir.

   - D'une part, on pourrait trouver au moins autant d'intellectuels qui ont rejeté cette perspective.

   - D'autre part, il me semble plutôt maladroit de faire appel à Winston Churchill qui est certes considéré comme l'un des plus grands hommes de notre époque, et qui a réellement prononcé cette phrase dans son célèbre discours du 19 septembre 1946 à Zurich lors du congrès de Zurich.

discours-churchill-Zurich.jpg

Cliquez sur l'image pour entendre le discours de Winston Churchill (en anglais)

Très précisément, voilà quels ont été les mots de Churchill :

"En quoi consiste ce remède ? <à la guerre> Il consiste à recréer la famille européenne, cela dans la mesure du possible, puis de l’élever de telle sorte qu’elle puisse se développer dans la paix, la sécurité et la liberté. Il nous faut édifier une sorte d’Etats-Unis d’Europe. Ce n’est qu’ainsi que des centaines de millions d’êtres humains auront la possibilité de s’accorder ces petites joies et ces espoirs qui font que la vie vaut la peine d’être vécue".

 

Ce que les concepteurs de ce panneau ont oublié de préciser, dans leur volonté inébranlable de faire l'apologie de l'Europe, c'est que lorsqu'il évoque ce projet ambitieux, Winston Churchill n'a aucunement l'intention d'y intégrer le Royaume-Uni dont il a été Premier Ministre de 1940 à 1945. Au contraire, il prend l'exemple de son pays pour tracer une voie parallèle, et non pas commune, à l'Europe :  

"Il existe déjà un tel groupement d’Etats dans l’hémisphère occidental. Nous autres Britanniques, nous avons le Commonwealth. L’organisation du monde ne s’en trouve pas affaiblie, mais au contraire renforcée et elle y trouve en réalité ses maîtres piliers. Et pourquoi n’y aurait-il pas un groupement européen qui donnerait à des peuples éloignés l’un de l’autre le sentiment d’un patriotisme plus large et d’une sorte de nationalité commune ?"

 

On peut dès lors douter de la pertinence d'inclure la figure de Winston Churchill dans ce tableau consacré aux "précurseurs de l'Europe". Mais on comprend vite que dans cette salle, le Centre Mondial de la Paix, des Libertes et des Droits de l'Homme a en fait pris quelques libertés avec l'Histoire pour mieux honorer la mémoire de l'Europe.

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commentaires

E
<br /> <br /> Petite remarque humoristique... on ne peut pas dire qu'il aient choisi la plus belle photo de Winston Churchill pour illustrer leur panneau didactique à fin pédagogique (j'allais dire "leur<br /> sempiternelle rengaine européiste ad nauseam qui cache en réalité l'incapacité qu'ont nos dirigeants à faire aimer l'Union européenne à des Européenns en mal d'Etat". Des propos répétés<br /> inlassablement montrent surtout leur vacuité. J'arrête là mon couplet). Il venait de perdre les élections?<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Il faut dire que je suis aussi un piètre photographe...<br /> <br /> <br /> <br />