English summary : School memory of the Holocaust in the world
UNESCO begins a new survey which examines how schools worldwide teach the Holocaust. This project raises problems with regard to the missions of the international organization. It can be indeed considered as a mean to impose a central element of the western culture in the whole world.
Jeudi 23 août 2012, l'UNESCO a officiellement annoncé la mise en place d'un projet d'étude sur l'enseignement de l'Holocauste dans le monde.
L'idée est très intéressante et vise essentiellement à dresser une cartographie mondiale non seulement des programmes, mais aussi des manuels scolaires sur cette question.
Les résultats permettront ainsi d'obtenir des conclusions quantitatives (Quels sont les pays dans lesquels on enseigne l'Holocauste ? Ces pays ont-ils des points communs culturels, religieux, politique, etc. ?) et qualitatives (Enseigne-t-on l'Holocauste de la même façon en France, aux Etats-Unis et en Russie par exemple).
Si le projet en lui-même semble intéressant et utile, certains aspects de sa présentation laissent perplexe. C'est le cas notamment de ce paragraphe :
"Les résultats de cette enquête mondiale sans précédent, et les recommandations qui en découleront, fourniront aux décideurs des politiques éducatives une base de réflexion sur laquelle les décisions futures concernant les programmes pourront s’appuyer. Ceci sera d’autant plus intéressant dans les pays où l'Holocauste ne figure pas au programme".
Avant même d'en connaître les résultats, l'UNESCO précise donc que cette étude vise en fait à promouvoir l'enseignement de l'Holocauste à l'échelle mondiale, ce qui n'est pas sans poser quelques questions :
1. L'UNESCO est l'organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la culture.
Son site Internet précise qu'elle "s’emploie à créer les conditions d’un dialogue entre les civilisations, les cultures et les peuples, fondé sur le respect de valeurs partagées par tous (...). La mission de l’UNESCO est de contribuer à l’édification de la paix, à l’élimination de la pauvreté, au développement durable et au dialogue interculturel par l’éducation, les sciences, la culture, la communication et l’information".
Le projet précédemment présenté s'inscrit aisément dans ce programme : l'étude de l'Holocauste favorise le dialogue et le respect entre les peuples et les civilisations en raison de la nature de l'évènement qui devrait conduire chaque être humain à réfléchir sur les limites de l'humanité et la dangerosité des extrémismes et de la xénophobie.
Ne peut-on pas considérer cependant qu'en focalisant son attention sur l'Holocauste, l'UNESCO risque de provoquer l'effet inverse de celui recherché ? La place qu'occupe cet évènement dans les préoccupations de l'organisation internationale peut en effet être considérée comme la manifestation de préoccupations essentiellement occidentales quand d'autres régions du monde ont pu choisir d'autres référentiels tout aussi valides et probablement plus familiers dans leur propre système de valeurs.
2. Le terme "Holocauste" utilisé dans la communication officielle du projet n'est pas sans poser problème. Là encore, il est révélateur d'une forte prévalence des valeurs et pratiques occidentales dans le cadre d'une organisation internationale censée valoriser le dialogue entre les cultures.
Ce mot s'est en effet progressivement imposé aux Etats-Unis depuis plusieurs décennies, tandis que l'Etat d'Israël a officialisé l'utilisation du terme "Shoah".
De nombreux auteurs ont régulièrement rejeté ces appelations en raison des connotations religieuses qu'elles contiennent. Le plus grand spécialiste mondial de la question, Raul Hilberg, utilise par exemple l'expression de "destruction des Juifs d'Europe", quand d'autres préfèrent parler "d'extermination des Juifs d'Europe".
Depuis 1944, l'américain Raphael Lemkin a même créé le mot de "génocide" (à partir de la racine grecque genos qui peut être traduite par « genre », « espèce », et du suffixe cide, qui vient du terme latin caedere, « tuer », « massacrer ») afin de désigner de façon la plus neutre possible cette nouvelle catégorie d'acte criminel dans les prétoires.
Pourquoi donc l'UNESCO utilise-t-elle encore le mot d'Holocauste alors que d'autres termes plus neutres seraient davantage appropriés dans le cadre d'une organisation internationale ?
3. Enfin, il est permis de s'interroger face à la prétention de l'UNESCO d'influer sur les décideurs des politiques éducatives. Non seulement la limite avec une activité de lobbying est mince, mais elle peut également apparaître comme totalement contradictoire avec les principes originels de l'organisation internationale censée défendre et protéger la pluralité des cultures et civilisations.
En assumant son intervention dans les politiques éducatives du monde entier, l'UNESCO s'érige en grand ordonnateur de l'histoire et de la mémoire mondiale, faisant fi des particularités locales et de la sacro-sainte liberté pédagogique.
Le nouveau projet initié par l'UNESCO est donc très intéressant au sens où il va permettre de dresser une cartographie mondiale utile de l'enseignement du génocide des Juifs d'Europe. Il conviendrait cependant que cette organisation internationale nuance sa volonté de promotion de cet évènement historique qui risque d'être interprété comme une imposition des valeurs occidentales à l'échelle mondiale.
Nul doute que la Palestine qui est récemment devenue membre de l'UNESCO saura se saisir de ce dossier qui risque de susciter des débats houleux.
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