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C'est Quoi ?

  • : Histoire, Mémoire et Société (ISSN : 2261-4494)
  • : Ce blog se propose tout d'abord de recenser et d'analyser les réminiscences régulières de la mémoire dans notre actualité. Il vise aussi à rassembler différentes interventions d'historiens, mais aussi d'autres spécialistes, sur le rôle et les conséquences de la mémoire dans nos sociétés. Enfin, des réflexions plus fouillées sont proposées ponctuellement sur les manifestations de la mémoire dans les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. ISSN : 2261-4494
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  • Mickaël BERTRAND
  • Citoyen, historien et enseignant, j'ai souhaité partager sur ce blog mes réflexions quotidiennes sur la place de l'histoire et de la mémoire dans l'actualité nationale et internationale.
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Cherche La Pépite

4 octobre 2012 4 04 /10 /octobre /2012 08:14

 

Le centre européen du résistant déporté, sur le site de l'ancien camp de concentration de Natzweiler-Struthof, accueille jusqu'au 24 décembre 2012 une exposition sur  le sport dans les camps nazis... qui n'est pas sans rappeler celle organisée en début d'année par le Mémorial de la Shoah à Paris intitulée  Le sport européen à l'épreuve du nazisme. Cette dernière s'est d'ailleurs terminée le 29 avril, au moment où celle du Struthof commençait. 

 

Le-sport-dans-les-camps-nazis.jpg

 

Dans les deux cas, l'organisation des Jeux Olympiques de Londres 2012 est invoquée comme l'occasion de réfléchir sur "cet aspect particulier de l'histoire sportive". Je dois avouer que je reste un peu perplexe face à une telle argumentation. Est-on à ce point entré dans une logique pan-mémorielle pour devoir sans cesse justifier l'organisation d'une exposition ou d'un colloque par l'actualité ? Devrons-nous donc attendre la disparition de la reine Elisabeth II pour réfléchir sur le processus de passation de pouvoirs monarchiques ?

 

L'exposition du centre européen du résistant déporté s'organise autour de quatre thématiques :

   1. Le corps dans l'imaginaire et l'idéologie nazis,

   2. Le sport pratiqué par les "cadres" des camps,

   3. Le sport imposé comme une forme de supplice et d'humiliation aux déportés,

   4. Les sportifs déportés.

 

A l'intérêt documentaire et historique indéniable de cette exposition s'ajoute un intérêt mémoriel qui justifie son évocation sur ce blog. Après de longues années d'occultation, l'histoire des camps de concentration évolue sensiblement. Les études consacrées strictement à la souffrance des déportés, à l'organisation matérielle des camps et à la cruauté des kapos... font désormais une place plus grande à une approche davantage sociale et moins larmoyante.

On redécouvre (car les premiers témoignages n'avaient pas occulté cette dimension), que les camps n'étaient pas que d'effroyables usines à exterminer. Ils ont aussi été des lieux d'une vie, extrême et dangereuse, certes, mais tout de même d'une vie ! Ainsi, une activité culturelle a perduré par  le théâtre, la chanson, et même parfois l'écriture, le dessin ainsi que la peinture.

Désormais, grâce à ces deux expositions, on se rend compte que le sport avait aussi une place (particulière et souvent instrumentalisée par les nazis) dans l'univers concentrationnaire décrit notamment par Eugen Kogon :

« Chose étrange, il y avait dans les camps quelque chose qui ressemblait à du « sport ». Pourtant les conditions de vie ne s’y prêtaient pas particulièrement. [...] La SS semble avoir considéré cela comme un panneau-réclame [...]. À partir de 1943, les détenus se mirent à pratiquer la boxe ! C’est insensé, mais vrai ! Il y avait, dans le camp, des taureaux qui aimaient à faire exhibition de leur force intacte et de leur adresse à distribuer des coups. Et les faibles, qui pouvaient tout juste marcher, ces hommes décharnés, épuisés, à demi morts sur leurs jambes tremblantes, les affamés assistaient avec plaisir à ce spectacle. Mystères de la nature humaine ! » (Eugen Kogon, L’État SS, Seuil).

 

En 2005, quand j'ai commencé mes recherches sur la déportation pour motif d'homosexualité, j'avais naïvement posé la question de la sexualité dans les camps à plusieurs historiens et spécialistes des camps. La réponse avait été souvent catégorique, voire offusquée : comment envisager une telle éventualité dans cet enfer sans risquer d'offenser la mémoire des déportés ?

Dans ce domaine, comme dans bien d'autres, l'histoire a fini par faire évoluer les mémoires !

 

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27 juin 2012 3 27 /06 /juin /2012 10:20

 

Le violent orage qui s'est abattu sur Nancy dans la nuit du 21 au 22 mai 2012 a été  fatal à certains documents des archives départementales de Meurthe-et-Moselle. L'inondation du bâtiment a noyé certains cartons dont le contenu ne pourra pas toujours être restauré.

L'évènement a également été l'occasion de rappeler l'urgence de la construction en cours d'un  Centre des Mémoires destiné à rassembler sous un même toit plus moderne les archives départementales de Meurthe-et-Moselle et un "complexe d’accueil du public autour des mémoires et patrimoines d’archives régionaux".

L'idée initiale est originale : toute action qui peut permettre de rapprocher les citoyens de leurs archives doit être encouragée.

 

Mais pourquoi avoir décidé d'appeler ce lieu "Centre des Mémoires" ? Les centres d'archives ne sont-ils pas l'un des lieux privilégiés de la fabrique de l'histoire ? Les archives ne sont-elles pas censées représenter la matière première de l'artisan-historien ?

Nous nous efforçons depuis plusieurs années sur ce site à montrer que l'histoire et la mémoire ne sont pas nécessairement opposées, voire contradictoires. Au contraire, le rapprochement de leur intérêt commun pour le passé peut constituer un atout dans la défense de leur domaine de prédilection.

Le "rapprochement" ne doit cependant pas signifier la disparition d'un domaine par rapport à l'autre.

Nous avions déjà signalé cette tendance dans  un précédent article consacré aux musées qui ont parfois tendance à se regrouper sous des dénominations contestables telles que "Mémorial" ou "Historial".

Il serait dangereux à notre avis que cette mode s'élargisse aux centres d'archives qui n'ont pas pour vocation d'abriter et d'entretenir des mémoires, mais bien de recueillir les documents qui permettront plus tard d'écrire l'histoire.

Si le Conseil général souhaite montrer sa volonté d'ouverture, qu'est-ce qui l'empêche d'utiliser la dénomination de "Centre d'histoire" ou bien de "Centre d'histoire et de patrimoine" ?

 

A plus longue échéance, cette pratique pourrait conduire à des dérives regrettables : après les musées et les centres d'archives, doit-on s'attendre à devoir enseigner prochainement l'histoire et la mémoire, plutôt que l'histoire des mémoires ? Dans ce domaine aussi, certains signes sont parfois inquiétants...

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27 avril 2012 5 27 /04 /avril /2012 08:46

 

Le 23 mars 2012, dans la continuité des célébrations du 600e anniversaire de Jeanne d’Arc, Laurent Fabius a annoncé officiellement l'ouverture à Rouen en 2014 d'un historial consacré à la pucelle d'Orléans. La présentation du projet par l'ancien Premier ministre et président de la communauté d'agglomération de Rouen est somme toute assez banale : "Il s'agit de retracer à la fois l'histoire de Jeanne et l'histoire de l'Histoire, c'est-à-dire le mythe". Pourquoi alors ne pas simplement parler d'un musée ? 

 

Cette tendance à l'originalité dans les dénominations n'est pas isolée.

Quelques jours plus tard à Alise-Sainte-Reine en Bourgogne, l'actuel Premier ministre François Fillon inaugurait le MuséoParc d'Alésia visant, selon les affirmations de son site Internet, à faire "revivre l'histoire en grand" tout en s'interrogeant sur la place et le rôle de ce lieux mythique dans la mémoire nationale. 

MuseoParc-Alesia.jpg

 

Autre création récente : le Mémorial de la Marseillaise inauguré le 8 mars 2011 au coeur de la cité phocéenne. Bien que le nom soit différent, la logique du projet est visiblement toujours la même : retracer l'histoire de l'hymne national tout en proposant une mise en perspective sur les usages contemporains de ce chant patriotique.

Memorial-de-la-Marseillaise.jpg

 

Cette frénésie a néanmoins atteint son paroxysme en 2008 où deux espaces muséographiques ont été inaugurés la même année autour de la figure du général De Gaulle : le premier est un historial installé au sein des Invalides à Paris, tandis que le second est un mémorial construit à Colombey-les-deux Eglises.

Memorial-Charles-de-Gaulle.jpg

 

Historial-Charles-De-Gaulle.JPG

 

L'appelation "musée" ne semble cependant pas avoir totalement disparu puisque c'est le terme choisi récemment pour l'établissement inauguré à Meaux retraçant l'histoire de la Grande Guerre.

musee-grande-guerre-meaux.jpg

 

Existe-t-il finalement une règle et une signification particulièrer pour chacune de ses dénominations ?

D'un point de vue théorique, le mémorial est censé commémorer une ou plusieurs personnes, voire un évènement. L'objectif est donc avant tout celui de l'entretien de la mémoire qui a longtemps été illustré par l'élévation de monuments autour desquels étaient organisés une sociabilité de la mémoire (manifestations, recueillement, veillées, etc.). Depuis quelques années, cette pratique a évolué et intègre parfois une dimension historienne visant à rationnaliser et crédibiliser les manifestations mémorielles.

Par opposition, l'historial est censé privilégier l'approche historienne. La mémoire peut néanmoins y être intégré à condition d'être présentée et étudiée comme un objet d'histoire et non pas comme le prétexte à une commémoration.

Enfin, le muséoparc est une création récente et originale qui intègre la notion de loisirs et d'amusement dans un contexte historique.

 

La visite de ces différents lieux et/ou leur présentation respective sur les différents sites Internet ne permet cependant pas vraiment de saisir les nuances.

Ainsi, le mémorial Charles de Gaulle de Colombey-les-deux Eglises se présente-t-il comme un "centre d’interprétation historique". A l'inverse, l'Historial des Invalides revendique d'être "à la fois musée et mémorial".

On comprend donc que la dénomination initiale fait vraissemblablement l'objet d'une réflexion des initiateurs (on l'espère tout du moins...) mais que les orientations ultérieures perdent ensuite régulièrement l'origine matricielle du projet initial.

 

Ce constat est lui-même révélateur d'évolutions muséographiques à l'échelle nationale et internationale. Les constructions muséographiques modernes intègrent en effet systématiquement une dimension mémorielle qui est la conséquence de plusieurs facteurs :

   1. L'ère "mémorielle" dans laquelle nous vivons qui est le fruit d'un rapport au temps particulier de notre société (c'est cette dimension qui est à l'origine de ce blog), 

   2. La nécessité de justifier l'existence même d'un musée qui doit répondre à un intérêt et une demande sociale sur une thématique historique (le musée reste avant tout aujourd'hui une création politique de part ses modes de financement), 

   3. La solution de facilité pour un musée qui, confronté à rareté et la cherté des documents à exposer, va pouvoir combler quelques salles avec des objets du quotidien moins onéreux et plus disponibles.

 

Ce dernier point est probablement le plus grand défi que devront relever les musées à l'avenir. Dans un contexte économique défavorable au budget de la culture, beaucoup doivent souvent revoir leur ambition à la baisse.

S'ajoute à cette donnée conjoncturelle une tendance structurelle beaucoup plus inquiétante : celle des crispations géopolitiques autour des mémoires nationales. Certains dossiers brûlants ont déjà été évoqués sur ce blog. Ils ne constituent pourtant que la partie émergée de l'iceberg qui menace actuellement les plus grands musées du monde tels que celui de l'Holocauste à Washington. Depuis quelques mois, les administrateurs du site rencontrent en effet de grandes difficultés à convaincre les autorités polonaises de proroger les contrats de prêt d'objets qui prennent fin successivement.

 

La contradiction est pour le moins ambivalente. D'un côté, l'ère mémorielle favorise la demande sociale et permet d'impulser de nombreux projets muséographiques ; de l'autre, les mémoires nationales et communautaires revendiquent l'appropriation d'objets qui ont eux aussi une histoire qui a pu les conduire dans d'autres pays souhaitant les valoriser. Dans ce domaine, la France n'est d'ailleurs pas en reste puisque s'il s'est trouvé des historiens et archivistes pour s'insurger contre le prêt/retour des manuscrits coréens de la BNF en Asie, personne n'a en revanche contesté le classement des archives du philosophe Michel Foucault en "trésor national", signifiant qu'elles ne peuvent désormais plus quitter le territoire national.

 

Dans le domaine de la mémoire, comme dans celui de l'économie et de la politique, le protectionnisme risque rapidement de se transformer en isolationnisme...au détriment de la richesse culturelle collective !

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13 février 2011 7 13 /02 /février /2011 19:03

 

Dans sa définition la plus réduite, un musée est un établissement public dans lequel sont conservées et exposées des collections d’objets qui présentent un intérêt artistique, historique, scientifique, etc.

Si l’on prétend à une considération plus noble des musées, on peut aussi penser, avec l’ancien ministre de la Culture André Malraux, qu’ils sont « des lieux qui donnent la plus haute idée de l'homme » (in, Le Musée Imaginaire).

Quoiqu’il en soit, le musée n’est pas un lieu anodin. Il est le fruit du travail des hommes qui décident à un moment de réunir plusieurs objets dans un même espace délimité afin que d’autres hommes viennent observer, voire admirer, des productions qui sont elles-mêmes réalisées par des hommes particuliers, souvent dans le but de les livrer au regard d’une majorité.

Nous comprenons bien par cette définition extensive que le musée doit aussi être considéré comme une interface, une zone de contact et d’échanges entre des hommes, des sociétés, voire des époques.

Le musée n’est donc jamais une simple exposition d’œuvres livrées fortuitement au visiteur. Il est le fruit d’une construction qui répond à une double logique : d’une part, donner à voir une représentation particulière (et donc temporellement connotée) d’une thématique ; d’autre part, offrir une visibilité à cette même thématique en lui consacrant un espace public qu’on espère toujours être le plus populaire.

 

Partant de ce constat théorique, nous pouvons désormais réfléchir à partir d’exemples concrets afin de répondre à la question qui nous intéresse : Les musées participent-ils au débat mémoriel ?

Cette problématique m’a semblé pour le moins absente des récents débats autour de la maison d’histoire de France et de l’hôtel de la Marine alors qu’elle me semble essentielle, si ce n’est centrale.

 

Ouvrons le premier dossier. La polémique fait rage depuis quelques mois autour de ce projet initié et soutenu par le Président de la République en personne. J’avais d’ailleurs déjà commenté les premières orientations implicites sur ce blog. Depuis, ma réflexion s’est approfondie, notamment à la lecture des recherches et commentaires qui émergent outre-Atlantique. Récemment, les Etats-Unis ont en effet inauguré trois nouveaux musées originaux : l’un consacré à la place de l’islam dans l’évolution scientifique, l’autre autour de l’esclavage, et enfin un dernier que nous avons présenté sur ce blog dédié à l’histoire des LGBT (Lesbiennes, Gay, Bisexuels et Transsexuels) à San Francisco.

Dans tous ces cas, un point commun apparaît : l’aspect identitaire du projet muséographique. A tel point que les commentateurs commencent à parler d“identity museum” ou encore d’“identity exhibition” (lire à ce sujet l’excellent article d’Edward Rothstein publié par The New York Times).

Il est fort probable qu’à de rares exceptions, de tels projets n’auraient pas pu voir le jour en France. Les membres actuels du comité scientifique de la Maison d’histoire de France semblent d’ailleurs s’en féliciter et présentent comme une grave dérive communautariste toute tendance qui mènerait à ce modèle de musée.

Qu’ils soient rassurés, ces projets ont chacun suscité tout autant de discussions, débats et polémiques aux Etats-Unis, ce qui devrait normalement atténuer les lectures à l’emporte-pièce de certains hommes politiques français qui critiquent un peu vite un modèle anglo-saxon prétendument communautariste pour mieux l’opposer aux valeurs du modèle républicain à la française.

A travers le débat, les américains sont parvenus à dépasser ce qui bloque depuis plusieurs années dans notre pays des projets particulièrement novateurs et intellectuellement motivants. A partir d’un projet initial à connotation communautaire, et en acceptant de réunir plusieurs acteurs autour d’une table, ils parviennent généralement à force de travail et de patience à créer de véritables lieux dédiés à un groupe particulier, sans dénaturer son ancrage national.

 

C’est à mon sens la tournure que pourrait prendre l’un des projets proposés pour la reconversion de l’hôtel de la Marine.

J’ai été particulièrement désappointé d’observer une confusion omniprésente entre histoire et mémoire dans tous les articles qui ont été publiés autour des polémiques sur la vente et/ou la réhabilitation de cet espace prestigieux. Si le lieux peut être considéré comme un « lieu d’histoire » au sens où il a accueilli pendant des siècles des hommes et des évènements qui ont fait l’histoire de France, que signifie la désignation « lieu de mémoire » qui a été reprise sans aucun questionnement par tous les journalistes qui se sont penchés sur ce dossier. De quelle mémoire parlent-ils ? L’émotion qui s’est manifestée durant un court instant médiatique suffit-il à considérer que le lieu fait l’objet d’une réelle appropriation populaire ? Communautaire ? Cela reste à prouver sur le long terme…

C’est dans cette perspective que je me suis intéressé plus en détail à une proposition qui demeure pour l’instant très discrète dans la multitude des projets proposés autour du prestigieux bâtiment : celui de créer un musée de l’Esclavage, de la Colonisation et de l’Outre-mer.

Par son intitulé, le projet risque de ne pas dépasser les premières sélections. Pourtant, il présente le mérite d’offrir une belle occasion de réconcilier la France avec son héritage colonial. Parmi les guerres de mémoires les plus actives et rudes depuis plusieurs années, celle qui oppose les anciens colonialistes, colonisés, découvreurs, esclaves, marchands, harkis, etc. demeure probablement la plus enflammée et potentiellement explosive. Certains lui reprochent d’ailleurs la xénophobie latente de la société française ou encore les émeutes dans les banlieues.

En soutenant un tel projet qui peut paraître initialement communautaire, et en l’inscrivant dans une perspective nationale symbolique (tant par le lieu que par le contenu), on peut imaginer que la France aurait ainsi contribué indirectement à éteindre plusieurs éventuels incendies par une initiative moins onéreuse qu’un « plan banlieues » trop vite tombé aux oubliettes de son échec.

 

Ainsi, un tel musée pourrait favoriser la rencontre de plusieurs sociétés, plusieurs époques, ou tout simplement plusieurs individus qui s’observent depuis des décennies dans l’incompréhension, les regards méfiants et avec une distance délimitée par les autoroutes qui séparent les quartiers. Le musée pourrait alors être le lieu de leur rencontre, voire de la réunion de leurs mémoires considérées à tort comme contradictoires. Ainsi, d’un projet communautaire, on accomplirait vraisemblablement un dessein républicain.  

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27 novembre 2010 6 27 /11 /novembre /2010 20:57

 

Comme beaucoup de collègues, j’essaie de suivre depuis quelques mois le dossier polémique du musée d’histoire de France (baptisé depuis « maison de l’histoire de France ») annoncé par Nicolas Sarkozy le 13 janvier 2009. En reprenant les différentes étapes de ce projet, j’ai essayé de comprendre quelle pouvait être la place réservée aux mémoires au sein d’un tel établissement.

 

Un projet marqué par le sceau de la Présidence

Dans son discours, Nicolas Sarkozy rappelle très directement sa vision idéologique de l’histoire, ce qui à mon sens ne laisse rien présager de très favorable pour une vision mémorielle. Au début de son intervention, prenant pour prétexte une construction architecturale de Norman FOSTER à Nîmes, il précise : « être fidèle à son identité, c'est se tourner vers l'avenir et non pas vers le passé ». Quand on vient annoncer un projet de musée d’histoire de France, ça commence mal…

L’évocation précise  arrive bien plus tard dans le discours. J’ai déjà eu l’occasion à plusieurs reprises d’évoquer la vision particulière de l’histoire dans l’esprit de Nicolas Sarkozy (voir sur ce blog la catégorie « Sarkozy et l’histoire »), mais je ne pensais pas qu’on puisse atteindre de tels sommets :

- «  On ne connaît notre histoire que par les moments où les Présidents de la République successifs s'excusent des périodes où, hélas, l'Histoire a été tragique » : cette phrase incroyable n’est pas seulement un tacle en direction de son prédécesseur direct qui avait inauguré en 1995 son septennat par un discours remarqué et remarquable sur la responsabilité de la France de Vichy dans la déportation. Elle me semble être symptomatique de l’hyper-politisation d’un homme entièrement tourné vers la conquête et l’exercice du pouvoir et qui en a oublié que tout n’était pas politique dans notre société. Non monsieur Sarkozy, il faut que vous le sachiez, l’Histoire n’est pas encore écrite par les discours des Présidents de la République, et il ne faut pas qu’elle le soit.

- « Il n'existe aucun lieu pour questionner notre histoire de France dans son ensemble. Nous avons donc décidé la création d'un musée de l'Histoire de France. Ce musée sera situé dans un lieu emblématique de notre histoire, un lieu qui reste à choisir et qui sera choisi : il y a plusieurs idées qui font sens mais il faut en débattre, échanger, il faut que cela polémique un peu, que chacun fasse valoir ses arguments, parce que l'histoire de France, c'est un tout, c'est une cohérence. En général, on l'attaque par petit bout, les pages glorieuses, les pages un peu plus délicates, alors qu'on devrait l'affronter dans son ensemble (…). Il me semble que cette initiative renforce aussi l'identité qui est la nôtre, l'identité culturelle : c'est une autre initiative que je laisse à votre réflexion ». Sur le principe, a priori, rien à dire ! Quel historien oserait s’élever contre un projet visant à valoriser l’histoire ? Dans le détail en revanche, c’est plus compliqué. Deux ans après cette annonce, la polémique est bien présente, mais elle n’a guère pu s’exercer jusqu’alors sur le fond du dossier. Au contraire, les opinions s’affrontent justement sur le fait qu’il n’y ait pas vraiment eu de consultation, de débat et de discussion. L’idée part du sommet de l’état et doit s’abattre comme une avalanche sur les ateliers des historiens réfugiés dans la vallée.

A ce stade initial, on peut donc penser que la force du commanditaire et ses considérations sur une mémoire qui serait strictement néfaste car inscrite dans la repentance, ne laisse guère de place à l’approche mémorielle pourtant riche dans l’évocation de l’histoire de France.

 

Une évolution fidèle aux conceptions de l’initiateur

La parole présidentielle ayant valeur d’ordre de mission, le ministre de la Culture se met alors au travail afin de faire grandir cette idée qui tient pour l’instant sur un post-it griffonné au coin d’une table au cours d’une réunion. Il faut se mettre au travail : soit. Convoquons des historiens… en s’assurant néanmoins qu’ils travaillent bien dans la stricte direction fixée par le Président. On appelle donc  Jean-Pierre Rioux qui s’est fendu en 2006 d’un essai intitulé La France perd la mémoire, Comment un pays démissionne de son histoire.

 

La-France-perd-la-memoire-Jean-Pierre-Rioux.jpg Jean-Pierre RIOUX, La France perd la mémoire, Comment un pays démissionne de son histoire.

 

Le résumé choisit par l’éditeur en quatrième de couverture suffit à situer la position de l’auteur : « Notre débâcle intime et collective, celle du souvenir et de l'art de vivre, est en cours. Nous assistons à l'exténuation du vieux rêve qui faisait de la France un héritage et un projet. Tout se passe comme si ce pays était sorti de l'histoire vive pour entrer en mémoire vaine, comme si la rumination avait remplacé l'ambition et qu'on expédie par pertes et profits Austerlitz, la laïcité ou un demi-siècle de paix en Europe. Hier, nous célébrions la nation républicanisée, l'histoire laïcisée et l'intérêt général ; aujourd'hui, nous valorisons les mémoires et les "devoirs" de mémoire, mais nous ne savons plus saisir l'âme de la France. Résultat : ce pays vit à l'heure du n'importe quoi mémoriel ».

Amis historiens, soyez donc rassurés, l’ombre de la IIIe République va ressusciter et s’abattre contre vos égarements mémoriels futiles.

 

Il faut préciser qu’à ce stade de la réflexion, Jean-Pierre Rioux ne s’exprime quasiment pas sur le fond du dossier. Il tient pour acquis le rapport dirigé par Hervé Lemoine, conservateur du patrimoine, remis en avril 2008 aux ministres de la Défense et de la Culture. Dans la partie introductive, la mémoire est attaquée en règle sur plusieurs pages avec des points d’animosités particulièrement virulents :

            - « Le pire n’est plus à venir, il est advenu, et le déni de « l’histoire-de-France » en est arrivé à un tel point que les autorités françaises ont préféré s’associer aux célébrations anglaises de Trafalgar plutôt que de commémorer, en 2005, Austerlitz, faisant dire au grand historien Jean-Pierre Rioux que la « France perdait la mémoire, comme on perd la boule, la main ou le nord ! ». En somme, à l’aube du XXIe siècle, il serait encore impensable de commémorer nos défaites, au profit de nos seules victoires étalées orgueilleusement à la vue de ceux avec lesquels nous avons tenté de construire depuis lors des liens d’amitié.

            - « Cette récusation de l’histoire prend diverses formes, souvent, comme l’enfer, pavées de bonnes et de morales intentions. Ainsi, la multiplication des manifestations commémoratives, des célébrations, non plus nationales mais identitaires, la prolifération des fondations, des associations, des centres et des cités chargés de faire la promotion de la revendication mémorielle d’un groupe social, d’une communauté d’origine ou de destin, semblent avoir définitivement rendu impossible et même illégitime toute référence à une histoire de la Nation, à sa déontologie, à sa pratique et à son sens ». Pourquoi se priver de stéréotypes ? La mémoire, ce n’est rien de moins que le diable en personne et je m’inquiète de lire de tels propos dans un rapport officiel remis aux ministères. Ce que l’auteur de ce brûlot ne pouvait pas prévoir, c’est que l’actuel gouvernement allait être lui aussi à l’origine de la création d’une nouvelle fondation « pour la mémoire de la Guerre d’Algérie ». Du point de vue de la cohérence, il reste encore quelques accrocs dans la théorie politique du projet présidentiel.

            - « Les politiques et le Parlement se sont laissés prendre en otage par ce « régime mémoriel », que l’on serait tenté de qualifier de despotique ». Autant dire qu’en lisant cette phrase, j’ai eu un sursaut. D’une part, la violence du propos est somme toute choquante ; mais d’autre part, je crois me souvenir (s’il m’est encore permis d’utiliser la mémoire individuelle sans être frappé d’infamie) que les lois dites « mémorielles » ont été proposées et votées par la majorité présidentielle et ses alliés au même titre que l’opposition : ainsi, Christian Vanneste, député UMP, n’a-t-il pas proposé en novembre 2006 une loi visant à faire reconnaître par l’Etat le génocide ukrainien des années 1930 ? N’est-ce pas non plus Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux Anciens Combattants de Jacques Chirac qui est à l’origine de la fameuse loi du 23 février 2005 ? N’est-ce pas encore Christian Vanneste qui à cette occasion a proposé l’article 4 visant à faire reconnaître le « rôle positif » de la présence française dans ses anciennes colonies ?

 

L’histoire de France écrite par grand-papa

Bref, on comprend bien par l’intermédiaire de ce rapport que les mémoires n’auront pas leur place au sein de ce musée qui est censé représenter l’organe officiel impulsant l’écriture de l’histoire de France (et qui risque, de par son statut, de vampiriser la plupart des crédits de recherche publiques).

Cet aspect m’inquiète non seulement car je suis persuadé que les études mémorielles peuvent, si elles sont étudiées avec sérieux, apporter une valeur ajoutée à l’écriture de notre histoire ; mais également parce que ce projet me donne l’impression d’une réaction (au sens propre du terme) dans l’écriture de l’histoire.

Quelle est donc au fond cette volonté de retrouver une identité nationale qui aurait été perdue ? Lorsque je relis ces discours et ces rapports, j’ai l’impression de relire les propos de Charles Péguy sur « les huss        ards noirs de la République ». Si à l’époque la France avait pour ambition de développer l’histoire nationale pour ancrer profondément l’idée républicaine dans la tête et les tripes des jeunes enfants appelés à se battre un jour pour reprendre l’Alsace-Lorraine, qu’en est-il aujourd’hui ? Par qui l’histoire de France est-elle menacée et contre qui est-elle censée s’écrire ?

Je suis également inquiet de constater que les Français (et peut-être surtout leurs médias) ne se préoccupent pas davantage des polémiques qui se multiplient autour de ce projet. Elles sont pourtant à mon sens révélatrices d’une évolution de la société française qui, à la fin du siècle dernier encore, était en mesure de s’émouvoir quand son histoire semblait être menacée. Depuis quelques années, on supprime les heures d’enseignement de cette discipline à l’école, on instrumentalise les faits historiques dans les discours politiques, on stigmatise l’intérêt de la population qui se passionne régulièrement pour les questions mémorielles… mais les porte-voix semblent trop occupés à parler de politique, d’élections et d’économie pour s’apercevoir que dans ces domaines aussi, l’histoire aurait pu apporter des réponses, si l’on prenait juste le temps de l’interroger et de la protéger.

 

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3 octobre 2010 7 03 /10 /octobre /2010 10:26

 

Au moment où je publie mon précédent article qui porte notamment sur l’adoption du statut des Juifs par le régime de Vichy, j’apprends par un hasard inattendu que le texte original de ce document historique vient d’être retrouvé et remis par un généreux donateur au Mémorial de la Shoah.

 

Deux informations essentielles sont livrées dans cette information :

   - D’une part, que ce document nous était jusqu’alors inconnu. Cela peut paraître surprenant aux néophytes mais cela est souvent le cas. Certains documents connus de tous et inscrits dans la liste des documents patrimoniaux de notre République (c’est le cas pour le statut des Juifs) ne sont connus des historiens que par leurs transcriptions dans des journaux, ouvrages, affiches. On parle alors de sources « intermédiaires » ou « secondaires ».

D’où l’importance dans ce cadre des historiens du droit qui s’intéressent souvent à des corpus d’archives difficiles d'accès et délaissés par leurs collègues. J’ai souvent eu l’occasion dans ce blog et ailleurs de rappeler l’intérêt que présentaient pour moi les travaux de l’historien Marc Boninchi qui, s’ils peuvent paraître abrupts au premier abord (il s’agit d’étudier le parcours d’écriture des lois dans le contexte du régime de Vichy), sont d’un apport essentiel dans la compréhension de ce régime et de cette période historique.

   - d’autre part, on apprend que ce document a été remis au Mémorial de la Shoah par un donateur anonyme. Ce point me pose davantage de problème. Qui est donc ce mystérieux donateur qui a conservé pendant plusieurs décennies un document aussi précieux ? Comment a-t-il lui-même obtenu ce texte censé appartenir au domaine public ? Pourquoi décide-t-il aujourd’hui de le remettre au Mémorial de la Shoah et non pas aux Archives Nationales ?  

J’ai déjà évoqué dans ces lignes le rapport particulier qu’entretient M. Klarsfeld avec certaines archives qui lui sont particulièrement chères. Il n’est donc pas étonnant de le voir ce matin commenter dans la presse l’importance de cette révélation avec une analyse très pertinente. Le rôle du général Pétain dans la persécution des Juifs de France s’en trouve particulièrement chamboulé et il semble, à partir de ce nouveau document, qu’il ait lui-même décidé de durcir les conditions de vie et les discriminations envers cette population.

 

Néanmoins, en tant qu’historien, je n’oublie pas que chaque archive, aussi sensationnelle soit-elle, doit être passée au crible d’une analyse critique interne et externe minutieuse. Pour l’heure, tant que cette pièce ne sera pas rendue publique et que nous n’en connaîtrons pas le parcours, il nous est impossible d’en tirer davantage de conclusions.

 

statut des juifsLe statut des Juifs français, un document dont l'histoire n'a pas encore été écrite

 

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21 août 2010 6 21 /08 /août /2010 12:01

 

De retour de vacances, je rapporte dans mes valises de nouveaux sujets d'articles. La période estivale est en effet propice à la découverte de nombreux lieux de mémoire qui m'ont conduit cette année dans l'Est de la France, puis dans le Sud et enfin en Italie. La prochaine série d'articles sera donc essentiellement consacrée à des réflexions pérégrines au gré des découvertes mémorielles.

Et tout d'abord, je souhaiterais inaugurer une nouvelle rubrique que je dédicace à Monsieur et Madame Lenelle, fidèles lecteurs de ce blog, qui m'ont invité à passer un très agréable et instructif séjour dans la région de Verdun.

 

Cette rubrique intitulée "Mémoire de musées" fait appel à l'interactivité des lecteurs de ce blog qui pourront me communiquer à l'envi leurs expériences de visite des musées dans toute la France et à l'étranger. L'objectif est d'illustrer l'omniprésence de la mémoire dans les projets muséographiques anciens et récents. En somme, il s'agit d'exercer une lecture mémorielle critique du récit historique proposé dans des lieux considérés comme pédagogiques et ouverts au grand public. Comme toujours dans ce blog, il n'est pas question de porter un jugement gratuit sur un lieu, une pratique ou une opinion, mais plutôt de proposer une autre lecture ou bien de souligner avec respect d'éventuels abus dans l'écriture d'une histoire parfois un peu trop officielle. Et qui sait ? Peut-être qu'avec votre aide, nous encouragerons certains musées à réfléchir de nouveau sur leux expositions...

 

Les photographies proposées dans cet article ont été prises en juillet 2010 au Centre Mondial de la Paix, des Libertés et des Droits de l'Homme à Verdun. Le titre est un peu ronflant. D'autant plus que malgré la qualité de son espace et de l'exposition, le site de l'ancien palais épiscopal de Verdun s'avère vraiment modeste pour une réelle ambition internationale. Disons plus honnêtement que ce centre permet à la ville de Verdun d'attirer dans son centre des touristes et visiteurs qui pour la plupart se contentent de passer par les champs de batailles, les forts et les musées situés dans un rayon de 10 km sans s'arrêter dans la ville qui donne son nom à la célèbre bataille de 1916.

Quoique modeste, ce centre est très bien conçu et résume de façon pédagogique et actualisée les principales problématiques autour des thématiques de guerre et de paix.

L'une des salles est bien entendu consacrée à la construction européenne (il n'aura échappé à personne que le site Internet est d'ailleurs hébergé par un nom de domaine en "eu"). Les institutions européennes sont ainsi louées pour avoir mis fin à une longue série de conflits armés sur le continent, notamment entre la France et l'Allemagne (d'où le choix judicieux de Verdun).

Cette considération mériterait d'être discutée, ou pour le moins nuancée, même si nous convenons qu'un espace muséographique n'est pas le lieu le plus adéquat pour illustrer la complexité des nuances de l'analyse historique. C'est pourquoi nous nous contenterons de renvoyer à toute une série d'ouvrages récents qui, à l'occasion d'une question sur la construction européene posée dans le cadre du concours de recrutement des professeurs d'histoire-géographie, traite de ce sujet de façon plus détaillée et précise que le projet européen n'a pas été d'emblée considéré comme la meilleure solution pour éviter d'autres guerres mondiales.

 

Ce qui étonne davantage et plus directement, ce sont les erreurs et les abus qui se sont glissés dans cette salle.

Tout d'abord, un premier panneau constitue une frise chronologique ayant pour principe de montrer un cheminement quasiment inéluctable de la construction européenne par l'utilisation de la symbolique d'une route empruntée par différents engins motorisés. Cette simple mise en scène pose déjà un problème méthodologique puisqu'elle suppose une lecture téléologique de l'histoire. Elle devient ensuite carrément problématique quand on s'aperçoit que la date de création de la Politique Agricole Commune (PAC) mentionnée sur ce panneau est 1968 et non pas la date réelle de 1962.

Centre mondial de la paix à Verdun

Centre mondial de la paix à Verdun

 

La situation se complique un peu lorsque dans cette même salle, on se retourne pour tomber nez-à-nez devant un nouveau panneau consacré aux précurseurs de l'Europe.  Parmi eux figure Winston Churchill.

Les précurseurs de l'Europe

Winston Churchill :

Encore une fois, la méthode ne manque pas de classe (on mobilise ainsi des autorités morales) mais elle dissimule en fait un présupposé idéologique un peu gênant qui voudrait que les grands hommes du XIXe et du XXe aient appelé de leurs voeux une construction européenne qui aurait tardé à venir.

   - D'une part, on pourrait trouver au moins autant d'intellectuels qui ont rejeté cette perspective.

   - D'autre part, il me semble plutôt maladroit de faire appel à Winston Churchill qui est certes considéré comme l'un des plus grands hommes de notre époque, et qui a réellement prononcé cette phrase dans son célèbre discours du 19 septembre 1946 à Zurich lors du congrès de Zurich.

discours-churchill-Zurich.jpg

Cliquez sur l'image pour entendre le discours de Winston Churchill (en anglais)

Très précisément, voilà quels ont été les mots de Churchill :

"En quoi consiste ce remède ? <à la guerre> Il consiste à recréer la famille européenne, cela dans la mesure du possible, puis de l’élever de telle sorte qu’elle puisse se développer dans la paix, la sécurité et la liberté. Il nous faut édifier une sorte d’Etats-Unis d’Europe. Ce n’est qu’ainsi que des centaines de millions d’êtres humains auront la possibilité de s’accorder ces petites joies et ces espoirs qui font que la vie vaut la peine d’être vécue".

 

Ce que les concepteurs de ce panneau ont oublié de préciser, dans leur volonté inébranlable de faire l'apologie de l'Europe, c'est que lorsqu'il évoque ce projet ambitieux, Winston Churchill n'a aucunement l'intention d'y intégrer le Royaume-Uni dont il a été Premier Ministre de 1940 à 1945. Au contraire, il prend l'exemple de son pays pour tracer une voie parallèle, et non pas commune, à l'Europe :  

"Il existe déjà un tel groupement d’Etats dans l’hémisphère occidental. Nous autres Britanniques, nous avons le Commonwealth. L’organisation du monde ne s’en trouve pas affaiblie, mais au contraire renforcée et elle y trouve en réalité ses maîtres piliers. Et pourquoi n’y aurait-il pas un groupement européen qui donnerait à des peuples éloignés l’un de l’autre le sentiment d’un patriotisme plus large et d’une sorte de nationalité commune ?"

 

On peut dès lors douter de la pertinence d'inclure la figure de Winston Churchill dans ce tableau consacré aux "précurseurs de l'Europe". Mais on comprend vite que dans cette salle, le Centre Mondial de la Paix, des Libertes et des Droits de l'Homme a en fait pris quelques libertés avec l'Histoire pour mieux honorer la mémoire de l'Europe.

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