Ces dernières semaines, les questions mémorielles ont encore été à l’honneur sur les bancs de l’Assemblée nationale. Cette omniprésence est d’autant plus surprenante que l’actualité
mémorielle n’a pas été particulièrement vive et qu’aucun évènement particulier n’est venu cristalliser les revendications.
Plusieurs interprétations permettent cependant d’expliquer cette situation :
- Les réponses ministérielles tardives à des questions posées avant, pendant, et après la visite d’Etat du Président de la République en Algérie en décembre 2012 et qui
avait suscité de nombreuses réactions dans le domaine mémoriel.
- L’existence d’un lobbying mémoriel efficace qui transparaît très régulièrement et assez lisiblement dans les demandes des députés,
- Enfin, de façon générale, l’importance des questions mémorielles dans notre société qui s’expriment inévitablement dans un des lieux les plus emblématiques de la
représentativité nationale.
L’objectif de cette chronique est d’essayer de synthétiser les dizaines de demandes formulées pour en saisir les principaux enjeux, ainsi que les limites révélatrices de notre système
mémoriel national.
Blocage récurrent sur les archives des Français d’Algérie
Le député UMP du Rhône Georges FENECH a interrogé le ministre des Affaires étrangères sur les archives de l’état civil des Français originaires d’Algérie restées majoritairement en Algérie et
dont trois cinquième seulement sont disponibles sous forme de microfilms en France.
Il demande à ce que le gouvernement reprenne les négociations « pour une éventuelle numérisation des deux cinquième des actes restants » au prétexte que « la préservation de la mémoire des
Français d'Algérie semble compromise par cette perte de patrimoine national et familial ».
Le ministre rappelle que des négociations ont commencé dans ce sens à l’occasion de la visite d’Etat en Algérie du président Jacques Chirac en 2003, qu’une nouvelle proposition a été faite aux
autorités algériennes en 2007, et que le dialogue a repris lors de la visite d’Etat du président François Hollande en décembre 2012. Or, à chaque fois, « le projet s’est heurté à des
difficultés » et les demandes sont « restées sans suites ».
Il est assez surprenant de constater l’imprécision de la réponse ministérielle n’expliquant pas la nature des difficultés rencontrées. Un autre député pourrait peut-être se
charger de préciser la question en espérant obtenir une réponse moins floue.
Mémoire des Harkis, un passé qui ne passe pas en Algérie
Le député du Vaucluse Jacques BOMPARD a interpellé le ministre des Affaires étrangères sur le sort des Harkis qui rencontrent toujours des difficultés à se rendre dans leur pays natal en raison
de la mémoire de leur rôle durant la guerre d’Algérie.
Sa demande s’accompagne d’une comparaison étonnante avec la France qui « facilite l'arrivée de nouveaux Algériens sur son sol par l'octroi de visas », ainsi que d’une proposition de
solution reposant sur l’établissement « de nouvelles relations avec l'Algérie, fondées sur la vérité et la cohérence historique ».
Doit-on comprendre que dans l’esprit de Jacques BOMPARD, les relations franco-algériennes sont fondées sur un mensonge et une incohérence historique ? Si oui, lesquelles ?
De même, sa comparaison avec la politique migratoire française signifie-t-elle qu’il envisage des mesures de rétorsion spécifiques à l’égard des candidats algériens à l’immigration ?
Devant l’ambiguïté de ces interrogations, la réponse du ministre reste prudente, rappelant le discours de François Hollande au parlement algérien en décembre 2012 dans lequel il a appelé à la
vérité historique sur le déroulement de la guerre d’Algérie et à l’ouverture des frontières entre les citoyens de ces deux pays.
Il rappelle au passage les actions de reconnaissance de la responsabilité de la France concernant les Harkis, notamment l’institution d’une journée d'hommage national aux Harkis (25 septembre),
la reconnaissance « à plusieurs reprises d’une part de responsabilité dans les massacres de 1962 en Algérie », « des mesures symboliques, sociales et pécuniaires en faveur de cette
communauté dont l'engagement appartient pleinement à la mémoire nationale », notamment par l’intermédiaire de « la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et
contribution nationale en faveur des Français rapatriés, qui inclut spécifiquement les supplétifs de l'armée française et assimilés, et qui mentionne les massacres commis après le 19 mars 1962 en
violation des accords d'Evian »… Une façon assez consensuelle de rappeler que la France met tout en œuvre pour reconnaître le rôle particulier de cette communauté dans son passé national,
mais qu’il lui est impossible d’exiger de l’Algérie qu’elle accorde le pardon sans risquer de crisper des relations diplomatiques déjà tendues autour de ces questions
mémorielles.
C’est ensuite au ministre des Anciens combattants d’assurer le service après-vente de cette question de « la reconnaissance de la responsabilité de la France dans les traitements infligés aux
anciens combattants harkis, pendant et après la guerre d'Algérie » qui ne semble pas satisfaire le député UDI Rudy SALLES.
Il retrace donc la chronologie des actions menées par le gouvernement français, montrant ainsi à quel point la question des Harkis a été au centre des politiques mémorielles depuis le début des
années 2000 :
- 2001 : création d'une journée d'hommage national, destinée à témoigner à ces anciens combattants la reconnaissance de la République pour leur engagement au service de la
France et les épreuves qu'ils ont endurées et apposition de plaques commémoratives dans des « lieux emblématiques ».
- Décret du 31 mars 2003 instituant une « Journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives », fixée le 25 septembre de chaque année.
- Loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des rapatriés et prévoyant « une augmentation régulière au 1er
octobre de chaque année de cette allocation pour les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives et assimilées, ainsi que pour leurs veuves », leurs orphelins ou bien
des aides multiples à l’éducation, la formation et l’insertion professionnelle pour leurs enfants.
- Décret du 3 août 2010 : création d'une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie (dont l’orientation contestée actuellement fait
l’objet d’un bilan d’étape en vue d’une réorganisation prochaine).
- 27 février 2012 : loi visant à sanctionner pénalement les injures et diffamations à l'encontre des membres des formations supplétives.
- 25 décembre 2012 : Discours du Président de la République reconnaissant la faute de la France en ces termes : « Il y a cinquante ans, la France a abandonné ses propres
soldats, ceux qui lui avaient fait confiance, ceux qui s'étaient placés sous sa protection, ceux qui l'avaient choisie et qui l'avaient servie ».
Conflits autour des mémoires de la guerre d’Algérie
Le député du Nord Marc DOLEZ relaie assez directement une revendication de la Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA) qu’il cite directement dans sa question concernant les noms des
victimes figurant sur le mémorial national du quai Branly à Paris. Il demande ainsi au ministre « s'il entend prendre des mesures pour ne voir figurer sur le mémorial national à Paris que les
noms des seuls militaires et supplétifs « Morts pour la France » en Afrique du nord », considérant donc que ce n’est actuellement pas le cas et que certains noms n'auraient pas leur place
sur ce monument.
Le ministre rappelle encore une fois la chronologie de ce mémorial afin d’en comprendre le fonctionnement et les enjeux mémoriels :
- 5 décembre 2002 : inauguration en hommage aux combattants (militaires et supplétifs) morts pour la France en Afrique du Nord.
- 2006 : une nouvelle stèle est érigée près du mémorial afin d’afficher les noms des personnes disparues et des populations civiles victimes de massacres ou d'exactions commis
durant la guerre d'Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d'Evian, ainsi que les victimes civiles des combats du Maroc et de la Tunisie. Cette décision est la conséquence
directe de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
- 2009 : affichage sur le mémorial des noms des « victimes civiles françaises innocentes » de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie.
- 26 mars 2010 : inscription, le, à l'occasion d'une cérémonie associative, des noms des victimes de la fusillade de la rue d'Isly à Alger du 26 mars 1962.
- 5 octobre 2010 : circulaire formalisant la procédure à suivre pour l’ajout de nouveaux noms.
- 2011 : décision visant à organiser l’ajout de nouveaux noms sur le mémorial. Les colonnes latérales bleue et rouge sont réservées aux seuls militaires et civils tués dans
l'exercice de leur fonction au service de l'État, déclarés morts pour la France, tandis que la colonne centrale blanche rassemble les noms des victimes civiles.
- 28 février 2012 : 1 585 noms de disparus d'Afrique du Nord sont inscrits sur la colonne centrale du mémorial.
Malgré cette distinction assez claire, certains semblent encore s’offusquer de la présence des victimes civiles aux côtés des combattants « morts pour la France » et le député Marc LOHEZ s’en
fait l’écho à la tribune de l’Assemblée nationale.
Comment gérer l’inflation des journées mémorielles ?
Le député Jean-Jacques CANDELIER intervient régulièrement sur les questions mémorielles à l’Assemblée nationale. Cette fois-ci, il revient sur la question de la journée nationale d'’hommage aux
morts pour la France souhaitée par l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy.
Encore une fois, le député reconnaît être le porte-parole de revendications associatives, et notamment ici de l’Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC) qui
affirme que s’il est indispensable « de rendre hommage à tous les combattants de la guerre de 1914-1918, le 11 novembre de chaque année », « hommage doit être rendu aux anciens
combattants de chaque guerre à la date historique de la fin de ces conflits afin de permettre d'en exposer aux populations les causes, les effets et les conséquences dans le but de leur permettre
d'agir pour empêcher les drames, les injustices, les massacres, les exactions, les crimes de guerre et toutes les atteintes à la dignité humaine ».
Selon Jean-Jacques CANDELIER et l’ARAC, les journées commémoratives jouent un rôle pédagogique en rappelant chaque année les causes et les conséquences des principaux conflits. Les supprimer
reviendrait à « supprimer l'information de la population sur la mémoire historique » et « encourager l'oubli, privant la population de connaissances sur son passé qui fonde son
existence nationale et dont elle a un besoin permanent pour faire face aux questions vitales auxquelles elle se trouve confrontée ».
Il propose donc non seulement le maintien de toutes les commémorations actuelles, mais aussi d’instituer une nouvelle journée nationale de mémoire consacrée le 27 mai de chaque année « au
souvenir de la résistance antinazie à travers les actions du Conseil national de la résistance et de son programme » et enfin de conserver la date du 19 mars de chaque année comme date de
célébration officielle du cessez-le-feu en Algérie qui permit de mettre fin à la guerre et de rendre hommage à toutes ses victimes.
Le ministre rappelle que la proposition de Nicolas Sarkozy a été instituée par la loi n° 2012-273 du 28 février 2012 fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France. Il
précise cependant l’article 1er « dispose que cet hommage ne se substitue pas aux autres journées de commémoration nationales ».
Comme il l’avait fait auparavant, le ministre rappelle qu’il est aujourd’hui difficile d’inscrire la date du 27 mai dans un calendrier national qui compte déjà quatre journées commémoratives
liées à la Seconde Guerre mondiale et qu’il interviendra auprès du ministre de l'Éducation nationale afin que le Conseil National de la Résistance prenne toute sa place dans l’enseignement de
l’histoire de la Seconde Guerre mondiale à l’occasion du 70ème anniversaire de sa création en 2013. Force est de constater qu’à quelques semaines de la fin d’année scolaire, les enseignants
d’histoire n’ont reçu aucune directive en ce sens.
Le ministre rappelle enfin qu’il est conscient du doublon existant entre les commémorations du 19 mars et celles du 5 décembre. Il renvoie cependant le législateur face à ses responsabilités en
précisant que « rien n'empêche en effet qu'un même événement ou une même population fasse l'objet de deux commémorations au cours d'une année ».
Bref, il reconnaît implicitement que l’inflation mémorielle pose actuellement des problèmes très concrets d’organisation et de sens, mais que la pression des groupes mémoriels est
tellement forte que toute tentative de rationalisation dans ce domaine est vouée à l’échec.
Offensives répétées pour une journée nationale de la Résistance
La revendication relayée par Jean-Jacques CANDELIER ci-dessus a fait l’objet d’une proposition de loi débattue à l’Assemblée nationale, mais aussi au
Sénat.
Outre l’exposé traditionnel des faits historiques, la discussion au Sénat permet de poursuivre le débat sous la voix du rapporteur Jean-Jacques MIRASSOU qui concède que « certains esprits
chagrins, une fois de plus, ont estimé que l’adoption d’une telle proposition de loi ferait courir le risque d’un « encombrement » du calendrier mémoriel ».
Ce à quoi il répond « qu’aucune commémoration officielle, qu’il s’agisse de la journée nationale de la déportation, du 8 mai, du 18 juin ou du 16 juillet, n’est dédiée spécifiquement au
Conseil national de la Résistance et, d’une manière plus générale, à la Résistance ».
Dois-je préciser à M. MIRASSOU qu’aucune commémoration officielle n’est dédiée spécifiquement à la déportation pour motif d’homosexualité ? Ni aux victimes de l’Inquisition ? Ni aux victimes de
la chasse aux sorcières ? S’agit-il simplement de vouloir une journée nationale pour qu’elle devienne légitime ?
Autre argument avancé par Jean-Jacques MIRASSOU : « un sondage CSA publié en juillet 2012 fait ressortir que 67 % des jeunes de quinze à dix-sept ans et 60 % des jeunes de dix-huit à
vingt-quatre ans ignorent ce que fut la rafle du Vél’ d’Hiv ». On ne comprend pas bien ici en quoi l’instauration ’une journée nationale de la Résistance permettrait de résoudre cette lacune
alors que la journée nationale de la déportation n’y est pas parvenue.
Ce sondage est d’ailleurs prétexte à cibler la jeunesse pour laquelle cette nouvelle journée permettrait d’accéder à « un niveau de connaissance du passé lui permettant d’appréhender dans les
meilleures conditions son propre avenir en retenant les leçons de l’histoire ».
Encore une fois, je m’étonne que les députés et les sénateurs soient si prompts à considérer qu’une journée commémorative puisse avoir des vertus pédagogiques, sans jamais s’inquiéter par
ailleurs de la diminution des horaires d’enseignement en histoire qui conduisent à étudier la Seconde Guerre mondiale en quelques dizaines de minutes.
Un hochet pour les acteurs de la mémoire
L’existence d’une forte activité de lobbying est peut-être la plus évidente dans ces revendications honorifiques (mais aussi parfois pécuniaires) au profit des acteurs de la mémoire nationale en
France.
Ainsi, le député socialiste Jean-Paul BACQUET a interrogé le ministre chargé des Anciens combattants sur « la disparition [depuis 1963] du mérite combattant » qui « ne permet plus de
récompenser les personnes se distinguant par leur engagement et leur dévouement dans le soutien, la défense et la gestion des intérêts des anciens combattants ». Il demande donc « la
restauration de l'ordre du mérite combattant ou à défaut la création d'une décoration spécifique (médaille) ».
Dans la même perspective, le député UMP Alain MARLEIX (qui fut secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants en 2007 et 2008) interroge son successeur sur « l'intérêt de créer une médaille du
monde combattant [qui] honorerait et récompenserait les personnes bénévoles qui s'investissent sur le terrain, avec force et fierté, pour participer au devoir de mémoire ».
La réponse du ministre est similaire pour ces deux revendications. Il rappelle que « l'ordre du Mérite combattant, qui avait été institué par décret du 4 septembre 1953, était destiné à
récompenser les personnes qui s'étaient distinguées par leur compétence, leur activité et leur dévouement dans le soutien, la défense et la gestion des intérêts moraux et matériels des anciens
combattants et victimes de guerre, notamment comme dirigeants nationaux, départementaux et locaux des associations et œuvres ayant cet objet ». Cette distinction a certes disparu mais «
les responsables d'associations d'anciens combattants et victimes de guerre peuvent être distingués dans l'ordre national de la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite, au titre des
contingents du ministère en charge des anciens combattants, dès lors qu'ils exercent des activités au sein des instances dirigeantes de leur association, au niveau national ou régional, pour le
premier ordre national, et régional ou départemental, pour le second ordre national ».
Le ministre précise par ailleurs que les services de son ministère étudient actuellement la possibilité d’élargir l’accès aux deux ordres nationaux « une catégorie méritante d'acteurs du
monde combattant associatif, notamment au niveau local » au regard « des demandes récurrentes formulées par des associations d'anciens combattants pour honorer ces personnes ».
Sur la même question, il faut également noter l’édition récente d’un rapport visant à
élargir les conditions d’attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l’armée française totalisant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1er juillet 1964 ou en
opérations extérieures.
Bref, dans ce domaine, les propos de Napoléon n’ont pas pris une ride : « Je vous défie de me montrer une république, ancienne ou moderne, qui savait se faire sans distinctions. Vous
les appelez les hochets, eh bien c’est avec des hochets que l’on mène les hommes ».
Un bilan vers la modernisation de la politique de la mémoire combattante
Au début de son mandat, Nicolas Sarkozy avait qu’il serait possible de pouvoir simplifier et moderniser la politique mémorielle française. Il avait finalement reculé devant les multiples
contestations outragées, au sein même de son camp.
Le député UMP Jean-Pierre GIRAN semble pourtant penser qu’il faille aujourd’hui retenter cette expérience et demande au ministre des Anciens Combattants de faire un bilan de cet effort de
modernisation.
Force est de constater au regard de cette chronique qu'une remise à plat de la politique mémorielle française devient urgente !
Cependant, le ministre botte en touche en rappelant l’existence de huit fondations (La Fondation de la France libre, la Fondation de la Résistance, la Fondation pour la mémoire de la Déportation,
la Fondation Charles de Gaulle, la Fondation pour la mémoire de la Shoah, la Fondation de Lattre, la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie et la
Fondation du camp des Milles) qui constituent selon lui une forme de modernisation répondant « pour partie au problème du vieillissement des structures associatives combattantes ».
Il propose par ailleurs de « franchir une nouvelle étape » en proposant la création d’un « Haut Conseil auprès du ministre délégué dont l’une des sections regrouperait les fondations
et les associations de mémoire ».
Pas sûr que cela synonyme d’une réelle modernisation…
Réhabiliter les fusillés pour l’exemple
Ce dossier est récurrent à l’Assemblée nationale. Il est aujourd’hui réactivé par le député socialiste Vincent FELTESSE qui s’étonne que « plus de 90 ans après les faits, le mouvement engagé
par des associations, telles que la Libre pensée, la Ligue des droits de l'Homme, la Ligue de l'enseignement ou l'Association républicaine des anciens combattants, n'a pu aboutir qu'à quelques
dizaines de réhabilitations isolées » quand « d'autres pays tels que le Canada, l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande et l'Irlande ont réhabilité collectivement leurs soldats fusillés pour
l'exemple par voie législative ».
Le ministre confirme la récurrence du sujet en rappelant que le 11 novembre 1918, le Premier ministre Lionel Jospin avait déjà souhaité que « ces soldats, "fusillés pour l'exemple" au nom
d'une discipline dont la rigueur n'avait d'égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd'hui, pleinement, notre mémoire collective nationale ! ». Il souligne le fait que ce dossier a
fait « de la part des différents gouvernements qui se sont succédés, l'objet de nombreuses prises de position en faveur de la réhabilitation des « fusillés pour l'exemple » de la Première
Guerre mondiale » sans qu’aucune décision n'ait été prise.
Mais il ne s’engage lui-même qu’à faire « un premier pas symbolique dans ce dossier en attribuant, à l'occasion de la commémoration du 11 novembre 2012, la mention « mort pour la France » au
lieutenant Jean Chapelant, fusillé pour désertion le 11 octobre 1914 dans la Somme après avoir été installé sur un brancard improvisé adossé au poteau d'exécution, alors qu'il avait été blessé,
fait prisonnier et s'était évadé » et en promettant de « poursuivre ce travail de mémoire » sans promettre non plus de réelle décision collective.
Les questions en attente de réponse
Nicolas DUPONT-AIGNAN, député de l’Essonne, s’interroge sur la mémoire des appelés du contingent ayant trouvé la mort en Algérie entre 1953 et 1962 et propose qu’on leur décerne la Légion
d’honneur à titre posthume.
Il attise notamment les tensions en rappelant par ailleurs que le Président de la République s’est engagé lors de son déplacement en Algérie à attribuer 50 000 cartes de combattants, avec les
pensions afférentes, à des anciens combattants algériens ayant servi la France. « Il lui demande, avant d'instruire les dossiers de ces combattants de l'autre rive de la Méditerranée, de bien
vouloir privilégier la mémoire des combattants français en décernant la Légion d'honneur à titre posthume à tous les fils de France tombés en Algérie ».
Décidément, la guerre des mémoires algérienne n’est pas prête de s’arrêter !
Le député UMP Christian ESTROSI souhaite obtenir davantage d’informations sur la proposition contenue dans le rapport sur la refondation des politiques d'intégration consistant à organiser une
commémoration solennelle autour d'un mur du souvenir, démontrant le profond attachement de l'armée et de la Nation aux illustres anciens de toutes confessions et de toutes origines.
On s’interroge aussi, avec Christian ESTROSI sur le devenir de ce rapport remis au Premier ministre le 1er février 2013 qui propose d’utiliser la mémoire comme outil d’intégration dans certains quartiers dits «
sensibles ».
Il invite donc non seulement d’organiser une commémoration démontrant le profond attachement de l’armée et de la nation aux illustres anciens de toutes confessions et de toutes
origines, mais aussi de prévoir qu’ « une fraction de la ressource mobilisée pour tout projet de rénovation urbaine soit systématiquement consacrée au recueil, à l’exposition
et à la conservation de sa mémoire, pouvant comprendre l’édification préalable d’un lieu de mémoire, en association avec les habitants et sous l’égide de la Cité nationale de l’histoire de
l’immigration ».
Bien que cette expérience n’apparaisse pas dans ce rapport, des expériences de ce type ont été testées dans l’agglomération dijonnaise et nous l’avions déjà chroniqué à
l’époque…
Le député UMP Claude STURNI se fait l’avocat d’une revendication associative en signalant que les subventions de l’Etat français à l’association Pèlerinage Tambov ont tellement
diminué qu’elles ne permettent plus l’envoi de jeunes en Russie sur le site d'inhumation de Tambov afin d’assurer son entretien. Ces lieux de mémoire rendent hommage aux incorporés de force
(aussi appelés « Malgré-nous ») de l’armée allemande.
La députée UMP Catherine Vautrin interpelle le Premier ministre pour connaître ses intentions quant au transfert des cendres de Maurice Genevoix au Panthéon dans le cadre des
commémorations du centenaire de la Grande Guerre en préparation. Si le dossier est régulièrement évoqué dans les préparatifs, la décision finale ne semble en effet pas totalement actée.
On s’étonne enfin que le député UMP François VANNSON repose encore une fois le 19 février 2013 une question sur le choix de la date du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de
recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, considérant que la date du 5 décembre est « une date consensuelle,
recommandée par des historiens, et qui permet de commémorer le souvenir des morts en Algérie, au Maroc et en Tunisie ».
A l’inverse, son collègue socialiste Hervé FERON interroge le ministre des Anciens Combattants « sur le maintien de la journée de commémoration du 5 décembre, instaurée par décret du 26
septembre 2003 » car « il ne comprend pas la volonté du Gouvernement de conserver cette date ».
Décidément, le dossier risque de faire couler encore beaucoup d’encre.