Je vous avais bien dit que la campagne serait historique ou ne serait pas.
Nicolas Sarkozy ayant été informé de ma récente déclaration de candidature, il
s'est empressé de réagir aujourd'hui, quitte à prendre quelques distances avec son thème initial, et surtout avec la réalité.
En déplacement à Bordeaux pour parler de lutte contre les fraudes sociales, le président de République a souhaité rendre hommage à mon engagement dans la course vers la présidentielle. C'est donc
avec plaisir que je lui rend la politesse ! (A ce rythme, je vais bientôt devoir embaucher un nègre : il parait que ceux de Rama Yade et de Joseph Macé Scaron
ont récemment été mis en disponibilité. Appelez-moi les mecs !!!)
Mon principal concurrent s'est donc fendu aujourd'hui d'un discours particulièrement ambigu : comment en effet savoir s'il s'agissait de la parole présidentielle ou bien des promesses du candidat
Sarkozy ? (Soyons réalistes ! Quand on connaît le coût d'un tel déplacement, on comprend assez facilement pourquoi le candidat en poste souhaite retarder au maximum sa déclaration de candidature
: après 4 ans de bons et loyaux services, il considère probablement que les Français lui doivent bien quelques meetings...).
Tel un bachelier peu inspiré devant sa copie, le candidat Sarkozy s'est donc penché discrètement au dessus de l'épaule de son camarade de classe. Habitué des fonds de salle, il n'a pas trouvé
d'autre voisin qu'Henri Guaino. N'ayant pas retenu la leçon de son précédent larcin lors du contrôle sur la place
de l'homme africain dans l'Histoire, il a renouvelé l'expérience en espérant que le professeur-électeur ne remarquerait rien. Pas de bol, Mémorice de France fait
partie de la même promotion et associe sa particule à la délation.
Jugez par vous même l'objet du délit :
Pour ceux qui ne parviennent pas à supporter plus de cinq minutes de face-à-face avec le Président, vous pouvez également lire le discours sur le site de l'Elysée ou bien faire
confiance à mon honnête résumé (à vos risques et périls puisque j'ai endossé depuis hier le costume d'homme politique).
Selon Nicolas Sarkozy (et sur ce point nous sommes d'accords), le Président de la République doit protéger le modèle social français issu du Conseil National de la Résistance.
En revanche, le candidat Sarkozy prétend que "ceux qui ont trahi l'héritage du CNR, ce sont ceux, qui depuis des décennies, ont refusé toute réforme par lâcheté politique ou par
opportunisme". Pire encore, "La fraude : c'est la plus terrible et la plus insidieuse des trahisons de l'esprit de 1945. C'est la fraude qui mine les fondements mêmes de cette République
Sociale que les frères d'armes de la Résistance ont voulu bâtir pour la France et qu'ils nous ont léguée".
Il fallait oser. Voici que le modeste artisan qui ne déclare pas quelques heures de travail est assimilé à un pilleur de la République aux accents germaniques et aux bottes cirées !
Certes, la fraude sociale existe et il convient de lutter contre son éventuelle expansion. Prenons garde cependant à ne pas exagérer son étendue pour en faire un argument politique trop facile
contre une gauche peut-être parfois un peu trop laxiste dans ce domaine.
Prenons garde aussi, et surtout, à ne pas laisser le Président de la République frauder avec l'Histoire de manière encore plus ostentatoire que ceux qu'il dénonce.
Ce discours n'a en effet pas pour unique objectif d'allumer un contre-feu à ma déclaration de candidature (vaine tentative de toute façon, j'ai déjà été interviewé par le canard de mon village).
Les propos du président sont une réponse tardive, mais calculée, aux critiques qui lui ont été adressées dès les premiers mois de son quinquennat. Si tout le monde connaît désormais le visage
rayonnant de Stéphane Hessel et son cri
d'indignation relayé dans tous les pays du monde par des collectifs divers et variés, peu savent vraiment que cette aventure est née d'un film que le pouvoir avait partiellement
réussi à censurer en 2009 :
Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy s'inquiète de cette indignation qu'il avait négligé dans l'euphorie de son début de quinquennat. Quand les collectifs des Indignés se multiplient partout sur la
planète, il craint que son nom soit associé au système que tout le monde dénonce et sort l'artillerie lourde en tentant d'inverser l'accusation.
L'Histoire est cependant obstinée et les coups portés
sous sa présidence à l'enseignement de cette discipline ne sont pas encore suffisamment efficaces pour empêcher les citoyens de comprendre cette falsification. Pouvait-il cependant
imaginer que les coups les plus efficaces viendraient de son camp ? C'est en effet Denis Kessler, ex-président du MEDEF, qui a exposé dans les termes les plus simples et
efficaces la logique du quinquennat sarkozyte (un texte précieux qu'il est de plus en plus difficile de trouver sur Internet) :
"Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y
emploie.
Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées
diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme…
A y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et
1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !
A l’époque se forge un pacte politique entre les gaullistes et les communistes. Ce programme est un compromis qui a permis aux premiers que la France ne devienne pas une démocratie populaire,
et aux seconds d’obtenir des avancées - toujours qualifiées d’historiques - et de cristalliser dans des codes ou des statuts des positions politiques acquises.
Ce compromis, forgé à une période très chaude et particulière de notre histoire contemporaine (où les chars russes étaient à deux étapes du Tour de France, comme aurait dit le Général), se
traduit par la création des caisses de Sécurité sociale, le statut de la fonction publique, l’importance du secteur public productif et la consécration des grandes entreprises françaises qui
viennent d’être nationalisées, le conventionnement du marché du travail, la représentativité syndicale, les régimes complémentaires de retraite, etc.
Cette architecture singulière a tenu tant bien que mal pendant plus d’un demi-siècle. Elle a même été renforcée en 1981, à contresens de l’histoire, par le programme commun. Pourtant, elle
est à l’évidence complètement dépassée, inefficace, datée. Elle ne permet plus à notre pays de s’adapter aux nouvelles exigences économiques, sociales, internationales. Elle se traduit par un
décrochage de notre nation par rapport à pratiquement tous ses partenaires.
Le problème de notre pays est qu’il sanctifie ses institutions, qu’il leur donne une vocation éternelle, qu’il les tabouise en quelque sorte. Si bien que lorsqu’elles existent, quiconque
essaie de les réformer apparaît comme animé d’une intention diabolique. Et nombreux sont ceux qui s’érigent en gardien des temples sacrés, qui en tirent leur légitimité et leur position
économique, sociale et politique. Et ceux qui s’attaquent à ces institutions d’après guerre apparaissent sacrilèges.
Il aura fallu attendre la chute du mur de Berlin, la quasi-disparition du parti communiste, la relégation de la CGT dans quelques places fortes, l’essoufflement asthmatique du Parti
socialiste comme conditions nécessaires pour que l’on puisse envisager l’aggiornamento qui s’annonce.
Mais cela ne suffisait pas. Il fallait aussi que le débat interne au sein du monde gaulliste soit tranché, et que ceux qui croyaient pouvoir continuer à rafistoler sans cesse un modèle usé,
devenu inadapté, laissent place à une nouvelle génération d’entrepreneurs politiques et sociaux. Désavouer les pères fondateurs n’est pas un problème qu’en psychanalyse".
Denis Kessler dans Challenges, le 4 octobre 2007
IMémorice de France ne pouvait pas laisser l'Histoire être réécrite dans un meeting de l'UMP. La campagne s'annonce décidément passionnante !
Pour écrire l'histoire, sans perdre la mémoire
Mémorice de France