Ce blog se propose tout d'abord de recenser et d'analyser les réminiscences régulières de la mémoire dans notre actualité. Il vise aussi à rassembler différentes interventions d'historiens, mais aussi d'autres spécialistes, sur le rôle et les conséquences de la mémoire dans nos sociétés. Enfin, des réflexions plus fouillées sont proposées ponctuellement sur les manifestations de la mémoire dans les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. ISSN : 2261-4494
Au moment où je publie mon précédent article qui porte notamment sur l’adoption du statut des Juifs par le régime de Vichy, j’apprends par un hasard inattendu que le texte original de ce document historique vient d’être retrouvé et remis par un généreux donateur au Mémorial de la Shoah.
Deux informations essentielles sont livrées dans cette information :
- D’une part, que ce document nous était jusqu’alors inconnu. Cela peut paraître surprenant aux néophytes mais cela est souvent le cas. Certains documents connus de tous et inscrits dans la liste des documents patrimoniaux de notre République (c’est le cas pour le statut des Juifs) ne sont connus des historiens que par leurs transcriptions dans des journaux, ouvrages, affiches. On parle alors de sources « intermédiaires » ou « secondaires ».
D’où l’importance dans ce cadre des historiens du droit qui s’intéressent souvent à des corpus d’archives difficiles d'accès et délaissés par leurs collègues. J’ai souvent eu l’occasion dans ce blog et ailleurs de rappeler l’intérêt que présentaient pour moi les travaux de l’historien Marc Boninchi qui, s’ils peuvent paraître abrupts au premier abord (il s’agit d’étudier le parcours d’écriture des lois dans le contexte du régime de Vichy), sont d’un apport essentiel dans la compréhension de ce régime et de cette période historique.
- d’autre part, on apprend que ce document a été remis au Mémorial de la Shoah par un donateur anonyme. Ce point me pose davantage de problème. Qui est donc ce mystérieux donateur qui a conservé pendant plusieurs décennies un document aussi précieux ? Comment a-t-il lui-même obtenu ce texte censé appartenir au domaine public ? Pourquoi décide-t-il aujourd’hui de le remettre au Mémorial de la Shoah et non pas aux Archives Nationales ?
J’ai déjà évoqué dans ces lignes le rapport particulier qu’entretient M. Klarsfeld avec certaines archives qui lui sont particulièrement chères. Il n’est donc pas étonnant de le voir ce matin commenter dans la presse l’importance de cette révélation avec une analyse très pertinente. Le rôle du général Pétain dans la persécution des Juifs de France s’en trouve particulièrement chamboulé et il semble, à partir de ce nouveau document, qu’il ait lui-même décidé de durcir les conditions de vie et les discriminations envers cette population.
Néanmoins, en tant qu’historien, je n’oublie pas que chaque archive, aussi sensationnelle soit-elle, doit être passée au crible d’une analyse critique interne et externe minutieuse. Pour l’heure, tant que cette pièce ne sera pas rendue publique et que nous n’en connaîtrons pas le parcours, il nous est impossible d’en tirer davantage de conclusions.
Le statut des Juifs français, un document dont l'histoire n'a pas encore été écrite