Ce blog se propose tout d'abord de recenser et d'analyser les réminiscences régulières de la mémoire dans notre actualité. Il vise aussi à rassembler différentes interventions d'historiens, mais aussi d'autres spécialistes, sur le rôle et les conséquences de la mémoire dans nos sociétés. Enfin, des réflexions plus fouillées sont proposées ponctuellement sur les manifestations de la mémoire dans les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. ISSN : 2261-4494
Nous attendions cette déclaration depuis longtemps. A un moment ou à un autre, les candidats à l'élection présidentielle se sont tous prononcés sur l'enseignement de l'histoire en France... à l'exception de l'extrême-droite qui demeure très évasive sur le sujet.
Pourtant, un ouvrage récent que nous avons évoqué sur ce blog met en valeur la culture historique de l'actuel président d'honneur du Front National et père de la candidate du parti.
Pourquoi donc un tel silence sur l'enseignement de l'histoire d'un pays dont on entend prendre le pouvoir ?
Marine Le Pen a apporté quelques minces éléments de réponse samedi 17 mars 2012 lors d'un meeting en Corse où elle a fait l'apologie des "valeurs ancestrales qui sont aussi les valeurs primordiales de notre civilisation" ( tiens, cela me rappelle un autre discours...) :
Après avoir flatté ses auditeurs en rappelant leur rôle dans l'histoire de notre pays (en évoquant au passage l'empire colonial français), elle fait deux propositions simples : "l'apprentissage de l'histoire du territoire de chaque région dans les programmes scolaires" et "la création d'un Institut National du Patrimoine".
Difficile pour le moment de savoir à quoi cela correspond vraiment puisque la plupart des journalistes ont esquivé cette question des enjeux historiques et mémoriels de leurs interviews.
Concernant le premier point, nous pouvons tout de suite répondre à Marine Le Pen. Sa proposition est déjà mise en application par les programmes officiels qui, régulièrement, invitent les enseignants d'histoire à choisir des exemples locaux susceptibles d'éveiller la curiosité des élèves.
Concernant l'Institut National du Patrimoine, nous restons davantage perplexe. Ce projet a-t-il pour ambition de se substituer à l'actuelle Maison d'Histoire de France ou bien de créer une nouvelle institution ? Dans quel but ? Avec quelques présupposés idéologiques ?
L'histoire a cet avantage de permettre à la plupart des candidats de convoquer à la tribune les figures et les thématiques qui réveillent la fierté nationale et le sentiment patriotique. Marine Le Pen a semble-t-il décidé de jouer l'originalité et d'apparaître là où ne nous l'attendions pas. En s'adressant directement aux Corses et en leur promettant de favoriser leurs "valeurs ancestrales", elle ouvre la boîte de Pandore des communautarismes. Comment ne pas promettre ensuite aux Basques, aux Bretons et aux Alsaciens les mêmes attentions ? Comment ne pas envisager non plus d'accorder de tels honneurs aux Juifs et aux Musulmans de France qui, par milliers, ont contribué à l'histoire nationale ?
A vouloir taper trop fort sur la mondialisation et les technocrates européens, l'argumentaire de Marine Le Pen se radicalise autour des particularismes, voire des communautarismes, qui pourraient réveiller quelques revendications indépendantistes.