Ce blog se propose tout d'abord de recenser et d'analyser les réminiscences régulières de la mémoire dans notre actualité. Il vise aussi à rassembler différentes interventions d'historiens, mais aussi d'autres spécialistes, sur le rôle et les conséquences de la mémoire dans nos sociétés. Enfin, des réflexions plus fouillées sont proposées ponctuellement sur les manifestations de la mémoire dans les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. ISSN : 2261-4494
Je reproduis ci-dessous le texte de présentation d'un colloque organisé à Saint-Denis le 2 avril 2011 :
Quel travail de mémoire(s), pour quelle société ?
La question des mémoires collectives est très présente dans le débat public actuel. Qu’elles constatent la négation du passé colonial et esclavagiste de l’État français ou qu’elles appellent à la reconnaissance de cultures spécifiques et bafouées, les revendications mémorielles sont venues bousculer le récit national et ses célébrations.
La place du passé dans les constructions identitaires pose la question de ce qui fait appartenance, de ce qui différencie les groupes ou les rassemble. Nous souhaitons ainsi nous interroger, au cours de cette journée, sur cette évolution et sur ce qu’elle produit. Notre ville est une ville de tradition, une ville chargée d’histoire donc de mémoire.
Depuis toujours, elle est une terre d’accueil et de travail pour des populations venues du monde entier. Nous avons la certitude que notre ville peut tirer avantage de cette diversité. Sa jeunesse peut être une immense force de progrès à condition qu’elle soit respectée. Celle-ci doit construire, au fil du temps, ses propres réponses à partir de l’existant. La connaissance des uns et des autres, la connaissance des uns par les autres, la reconnaissance de chacun, participent de cette construction commune.
Cette spécificité dionysienne nous a conduits, ces dernières années, à développer une politique mémorielle qui ne trouvait pas forcément un écho au plan national. Le temps est venu de montrer que la République n’a rien à craindre et tout à gagner de mettre en partage ces mémoires singulières qui disent le pays d’origine, l’enfance, les raisons d’exil, les parcours des parents, la cuisine, les repères, les musiques, la langue.
S’arrêter pour nous interroger sur cette évolution, c’est se donner les moyens d’entrer dans la complexité d’une société en mouvement. Croiser les données scientifiques et le travail des acteurs de terrain, c’est nous aider à mieux comprendre les enjeux sociétaux et politiques pour ne pas nous laisser influencer par la politique gouvernementale actuelle qui bafoue toute différence et instrumentalise la question. C’est prendre le temps de se demander quel projet de société nous voulons construire aujourd’hui pour les générations futures.
Le programme de la journée peut-être consulté sur la page suivante.
De telles manifestations me confirment des idées largement développées sur ce blog :
- l'historien peut (et doit) avoir sa place dans le débat publique,
- l'entrée mémorielle est intéressante pour comprendre nos sociétés passées et contemporaines.
- l'échelle locale (mais on pourrait faire le même constat à l'échelle internationale) inaugure des réflexions et des actions qui devraient progressivement émerger à l'échelle nationale.
Des villes de plus en plus nombreuses en France commencent à comprendre que nommer une nouvelle rue, inaugurer une fresque murale, voire construire et réhabiliter de nouveaux bâtiments et de nouveaux quartiers ne sont pas des actes anodins. Leur donner du sens peut aussi relever de l'acte politique et citoyen.