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C'est Quoi ?

  • : Histoire, Mémoire et Société (ISSN : 2261-4494)
  • : Ce blog se propose tout d'abord de recenser et d'analyser les réminiscences régulières de la mémoire dans notre actualité. Il vise aussi à rassembler différentes interventions d'historiens, mais aussi d'autres spécialistes, sur le rôle et les conséquences de la mémoire dans nos sociétés. Enfin, des réflexions plus fouillées sont proposées ponctuellement sur les manifestations de la mémoire dans les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. ISSN : 2261-4494
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C'est Qui ?

  • Mickaël BERTRAND
  • Citoyen, historien et enseignant, j'ai souhaité partager sur ce blog mes réflexions quotidiennes sur la place de l'histoire et de la mémoire dans l'actualité nationale et internationale.
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Paperblog : Les meilleurs actualités issues des blogs

Cherche La Pépite

28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 09:53

 

English summary

Ben Carson, candidate for the Republican nomination in the 2016 presidential election, declared that "The likelihood of Hitler being able to accomplish his goals would have been greatly diminished if the people had been armed". New historical theory ? In fact, only a new example of the Godwin's Law in the American (and Occidental) memorial system. 

Premiers rebondissements mémoriels dans la campagne présidentielle américaine

Certaines logiques mémorielles sont parfois impénétrables. 

Que les candidats à l'investiture républicaine aux Etats-Unis soient opposées à toute forme de durcissement dans la législation sur le port d'armes s'entend : 

  1. Tout d'abord, cette idée est en totale contradiction avec leur idéologique ultra-libérale solidement défendue dans le deuxième amendement de la Constitution. 
The American Bill of Rights

The American Bill of Rights

« Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé. »

American Bill of Rights

  1. Ensuite, la National Rifle Association (NRA) qui milite activement pour défendre le droit des porteurs d'armes exerce une très forte influence sur l'électorat républicain dont seulement 13% des membres pensent que ce lobby a trop d'influence (contre 68% chez les électeurs démocrates). En tant que candidat à l'investiture républicaine, il serait suicidaire d'adopter une position contraire. 
  2. Enfin, à partir du moment où Barack Obama s'est positionné pour un contrôle plus strict du port d'armes aux Etats-Unis, il devient quasiment systématique pour les candidats républicains d'adopter une position inverse. 

Les récentes tueries de masse qui se multiplient dramatiquement depuis quelques semaines aux Etats-Unis ont conduit la plupart des candidats à exprimer clairement leur position à ce sujet. 

Parmi eux, Ben Carson, candidat républicain qui est actuellement le mieux placé dans les sondages après le tonitruant Donald Trump (sondages en date du 28/10/2015). 

Premiers rebondissements mémoriels dans la campagne présidentielle américaine

Lors d'une interview accordée à CNN au début du mois d'octobre 2015, ce candidat s'est fendu d'une comparaison historique pour défendre sa position pro-armes : 

La probabilité qu'Hitler puisse atteindre ses objectifs aurait été grandement diminué si les gens avaient été armés

CNN

Ce à quoi Ben Carson a ajouté ensuite : "Quand la tyrannie advient traditionnellement dans le monde entier, ils essaient de désarmer les gens d'abord". 

Cette déclaration pose évidemment de nombreuses questions aussi dramatiques que dérangeantes dans la perspective d'une lecture uchronique de l'histoire (aussi appelée alternate ou "What if" history en anglais) : 

  • Aurait-il fallu que les Juifs allemands aient des armes individuelles pour résister à l'antisémitisme omniprésent dans l'Allemagne des années 1930 ? 
  • Aurait-il suffi que les Juifs allemands aient des armes individuelles pour résister à l'industrie militaire nazie qui a permis de conquérie une grande partie de l'Europe en quelques mois ? 

Mais on comprend bien que ce ne sont pas du tout ces problématiques historiennes qui intéressent Ben Carson. Ses principaux objectifs en utilisant cette malheureuse formule visent à contrer politiquement ces deux principaux adversaires : 

  1. Donald Trump qui s'impose depuis quelques mois comme le roi de la formule choc qui permet d'attirer les médias et de monopoliser des heures d'antenne en jouant sur les plus bas instincts. 
  2. Barack Obama (et les principaux dirigeants démocrates) qui sont ainsi comparés à Hitler car ils voudraient prendre le contrôle des armes pour ensuite mieux contrôler la société américaine et lui imposer une tyrannie. 

C'est donc ce que l'on appelle un parfait Point Godwin qui vise encore une fois à mobiliser les références d'un régime mémoriel obnubilé par le nazisme pour mieux tuer le débat et disqualifier son adversaire. 

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11 octobre 2015 7 11 /10 /octobre /2015 09:24

La Guerre de mon père est une création théâtrale de la compagnie Mabel Octobre. 

Écrit à partir de témoignages, le spectacle traite de la guerre d'Algérie et souhaite participer au rétablissement de sa mémoire, en particulier auprès de lycéens.
Chaque représentation est accompagnée de l'intervention de la metteure en scène et du comédien, mais aussi de débats avec des universitaires, ainsi que d'une exposition sur le sujet.

Le spectacle est programmé

  • le 2 décembre 2015 à Argenteuil
  • du 4 au 13 décembre à Confluences (Paris, 20e). 

Le spectacle est cependant aussi proposé au sein-même des établissement scolaires, accompagné d'un dossier pédagogique (chronologies, biographies, points de repères, etc.) pour les professeurs intéressés par la démarche.

 

Informations complémentaires

 

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17 juillet 2015 5 17 /07 /juillet /2015 08:18

Depuis les attentats du mois de janvier 2015 contre le journal Charlie Hebdo et la prise d'otages dans un supermarché casher de la Porte-de-Vincennes, pas un jour sans que la question de l'identité nationale et des valeurs de la République ne soient évoquée. Les centaines de milliers de citoyens rassemblés dans les rues de la plupart des villes françaises les 10 et 11 janvier n'ont visiblement pas suffi à convaincre les hommes politiques et les médias de l'attachement de la communauté nationale aux valeurs républicaines.

Il est vrai que si certains historiens ont qualifié cette journée d'historique, d'autres universitaires ont rapidement questionné ces rassemblements dont le gigantisme et la diversité sociologique ont rendu difficile l'interprétation : communion laïque, rassemblement citoyen, thérapie de groupe après le choc de l'émotion... Les analyses se succèdent et révèlent pour l'instant davantage sur les positions idéologiques de leurs auteurs que sur la nature de ce rassemblement et les motivations de ses participants.  

Il suffit pourtant de s'arrêter quelques instants sur les innombrables images et slogans rencontrés partout en France à cette période pour se rendre compte que les millions de manifestants ont certes partagé le pavé, mais pas forcément les mêmes finalités.  

Par David Monniaux, via Wikimedia Commons

Par David Monniaux, via Wikimedia Commons

Par Jitrixis, via Wikimedia Commons

Par Jitrixis, via Wikimedia Commons

Par Jitrixis, via Wikimedia Commons

Par Jitrixis, via Wikimedia Commons

« Strasbourg-Rassemblement Charlie-11 janvier 2015 » par Ji-Elle via Wikimedia Commons

« Strasbourg-Rassemblement Charlie-11 janvier 2015 » par Ji-Elle via Wikimedia Commons

Alors que cette formidable diversité aurait pu être positivement considérée comme une forme de richesse, c'est une toute autre impression qui tend à s'imposer au fur et à mesure des semaines qui nous séparent de ces événements.

Plutôt que de lire cet attentat et cette prise d'otage comme une manifestation, certes éminemment violente mais somme toute assez traditionnelle, de l’extrémisme et du terrorisme, d'aucuns ont commencé à y voir une manifestation des fractures de la société française en immisçant d'insidieuses questions dans le débat public :

  • Comment ces jeunes garçons nourris au sein de l'école républicaine ont-ils pu développer une telle haine contre la société qui les a vu grandir ?

  • Ne s'agissait-il pas d'ailleurs en fait d'une énième manifestation de violence entre musulmans français et juifs français ?

  • Et d'ailleurs, si environ 4 millions d'individus étaient dans les rues les 10 et 11 janvier 2015, où étaient les 62 autres millions ?   

Tant de questions qui ont conduit à des prises de position rapides des autorités publiques tandis que la plupart des intellectuels semblaient montrer qu'il était impossible d'avoir une interprétation monolithique des événements.

La temporalité de l'homme politique s'inscrivant davantage dans la réaction que dans la réflexion, les annonces ne se sont pas faites attendre. Or, à chaque fois, la dimension mémorielle s'est imposée comme un élément important de la réponse de l’État.  

Les commémorations au service des valeurs républicaines

Dès le 22 janvier 2015, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, annonçait la mise en œuvre d'une « Grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République » pour laquelle les ambitions et les moyens sont gigantesques... mais dont les contours demeurent encore aujourd'hui très flous.

Parmi les onze mesures annoncées figurent la suivante :  

Les projets d’écoles et d’établissements détailleront les modalités de la participation active des élèves aux journées ou semaines spécifiques (semaine de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, semaine de l’engagement), commémorations patriotiques, participation collective à des concours et à des "olympiades"

Or, cette injonction n'est pas sans poser question.

Une fois inscrit le principe d'une participation aux commémorations dans le projet d'établissement, quelles seront en effet les modalités concrètes d'application d'une telle décision ? Ces commémorations étant généralement associées à des jours fériés, faut-il s'attendre à ce que le ministère annonce la suppression des jours fériés à l'école pour que les enseignants et leurs élèves soient contraints de se rendre aux monuments aux morts ?

Par ailleurs, cette nouvelle initiative qui s'ajoute aux innombrables couches du palimpseste mémoriel n'apporte toujours aucune réponse précise sur la place dévolue à la mémoire au sein de l'école française face ou à côté de l'enseignement de l'histoire. Les annonces se succèdent en effet à un rythme inquiétant sans qu'une véritable réflexion de fond ne soit jamais menée sur la coexistence parfois difficile des dimensions culturelles et civiques de l'enseignement de l'histoire.

D'un côté, le nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture insiste sur la nécessité de former des citoyens dotés d'un « esprit critique » (la mention est répétée à 5 reprises dans ce texte programmatique) ; de l'autre, les programmes et injonctions politiques ne cessent d'imposer à l'école des pratiques faisant davantage appel à l'émotion qu'à la raison. Ainsi, nos élèves doivent ils participer aux cérémonies commémoratives, s'impliquer dans le concours national de la Résistance et de la Déportation, entendre chaque année la lettre de Guy Môquet... Bref, communier sur l'autel républicain plutôt que cogiter sur les tables de l'école républicaine ! 

Faut-il remplacer le cours d'histoire par la lecture du roman national ?

Cette ambiguïté sur les finalités de l'enseignement de l'histoire n'est pas nouvelle, mais elle s'est cependant aggravée depuis quelques années et semble prête à exploser depuis les attentats de janvier.

Sans que l'on comprenne vraiment pourquoi, l'école s'est retrouvée en première ligne après ces événements. Puisque ces jeunes terroristes sont passés par l'école française, c'est sur ce terrain que devra s'opérer la reconquête des valeurs républicaines soi-disant abandonnées, quitte à oublier au passage que le contexte social joue peut-être aussi un rôle dans le rejet des valeurs républicaines.

Les rapports se sont donc succédés pour dresser un bilan (forcément catastrophique) de la situation et proposer leurs remèdes miracles qui passent par des mesures mémorielles.

 

Le premier rapport est celui adressé au président de la République par le président du Sénat, Gérard Larcher. Sobrement intitulé « La nation française, un héritage en partage », il affirme que nous vivons actuellement une situation de « déni d'une histoire commune » où « chacun est tenté de se replier sur sa mémoire ». Par conséquent, il en appelle à « la connaissance des faits du passé, tournée vers l'avenir » visant « à calmer des indignations, à passer des révoltes à la compréhension et à faire disparaître les nostalgies, en transformant l'approximation des mémoires dans l'objectivation de l'histoire ». Magnifique programme pour ce parlementaire qui n'avait pourtant pas sourcillé lorsque Luc Châtel avait supprimé l'enseignement de l'histoire-géographie en Terminale scientifique. 

Il ne faut cependant pas s'y tromper, l'enseignement de l'histoire pour Gérard Larcher consiste en fait à permettre « à chaque élève, quelle que soit sa culture d'origine, de se réapproprier le roman – le récit – national, qui repose sur l'idée que la communauté nationale est le fruit d'une construction volontaire, d'un progrès constant, d'un dessein propre à la nation française. Il s'agit de donner à l'enseignement de l'histoire un sens et une portée effective en matière de sentiment d'appartenance : grandes dates, grands personnages, grands événements, grandes idées, doivent ponctuer cet enseignement et chaque élève doit pouvoir y trouver une source d'intelligence et de réflexion, d'identification et de fierté ».

En somme, une fois décortiquée la rhétorique sénatoriale, on comprend qu'il ne s'agit pas tant de remplacer « l'approximation des mémoires par l'objectivation de l'histoire », mais bien de remplacer toute mention à des mémoires individuelles et communautaires par une mémoire nationale. 

Les conclusions de ce premier rapport ont été renforcées par l'édition d'une seconde production sénatoriale, résultat de la « Commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession » également mise en place en réponse aux attentats de janvier.

Le collectif Aggiornamento a déjà réagi sur la méthode utilisée lors des auditions qui interroge sur les méthodes de travail de nos élus et la validité des résultats obtenus.

Le contenu n'en ai pas moins surprenant car dans le domaine de l'histoire, la commission d'enquête propose le « recentrage du programme de l'histoire de France et de sa chronologie autour du récit national » (titre de la proposition) en éveillant et entretenant « l'esprit critique des élèves » et en « renforçant l'approche épistémologique des disciplines » (troisième sous-partie de la proposition). En somme, la commission sénatoriale propose un bilan apocalyptique de notre école... pour finalement proposer de mettre en place ce qui se pratique déjà et ce qui est d'ailleurs formulé quasiment dans les mêmes termes dans le socle commun de connaissances et de compétences.

La méconnaissance des programmes par nos élus atteint d'ailleurs des sommets lorsqu'ils affirment qu'il « conviendrait que les programmes ne se limitent pas à la présentation de la naissance des religions du Livre, mais élargissent le périmètre d'enseignement à la compréhension des religions comme phénomène social et culturel à chaque époque ». Or, la simple consultation d'un enseignant d'histoire aurait peut-être permis de faire parvenir aux sénateurs les programmes d'histoire qu'il aurait été judicieux de lire avant d'écrire de telles propositions : 

Programme de Seconde - La chrétienté médiévale

Programme de Seconde - La chrétienté médiévale

Programme de Première - La République et les évolutions de la société française

Programme de Première - La République et les évolutions de la société française

Rentrée 2015 : Roman national et commémorations au programme ?
Programme de Terminale - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflit

Programme de Terminale - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflit

Pour une politique mémorielle nationale

Au final, les rapports et les annonces se succèdent, mais aucun gouvernement se semble parvenir à enrayer l'inflation et les oppositions mémorielles au profit d'une véritable politique nationale de la mémoire susceptible d'emporter l'adhésion populaire.

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30 juillet 2014 3 30 /07 /juillet /2014 08:24

 

Summaryin June 2014, a new Lenin Statue was reveiled in the Polish city of Nowa Huta. The revolutionary leader is now represented as a little bright green urinating man where he was figured before as a huge symbol. By using art, humor, and a little bit provocation, the artists want to help the Poles to overtake the memories' blockades of decades of Communism. 

En juin 2014, la ville de Nowa Huta en Pologne a inauguré une nouvelle statue de Lénine pour le moins originale : le leader révolutionnaire est représenté en vert fluo, tenant dans une main son sexe urinant afin d'alimenter une fontaine : 

La mémoire de Lénine éblouit les rues polonaises

L'installation de cette statue s'inscrit dans le cadre d'un festival artistique et les artistes ont d'ores et déjà donné quelques éléments permettant d'interpréter leur œuvre : pour eux, il s'agit notamment de montrer que la ville de Nowa Huta "n'est pas seulement un endroit gris et triste" mais aussi de tester si les locaux "ont le sens de l'humour". L'histoire de ce lieu conduit cependant à proposer une lecture mémorielle.

 

 

Une mémoire fantomatique qui hante la ville

La ville de Nowa Huta est en effet intimement associée à l'histoire du communisme. Il s'agit d'une ville nouvelle créée par le gouvernement communiste en 1949 dans la banlieue de Cracovie. L'objectif était non seulement de former un immense centre urbain autour de l'industrie lourde, mais aussi de créer une cité idéale peuplée d'ouvriers à proximité de la métropole de Cracovie dont les habitants s'étaient montré résistants à l'égard des autorités communistes.

En 1954, les aciéries de la ville sont inaugurées et immédiatement baptisées au nom de Lénine. Elles s'imposent rapidement comme les plus importantes de Pologne. 

Entrée des aciéries "Lénine" à Nowa Huta (Pologne)

Entrée des aciéries "Lénine" à Nowa Huta (Pologne)

Un an plus tard, une première statue du révolutionnaire est inaugurée au parc Strzelecki. Elle a probablement été ensuite transférée au musée Lénine de Cracovie, avant de disparaître dans des conditions mystérieuses.

Au début des années 1970, il est décidé qu'une nouvelle statue sera érigée. La première pierre est d'ailleurs posée dès 1970 pour commémorer le centième anniversaire de la naissance de Lénine, mais l'inauguration officielle a lieu en 1973 : 

 

Inauguration de la statue de Lénine à Nowa Huta en 1973

Inauguration de la statue de Lénine à Nowa Huta en 1973

La mémoire de Lénine éblouit les rues polonaises

Cette fois-ci, des témoignages ne manquent pas pour montrer que ce nouveau monument en mémoire de Lénine n'est pas accepté par la population locale. En 1979, des vandales essaient mêmes de la faire exploser avec une bombe, en vain. Ils essaieront ensuite de la brûler : 

La mémoire de Lénine éblouit les rues polonaises

Le démontage de la statue en décembre 1989 accompagne la chute du communisme en Pologne, continuant ainsi à associer sa destinée à celle de l'histoire du communisme dans ce pays. C'est un homme d'affaires suédois qui en fait l'acquisition pour l'exposé dans son parc d'attraction : High Chapparaal Theme Park

Dans son ouvrage intitulé Conspirator, Lenin in Exile (Basic Books, 2010), l'historienne russe Helen Rappaport affirme que Lénine trône toujours dans ce parc suédois mais qu'il a désormais une cigarette à la bouche et une boucle d'oreille, ce que ne permettent pas cependant de vérifier ces photographies trouvées sur le web : 

Photographie datée de 1994 (source : http://eivorsresor.wordpress.com)

Photographie datée de 1994 (source : http://eivorsresor.wordpress.com)

Photographie de 2009 (source : http://www.newyorkerbyheart.com)

Photographie de 2009 (source : http://www.newyorkerbyheart.com)

 

Une catharsis mémorielle ? 

La nouvelle statue de Lénine inaugurée en juin 2014 s'inscrit donc dans la continuité d'une histoire monumentale entre la ville de Nowa Huta et les différences résurgences mémorielles du leader révolutionnaire.

L'un des deux artistes à l'origine de cette œuvre propose d'ailleurs des pistes de réflexion allant dans ce sens : 

J’ai voulu poser la question : saurions-nous, nous les habitants de Nowa Huta, et les Polonais en général, prendre nos distances par rapport au passé qui le plus souvent nous hante tel un fantôme ? (...) Saurions-nous donner à ce passé un sens plus humoristique, surréaliste, le dégonfler de ce poids, montrer que nous sommes capables de nous libérer du traumatisme par le rire et la distance ?

Libération

 

En somme, il s'agit d'utiliser l'art et l'humour pour dépasser les difficultés d'un contexte mémoriel plutôt pesant. Ainsi, la couleur fluo vise à s'opposer au style plutôt gris du réalisme socialiste. La taille de la nouvelle statue (à peine 68 cm) minimise la grandeur de l'homme jadis représenté en géant. Enfin, la posture du révolutionnaire urinant dans une fontaine peut être interprétée comme une critique de l'idéologue cherchant à diffuser son modèle à l'échelle planétaire.

Quoi qu'il en soit, les artistes ont montré que l'art constitue un média intéressant pour réfléchir aux questions de transmission mémorielle.

 

Sitographie

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23 juillet 2014 3 23 /07 /juillet /2014 11:47

Malgré le contexte de l'occupation et la relative brièveté de son existence, le régime de Vichy a très rapidement tenté de légitimer et diffuser les idéaux de la Révolution nationale en mettant en place une politique mémorielle ambitieuse : cérémonies commémoratives, inauguration de nouveaux lieux de mémoire, cortèges en l'honneur de figures tutélaires, etc. Tous les moyens sont alors mis en oeuvre pour mobiliser la mémoire nationale au service du nouveau pouvoir politique. 

Jeanne d'Arc : une figure religieuse fédératrice

Si les fêtes républicaines traditionnelles (14 juillet, 11 novembre) ne sont pas supprimées par le régime de Vichy, elles sont désormais accompagnées par de nouvelles célébrations visant à défendre les valeurs prônées par le régime. Parmi elles, certaines s'inscrivent dans une logique mémorielle. C'est le cas notamment dla fête de Jeanne d'Arc qui véhicule une forme de nationalisme chrétien et anglophobe. 

 

Ces fêtes en l'honneur de Jeanne d'Arc rencontrent un grand succès puisqu'elles rassemblent environ 50 000 personnes à Nice en 1941 et près de 40 000 personnes à Chambéry en 1942.
Souvent, on y donne des spectacles historiques édifiants comme le Rituel de Bruyez ou Le portique pour une fille de France de Schaeffer et Barbier, comme ce fut le cas au stade de Gerland le 11 mai 1941 ou encore au vélodrome de Marseille en 1942.
Par ailleurs, le comité de lutte contre le chômage accepte de financer dès 1939 un "chantier orchestral" constitué de musiciens et chanteurs chômeurs pour monter Jeanne d'Arc au bûcher de Claudel et Honneger. Jusqu'en 1942, leur troupe s'est déplacée dans 27 villes pour donner leur spectacle qui, selon le témoignage de Claudel venu assister à une représentation à Lyon, était d'une grande médiocrité : 

Ces cérémonies sont enfin souvent accompagnées d'inauguration de statues visant à conserver dans la pierre la mémoire de cette figure tutélaire, mais aussi à accueillir les processions commémoratives pour les années futures : c'est le cas à Marseille en 1943. 

La politique mémorielle du régime de Vichy

Il est intéressant de constater que dans le guide de l'art sculptural dans le paysage urbain réalisé par la ville de Marseille, la dimension politique de cette représentation de Jeanne d'Arc est désormais complètement occultée au profit d'une lecture strictement religieuse. 

Ces représentations monumentales sont cependant réservées à quelques villes en France. Dans le Paris occupé de 1942, la célébration se limite en effet à quelques dépôts de gerbe au pied de la statue de Jeanne d'Arc. 

Le monument aux morts : un lieu de communion patriotique

Si la fête de Jeanne d'Arc constitue le symbole le plus représentatif de la politique mémoriel du régime de Vichy, il n'est cependant pas le seul. À chacun de ses déplacements dans une ville de France, le maréchal Pétain suit un parcours relativement balisé allant de l'église à la place publique en passant par le stade, chacun de ces lieux répondant un objectif symbolique précis. Or, le cortège s'arrête souvent au monument aux morts, ce qui donne l'occasion au maréchal Pétain de renforcer sa légitimité en rappelant son passé militaire, mais aussi d'insister sur sa volonté de rendre hommage aux morts pour la patrie.

Le maréchal Pétain au monument aux morts d'Orient à Marseille en décembre 2040 (source : SCA - ECPAD)

Le maréchal Pétain au monument aux morts d'Orient à Marseille en décembre 2040 (source : SCA - ECPAD)

Les monuments aux morts sont cependant également les lieux qui rassemblent les premières contestations symboliques du pouvoir de Vichy et des Allemands. L'exemple le plus connu est la manifestation des lycéens et étudiants le 11 novembre 1940 devant l'Arc de Triomphe. Cet évènement bénéficie d'ailleurs depuis 2010 d'une plaque commémorative : 

Source : www.defense.gouv.fr

Source : www.defense.gouv.fr

Mémoire des rues 

En plus des statues en mémoire de Jeanne d'Arc, le régime des Vichy n'a pas hésité à inaugurer des rues en l'honneur de son chef. La France n'avait certes pas attendu 1940 pour inaugurer des rues "Pétain", mais ce mouvement s'accélère avec la chute de la IIIe République. C'est le cas à Montluçon le 1er mai 1941, à Modane en avril 1941, à Toulon en mai 1941, etc.

Souvent, ces lieux associés au maréchal viennent prendre la place d'anciennes rues et avenues commémorant des figures que le nouveau régime souhaite désormais faire oublier : Wilson, mais aussi Gambetta.

Depuis, la plupart des villes ont à nouveau rebaptisé ces rues mais les monuments aux morts et les statues de Jeanne d'Arc sont restées l'objet de pratiques commémoratives qui se sont progressivement adaptées au contexte politique des régimes et dirigeants successifs. 

 

 

Bibliographie

Rémi Dalisson, Les fêtes du Maréchal. Propagande festive et imaginaire dans la France de Vichy, Paris, Tallandier, 2007.

Rémi Dalisson, "Propagande, fêtes et symboles : la fête vichyste, une tentative de remodelage symbolique de l'espace urbain (1940 – 1944)", in Françoise Taliano-Des Garets, Villes et culture sous l'occupation, Paris, Armand Colin, 2012.

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13 juillet 2014 7 13 /07 /juillet /2014 08:21

 

L'Assemblée nationale constitue une caisse de résonance des revendications mémorielles en France. On peut même considérer qu'il s'agit d'une étape traditionnelle dans l'émergence d'une nouvelle mémoire. Elle apparaît généralement juste après la constitution d'une association porteuse de la revendication. La forme et la multiplicité des questions posées par les parlementaires au gouvernement témoignent en effet d'une intense activité de lobbying parfois relayée simultanément par plusieurs dizaines de députés. 

Cette forme de revendication est d'autant plus utilisée depuis 2008 que l'Assemblée nationale a retrouvé la possibilité de voter des résolutions mémorielles qui permettent de "préserver l'expression du Parlement sur le passé" sans recourir à la loi et donc sans conséquence pénale pour la liberté d'opinion et d'expression des citoyens.

 

Reconnaître le sort des nomades en France durant la Seconde Guerre mondiale

Cette revendication est portée par le député socialiste des Pyrénées-Orientales Jacques Cresta. Dans une question écrite au ministre délégué chargé des anciens combattants, il demande au gouvernement si des actions mémorielles sont envisagées pour reconnaître le sort des nomades français ou étrangers qui, d'avril 1940 à juin 1946, ont été assignés à résidence, voire internés en zone Sud. 

La réponse du ministre délégué chargé des anciens combattants précise que cette mémoire est déjà prise en compte dans la politique mémorielle de la France : 

  • Les organisations liées à la communauté des gens du voyage sont en effet invitées officiellement à participer aux cérémonies organisées dans le cadre de la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux "Justes" de France. 
  • La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) soutient financièrement la réalisation de plaques et de stèles commémoratives dans les camps où ces nomades furent internés.
  • Enfin, la DMPA accorde des subventions pour la réalisation de colloques et de publications sur ce thème.

Bref, le gouvernement apporte une réponse complète à cette demande et, dans un langage consensuel, invite le député porteur de cette revendication à mieux étudier ces dossiers.
Il est en revanche intéressant de remarquer que cette demande s'inscrit dans un contexte particulier : celui d'une cristallisation du discours public et médiatique autour de la question des Roms. Le flottement observé dans le vocabulaire de la question et de la réponse est sur ce point assez significatif. Le député et les services du ministère utilisent simultanément les termes de « nomades », « Tsiganes, forains ou cheminots » et « gens du voyage ». On comprend donc que cette revendication mémorielle n'est pas gratuite mais qu'elle vise à rappeler les persécutions subies par les nomades durant la Seconde Guerre mondiale pour mieux mettre en perspective les risques d'une stigmatisation grandissante à l'égard des Roms et gens du voyage depuis quelques années.

 

Une statue pour honorer la mémoire de Camille Desmoulins

En novembre 2013, le député socialiste de l'Aisne, Monsieur Jean-Louis Bricout, a proposé à la ministre de la culture et de la communication de reconstruire la statue de Camille Desmoulins qui trônait au Palais-Royal avant d'être fondue par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale.

Bilan des dernières revendications mémorielles à l'Assemblée

Le député se fait ici le porte-parole à l'Assemblée nationale de l'association Camille Desmoulins qui diffuse cette revendication depuis plusieurs mois dans plusieurs médias et auprès de multiples dirigeants politiques

Cependant, la demande n'a pas pu aboutir pour le moment faute de moyens permettant de mettre en oeuvre cette proposition. 

 

Pour une journée nationale du souvenir de la "quatrième génération"

Cette proposition de loi a été déposée par le député Lionnel LUCA à la fin de l'année 2013. Elle vise à instituer une nouvelle journée nationale du souvenir pour les soldats français qui depuis 30 ans ont été tués ou blessés dans les différentes interventions extérieures de l'armée française.
Dans la logique de cette proposition de loi, il existerait en effet :

  • une "première génération du feu" composée des soldats de la Première Guerre mondiale et honorée chaque 11 novembre.
  • La "deuxième génération du feu" est associée aux soldats de la Seconde Guerre mondiale qui sont commémorés le 8 mai.
  • Enfin, la "troisième génération du feu" est constituée des soldats ayant combattu en Indochine et au Maghreb : les dates du 8 juin et du 5 décembre honorent leur mémoire.

Or, selon les initiateurs de cette loi, il devient nécessaire d'instaurer une cinquième journée nationale du souvenir pour honorer la mémoire des soldats français tombés au combat dans des opérations extérieures depuis 1962.
Les députés proposent d'ailleurs la date du 23 octobre qui en 2013 marquait le 40e anniversaire de la disparition de 58 parachutistes français dans un attentat suicide lors de la guerre du Liban.

Il est surprenant de constater que cette proposition de loi portée par un fidèle sarkozyste s'inscrit à l'exact inverse de la proposition faite par Nicolas Sarkozy en 2011 de faire du 11 novembre une « date de commémoration de la grande guerre et de tous les morts pour la France ». Alors que l'ancien président de la République proposait de lutter contre la multiplication des journées du souvenir en les regroupant sous une seule date (suivant ainsi le modèle anglo-saxon), l'actuel député des Alpes-Maritimes propose au contraire d'ajouter une nouvelle date dans le calendrier mémoriel.

D'autre part, le choix de cette date du 23 octobre 1983 n'est pas anodine. Alors que la proposition de loi recense la diversité des opérations extérieures menées par l'armée française depuis plusieurs dizaines d'années, les députés qui portent cette loi ont finalement choisi la date symbolique d'un attentat revendiqué par le Hezbollah, le mouvement de la révolution islamique libre et le Jihad islamique.

 

Pour une loi reconnaissant le massacre de la population française à Oran le 5 juillet 1962

Le député Lionnel Luca est particulièrement actif à l'Assemblée nationale sur les questions mémorielles. C'est encore lui qui est à l'initiative de cette autre proposition de loi qui vie à faire reconnaître officiellement par la République française le massacre de plusieurs centaines de Français le jour de la proclamation de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962.

Plusieurs éléments posent cependant question dans ces initiatives législatives portées par le député Lionnel Luca : 

  1. D'abord, pourquoi continuer à utiliser la forme d'une proposition de loi très contraignante et plus compliquée à faire aboutir alors que la constitution prévoit désormais la possibilité d'utiliser le système de résolution mémorielle ? 
  2. Ensuite, que signifie dans l'exposé des motifs de la loi cette référence aux travaux de Guillaume Zeller qui qualifie ces événements de « nouvelle Saint Barthélémy » en précisant que c'est « sa position de journaliste » qui a permis de le massacre d'Oran du « déni historique » ? Le député Lionnel Luca, qui a été professeur d'histoire-géographie pendant 20 ans, aurait-il des raisons de ne pas faire confiance au travail d'histoire et aux historiens ?

 

Réhabiliter la Commune et les Communards 

En avril 2013, nous avions relayé sur ce blog la proposition de résolution mémorielle tendant à la pleine réhabilitation de la Commune et des Communards. Un an plus tard, le dossier n'a pas avancé et le texte n'a toujours pas été débattu en assemblée. Affaire à suivre... 

 

Les mineurs étaient-ils d'anciens combattants ?

Plus récemment, le député du Nord-Pas-de-Calais Stéphane Saint-André a adressé une nouvelle revendication mémorielle au ministre délégué aux anciens combattants et à la mémoire : il souhaite que les mineurs de fond du Pas-de-Calais qui effectuaient leur service militaire après 1957 et qui ont été rappelés dans les mines pour participer à l'effort de guerre soient reconnus du titre d'anciens combattants. 
Pour l'instant, le gouvernement n'a pas encore apporté de réponse à cette revendication.

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10 juillet 2014 4 10 /07 /juillet /2014 07:07

L'un des passages obligatoires lorsqu'on visite le Sénégal est l'île de Gorée au large de Dakar. Reconnue par l'UNESCO comme appartenant au patrimoine mondial de l'humanité depuis 1978, elle reste intimement associée à l'histoire de l'esclavage. Les autorités coloniales, puis nationales, ont d'ailleurs largement contribué à la construction et à l'entretien d'une telle image :

  • Dès 1944, l'administration coloniale française décide de mesures de sauvegarde en vue de préserver l'authenticité du patrimoine historique de l'île, 

  • De 1954 à 1969, c'est sur l'île de Gorée qu'est installé le musée historique de l'AOF (Afrique-Occidentale française). En 1970, après l'indépendance, il est remplacé par le musée de la femme Henriette-Bathily,

  • En 1989, le fort d'Estrées, une citadelle construite par les français entre 1852 et 1856, est restauré pour devenir le nouveau musée national du Sénégal,

  • En novembre 1975, le patrimoine architectural de Gorée est inscrit sur l'inventaire des monuments historiques du Sénégal. 

Mais c'est en fait la maison des esclaves qui reste au centre des attentions historiennes, mémorielles et touristiques. Au fil des années, son charismatique conservateur Boubacar Joseph Ndiaye a en effet réussi à donner une dimension internationale à ce lieu. Dès 1967, ce dernier était d'ailleurs félicité par Léopold Senghor pour « sa contribution efficace au développement culturel et touristique du Sénégal ».

La fréquentation de ce lieu de mémoire est assez révélatrice : alors que le musée historique du Sénégal à Gorée accueillait environ 30 000 visiteurs en 2004, la maison des esclaves en accueille en moyenne 180 000. 

 

Photographie prise dans la cour de la maison des esclaves avec au fond la porte dite "du voyage sans retour"

Photographie prise dans la cour de la maison des esclaves avec au fond la porte dite "du voyage sans retour"

La construction d'un mythe

La place et le rôle de cette maison des esclaves sont cependant largement remis en cause depuis quelques années. Au milieu des années 1990, Emmanuel De Roux, journaliste au Monde, publie un article polémique intitulé « Le mythe de la maison des esclaves qui résiste à la réalité ». Dans ce texte, il remet en cause non seulement l'importance de cette maison dans la traite négrière (qui n'aurait pas été une "esclaverie"), mais aussi la place de l'île de Gorée dans le commerce triangulaire. 

La polémique a suscité un tel émoi au Sénégal et en France qu'un colloque a même été organisé en 1997 en Sorbonne afin de mieux comprendre la place réelle de l'île de Gorée dans l'entreprise esclavagiste, mais aussi les logiques de sa progressive construction en tant que lieu de mémoire central de l'esclavage. Sur ce dernier point, il est possible de lire l'excellent article de synthèse d'Hamady Bocoum et Bernard Toulier dans la revue In Situ, Revue des Patrimoines.

Il n'en demeure pas moins que depuis cette actualisation des recherches, l'Unesco n'a pas retiré l'île de Gorée de la liste officielle du patrimoine mondial de l'humanité, mais n'a pas non plus modifié sa notice indiquant que ce lieu « a été du XVe au XIXe siècle le plus grand centre de commerce d'esclaves de la côte africaine ».

D'ailleurs, tous les chefs d'État et de gouvernement, mais aussi les personnalités de passage au Sénégal, continuent à se rendre régulièrement dans la maison des esclaves et laissent des autographes qui contribuent encore à l'entretien du mythe mémoriel. Ce fut notamment le cas de François Hollande en 2012, mais aussi de Barack Obama en 2013. 

Un jumelage mémoriel surprenant

Les touristes français ne manquerons pas lors de leur visite de remarquer une petite plaque accrochée à l'entrée de la rue où se situe la maison des esclaves : 

Petits arrangements mémoriels à Gorée

L'île de Gorée est en effet jumelée depuis 2004 à la ville française de Drancy qui occupe une place particulière dans la mémoire nationale. C'est en effet au camp d'internement de Drancy que la plupart des juifs parisiens ont été internés dans l'attente d'un transfert vers les camps d'extermination nazis durant la Seconde Guerre mondiale.

La dimension mémorielle de ce jumelage ne fait aucun doute. Il a d'ailleurs été suivi en 2006 par l'inauguration commune d'une statue commémorant l'abolition de l'esclavage dans chacune des deux villes. L'île de Gorée multiplie d'ailleurs ces jumelages avec d'autres lieux chargés d'histoire dans le monde : Robben Island en Afrique du Sud, Sainte-Anne en Martinique ou encore Lamentin en Guadeloupe.

Néanmoins, celui contracté avec la ville de Drancy est celui qui pose le plus de questions sur le choix d'associer la mémoire des traites négrières à celle du génocide des juifs d'Europe durant la seconde guerre mondiale.

Bibliographie

Hamady Bocoum et Bernard Toulier, « La fabrication du Patrimoine : l’exemple de Gorée (Sénégal) », In Situ [En ligne], 20 | 2013, mis en ligne le 11 février 2013, consulté le 09 juillet 2014. URL : http://insitu.revues.org/10303 ; DOI : 10.4000/insitu.10303 

 

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7 juillet 2014 1 07 /07 /juillet /2014 05:58

Cet article est un compte rendu de l'article de Quentin DELUERMOZ paru dans Les Collections de l'Histoire n°60 consacré à "La Révolution française" (2013- pp. 84-88). 

Notre époque est-elle malade de son histoire ? On pourrait le croire à observer depuis la deuxième moitié du XXe siècle tous ces passés qui ne passent plus que par des manifestations publiques et politiques de l'histoire. L'article de Quentin DELUERMOZ montre cependant que notre époque n'a pas le monopole de cette lecture mémorielle et que le XIXe siècle a régulièrement été traversé par le souvenir omniprésent de 1789. 

Dans l'écriture même de la charte de 1814 mettant en place le régime de la Restauration, la place de la Révolution dans l'histoire française est évoquée puisqu'il est indiqué que le nouveau régime a pour mission de « renouer la chaîne des temps, que de funestes écarts avaient interrompu ». Ainsi, le nouveau pouvoir royal a pour ambition de s'inscrire dans la continuité de l'Ancien Régime tout en essayant néanmoins d'y intégrer quelques acquis révolutionnaires.

Or, c'est justement lorsque ce délicat équilibre est rompu que la mémoire de la Révolution française refait surface par l'intermédiaire de ses symboles : la garde nationale ou encore les arbres de la liberté. L'historien Alain Corbin parle alors de « réitération » de la Grande Révolution avec néanmoins quelques particularités, dont les barricades, lors des "Trois Glorieuses" du 27, 28 et 29 juillet 1830. 

Quelques années plus tard, en février 1848, la mémoire révolutionnaire s'invite à nouveau dans les esprits : « on s'appelle "citoyen" dans les rues, on signe "salut et fraternité", on ouvre des "clubs" suivant l'expression retrouvée de 89, la parole se libère ». Alphonse de Lamartine déclare ainsi que : « le sang de 1793 déteignait sur la République de 1848. Il fallait dès le premier jour, laver ces tâches, répudier toute parenté entre les deux époques » (Histoire de la révolution de 48). De même, le Journal des travailleurs renforce les liens entre les deux événements en précisant que « 93 et 48 » sont « deux sœurs qui, bien qu'étroitement liée, ne se ressemblent pas ». Il s'agit donc encore une fois d'une réminiscence naturelle de la Grande Révolution avec laquelle on souhaite néanmoins prendre des distances.

Enfin, « le spectre révolutionnaire » réapparaît en 1870. Dès l'annonce de la République à Alger, on forme des comités révolutionnaires. À Paris, le terme de « Commune » fait notamment référence à l'insurrection parisienne d'août 1792. Mais on retrouve aussi dans les archives l'utilisation d'un vocabulaire qui ne laisse aucun doute sur l'usage mémoriel de 1789 : « citoyen », « club », « garde nationale ». La mise en scène du pouvoir ne laisse également aucun doute puisque le 5 avril 1871, l'église Sainte Geneviève redevient le Panthéon des Grands Hommes, comme cela avait été le cas le 4 avril 1791.

Une de l'hebdomadaire Le Point du 18 avril 2013

Une de l'hebdomadaire Le Point du 18 avril 2013

La France du XIXe siècle n'a cependant pas le monopole de l'utilisation mémorielle de la révolution française. La révolution russe de 1917 y faisait explicitement référence et on n'en retrouve également des traces lors du Front populaire en 1936 et des événements de mai 1968. A chaque fois, c'est l'usage d'un vocabulaire spécifique qui permet de faire resurgir cette référence historique dans un contexte contemporain. 

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22 avril 2014 2 22 /04 /avril /2014 07:50

Abstract: From 1963 to 1982, the Office for the development of the migrations in French overseas departments (BUMIDOM in french) have tried to solve the social and demographic problem of the French overseas departments by sending young people in the mother country, sometimes without the parents' consent. A new resolution of the French National Assembly about remembrance wants to recognize those events and the right of a memory for these children. 

Mardi 18 février 2014, l'Assemblée nationale a adopté une nouvelle résolution mémorielle relative aux enfants réunionnais placés en métropole dans les années 1960 et 1970. Ce texte a non seulement pour ambition de reconnaître l'existence de ces évènements et les responsabilités de l'Etat, mais il introduit aussi une forme de reconnaissance d'un droit à la mémoire pour les citoyens français. 

L'Affaire des "Réunionnais de la Creuse"

Malgré de multiples dénonciations dès sa mise en oeuvre à partir de 1963, la politique migratoire du BUMIDOM (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’Outre-mer) n'apparaît réellement dans l'espace public qu'à partir de 2002 lorsque Jean-Jacques MARTIAL a décidé de porter plainte contre l'Etat pour « enlèvement et séquestration de mineurs, rafle et déportation » après avoir découvert qu'il avait une famille à la Réunion. 

Cette plainte et toutes celles qui l’ont suivie ont été repoussées en raison de la prescription des faits. Néanmoins, un rapport avait alors été demandé à l’inspection générale des affaires sociales par Elizabeth Guigou, ministre de l’Emploi et de la Solidarité. 

Bien que de nombreuses questions restent en suspens, on comprend alors que Jean-Jacques MARTIAL est arrivé en métropole dans les années 1960 au milieu de plusieurs centaines d'autres enfants, du nourisson à l'adolescent, après avoir été séparés de leurs parents dans des conditions parfois obscures. Quand ils ne sont pas lacunaires, les dossiers d'archives ne permettent pas toujours en effet de s'assurer de l'accord conscient et assumé des parents et des enfants. 

Les recherches de l'Inspection générale des affaires sociales permettent cependant de comprendre que les termes de "rafle", "déportation" et "enlèvement" ne répondent pas à la réalité historique de cette politique migratoire mise en oeuvre et justifiée à l'époque par l'Etat comme une réponse à l'explosion démographique et au retard des dispositifs d'aide sociale et sanitaire à la Réunion au début des années 1960. 

Depuis ce rapport publié en 2002, les témoignages se sont multipliés mais les recherches restent encore limitées sur cette question. C'est pourquoi l'un des objectifs de la résolution mémorielle adoptée à l'Assemblée nationale consiste à demander "à ce que la connaissance historique de cette affaire soit approfondie et diffusée". Cela pourrait être notamment l'une des missions du Musée de l'histoire de l'immigration

Vers un droit à la mémoire

L'intérêt de ce texte ne repose cependant pas tant sur son contenu que sur sa forme et sur les conséquences législatives qu'il pourrait entraîner. 

Tout d'abord, il convient de rappeler que l'Assemblée nationale utilise désormais sans complexe ce nouveau moyen d'expression du pouvoir législatif que représente la résolution mémorielleComme nous l'avions déjà expliqué dans un précédent article, cette possibilité a été réintroduite par l’article 34-1 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 qui définit la résolution comme un acte par lequel l’Assemblée émet un avis sur une question déterminée. Face à l'inflation des revendications mémorielles et à l'inexistence d'une politique mémorielle cohérente à l'échelle nationale, les députés ont désormais la possibilité de s'exprimer sur le passé sans entraver la liberté d'opinion et d'expression des citoyens, et plus précisément des historiens.  

Mais le texte adopté par l'Assemblée nationale ne se contente pas d'inviter les historiens à s'emparer de cette question des enfants réunionnais placés en métropole. Il introduit également une forme de droit à la mémoire relativement inédite. 

La résolution commence en effet par ces mots : 

Considérant que l’État se doit d’assurer à chacun, dans le respect de la vie privée des individus, l’accès à la mémoire,
Considérant que les enfants, tout particulièrement, doivent se voir garantir ce droit pour pouvoir se constituer en tant qu’adultes.

Assemblée nationale

 

Bien que le débat à l'Assemblée nationale ait été majoritairement centré autour des Droits de l'Enfant, c'est finalement un droit à la mémoire qui est défendu en conclusion par Mme Dominique BERTINOTTI, ministre déléguée chargée de la famille : 

Un peuple sans mémoire est un peuple sans liberté. Un homme que l’on prive d’une part de sa mémoire est un homme que l’on ampute d’une part de sa liberté. En adoptant cette proposition de résolution, mesdames et messieurs les députés, vous rendrez à tous ces hommes et à toutes ces femmes leur dignité.

Assemblée nationale

 

Or, malgré les demandes insistantes de Christiane Taubira dans ce domaine, il n'existe pas à notre connaissance de texte législatif reconnaissant à ce jour un tel droit à la mémoire considéré dans une perspective aussi large et universelle. 

Il est d'ailleurs à noter que le contenu du texte entre alors en totale contradiction avec la forme de la résolution mémorielle qui s'inscrit dans une perspective déclarative à défaut d'être prescriptive. 

Il ne reste donc désormais plus qu'à attendre que les différents groupes mémoriels prennent conscience de cette nouvelle potentialité de reconnaissance pour réactiver et adapter leurs revendications aux nouvelles dispositions mémorielles ouvertes par l'Assemblée nationale. 

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23 janvier 2014 4 23 /01 /janvier /2014 09:05

Dans un des innombrables articles consacrés à ce qui est devenu "l'affaire Dieudonné", le journal Le Monde a décidé de donner la parole au plus jeune public de l'artiste-polémiste provocateur afin de mieux comprendre leurs motivations. Très rapidement, la Shoah arrive au centre des réflexions :

Est-ce que la Shoah doit être le tabou par excellence ? Le meilleur moyen d’assumer notre histoire passe par le rire : rire de l’esclavage, de la colonisation et de la Shoah. S’il y a un truc dont il faut rire, c’est bien des communautés, de toutes les communautés, seule façon d’arriver à l’idéal républicain d’origine.

Le Monde

On nous en parle depuis la primaire. A 12 ans, j’ai vu un film où des tractopelles poussaient des cadavres dans des fosses. Nous subissons une morale culpabilisatrice dès le plus jeune âge. La Shoah, on en a mangé jusqu’à la terminale. Je respecte ce moment de l’histoire, mais pas plus que d’autres. Le génocide rwandais, je n’en ai pas entendu parler

Le Monde

 

Quelques jours plus tard, Jacques Fredj, directeur général du Mémorial de la Shoah, décidait de prendre la plume pour leur répondre dans les mêmes colonnes du quotidien du soir. Selon lui, cette accusation est complètement infondée et il entend le prouver par force de chiffres.

 

Si cette réponse s'avère utile et nécessaire pour lutter contre l'antisémitisme sous-entendu par certaines affirmations, elle peut cependant paraître sur certains points très partielle, voire partiale, et devenir contre-productive.  De plus, une approche strictement comptable ne peut pas être totalement satisfaisante en réaction à ce qui relève résolument du vécu et de l'impression chez ces jeunes.

Tout d'abord, il convient de préciser que les propos rapportés par le journal Le Monde chez ces jeunes à la sortie d'un spectacle de Dieudonné ne sont pas réservés à une frange extrémiste. Ce sont les mêmes que j'entends, ainsi que de nombreux collègues, à chaque fois qu'il s'agit de commencer le chapitre sur la Seconde Guerre mondiale.

A tel point que nous avons décidé d'en faire un outil pédagogique afin de faire réfléchir les élèves à leur propre représentation de la Seconde Guerre mondiale : 

Le succès de Dieudonné n'est-il pas révélateur d'une saturation mémorielle ?

Ce "nuage de mots" a été réalisé en 2013 à partir d'un sondage auprès de lycéens. La taille des mots est proportionnelle au nombre de citations dans les réponses à la question : "Qu'est-ce qu'évoque la Seconde Guerre mondiale pour vous ?".

Le système concentrationnaire y occupe une place centrale ("Camps", "Extermination") et seules les victimes juives sont évoquées ("Juifs" / "Juif", "Génocide" et "Shoah").

 

Ces résultats nous montre que l'enjeu autour de cette question ne devrait donc pas strictement consister à adopter une posture défensive et à essayer de contester l'accusation d'un "gavage mémoriel", mais d'essayer de comprendre pourquoi et comment une génération vient à partager un sentiment de "saturation mémorielle", qui peut ensuite être instrumentalisé par certains extrêmistes dénonçant une forme de "pornographie mémorielle".

 

La Shoah est-elle trop enseignée à l'école ?

Quand Jacques Fredj affirme  que le génocide des Juifs ne fait pas l'objet d'un gavage dans l'enseignement, il suffit de reprendre sa propre argumentation pour rappelle que le génocide des Juifs d'Europe fait l'objet d'une sensibilisation en CM2, puis d'un cours en Troisième, qui est repris avec une problématique quasiment similaire en Première. Quel autre sujet peut se targuer d'une telle place dans le programmes ?

D'autant plus que le directeur général du Mémorial de la Shoah oublie que le génocide des Juifs d'Europe peut faire l'objet d'une reprise en Terminale dans le cadre du chapitre sur les mémoires de la Seconde Guerre mondiale.

Enfin, il convient d'ajouter que les professeur d'histoire n'ont pas le monopole sur cette question. L'enseignement d'histoire des arts au collège s'illustre souvent par l'étude d'une oeuvre liée au génocide et rares sont les élèves qui n'ont pas étudié une oeuvre de la littérature concentrationnaire lors de leur cursus, dont la plus connue reste Si c'est un homme de Primo Lévi.

 

Le succès de Dieudonné n'est-il pas révélateur d'une saturation mémorielle ?

Existe-t-il trop de voyages pédagogiques liés à la mémoire de la Shoah ?

Jacques Fredj déclare ensuite que "les institutions dédiées à l'histoire de la Shoah (le Mémorial de la Shoah à Paris et à Drancy, le Cercil à Orléans, la Maison d'Izieu, le Musée du Chambon-sur-Lignon, le camp des Milles) ne reçoivent pas plus de 150 000 élèves du primaire au secondaire sur une classe d'âge d'environ 12 millions d'enfants, environ 1,5 % des élèves qui sont sur les bancs de l'école". Ce qu'il ne précise pas, c'est qu'il faut en fait multiplier ce chiffre par le nombre d'années de scolarisation d'un élève de la primaire au lycée, ce qui multiplie au final sa chance (car nous persistons à croire qu'il s'agit d'une chance) d'avoir visité un tel lieu. 

Encore une fois, à l'exception des musées de la Résistance, qui contiennent généralement aussi une salle consacrée à la déportation, quels sont les musées consacrés à une autre thématique pouvant s'enorgueillir d'une telle performance ?

il faut enfin, pour être tout à fait complet sur ce point, évoquer la question financière : la crise ayant touché autant les familles que les établissements scolaires, il devient de plus en plus difficile d'organiser des voyages pédagogiques... sauf si l'on accepte d'y incorporer une dimension mémorielle qui permet alors d'accéder à une multitude de subventions de la part de plusieurs associations et collectivités territoriales.

Les professeurs sont-ils encouragés à consacrer plus de temps à cette question ?

Concernant les professeurs, Jacques Fredj  utilise encore des chiffres pour signaler que seulement 3% du corps enseignant participe chaque année à une formation sur l'histoire de la Shoah. Comme pour les élèves, ce chiffre doit être mis en perspective : il est d'abord surprenant de calculer ce pourcentage à partir de l'ensemble des professeurs. Les professeurs de sciences et techniques participent à ce genre de manifestation car elles n'ont souvent aucun intérêt dans leur discipline. De plus, un professeur ne participe évidemment pas chaque année à de telles formations. Or, il est rare qu'il n'y participe pas au moins une fois dans sa carrière. Quel autre sujet bénéficie d'une telle force dans l'offre de formation professionnelle ?

Sans compter qu'à cela s'ajoute un relais incomparable dans l'Education nationale qui a récemment mis en place des référents académiques "Mémoire et citoyenneté" chargés d'encourager, entre autres, les manifestations liées à la mémoire du génocide des Juifs d'Europe.

Enfin, ce que le directeur du Mémorial de la Shoah semble également oublier dans son argumentaire, c'est que l'école n'est plus le seul lieu d'apprentissage des élèves. Ainsi, lorsqu'ils affirment avoir "mangé de la Shoah jusqu'à la Terminale", cela ne doit pas être compris uniquement comme une critique du système scolaire, mais comme un ras-le-bol généralisé autour d'un thème devenu omniprésent dans nos sociétés occidentales (le Point Godwin en est une manifestation révélatrice) et dont l'approche moralisatrice ne convient plus aux nouvelles générations.

Ce qui dérange ces jeunes finalement, ce n'est pas tant d'étudier la Shoah, mais de le faire aussi souvent, de façon aussi répétitive, et avec une approche aussi exclusive.

Cette critique s'est d'ailleurs particulièrement accentuée chez les élèves depuis la dernière réforme des programmes du collège et du lycée qui prescrivent désormais d'enseigner le phénomène concentrationnaire uniquement sous l'angle du génocide des Juifs et des Tziganes, laissant de côté les oposants politiques, les Résistants, les associaux, les apatrides, les handicapés, les Témoins de Jéhovah et les homosexuels. Dotés d'un sens critique souvent bien plus affuté qu'on ne veut bien le croire, les jeunes ne sont pas dupes du caractère orienté de cet enseignement et, à défaut d'en comprendre les raisons, finissent par sombrer dans la théorie du complot sionniste.

 

Si "l'affaire Dieudonné" pouvait donc avoir un effet positif, ce serait probablement en permettant de prendre vraiment le temps d'écouter et de comprendre ce que ces jeunes spectateurs ont à nous dire avant d'enclencher un discours bien rodé mais complètement dépassé sur les dangers du racisme et de l'antisémitisme.

Actualisation du 30 janvier 2014

1. Le ministre de l'Education nationale a finalement décidé de répondre par une surenchère commémorative en annonçant à l'occasion de la Journée Internationale de la Mémoire des Génocides et de la Prévention des Crimes contre l'Humanité un renforcement de la formation et des moyens pédagogiques pour l'enseignement de l'histoire de la Shoah.

2. Lyonel Kaufmann, professeur formateur en didactique de l'histoire, propose un article très intéressant sur le positionnement des historiens face à l'inflation mémorielle liée à l'histoire de la Shoah.

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