Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

C'est Quoi ?

  • : Histoire, Mémoire et Société (ISSN : 2261-4494)
  • : Ce blog se propose tout d'abord de recenser et d'analyser les réminiscences régulières de la mémoire dans notre actualité. Il vise aussi à rassembler différentes interventions d'historiens, mais aussi d'autres spécialistes, sur le rôle et les conséquences de la mémoire dans nos sociétés. Enfin, des réflexions plus fouillées sont proposées ponctuellement sur les manifestations de la mémoire dans les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. ISSN : 2261-4494
  • Contact

C'est Qui ?

  • Mickaël BERTRAND
  • Citoyen, historien et enseignant, j'ai souhaité partager sur ce blog mes réflexions quotidiennes sur la place de l'histoire et de la mémoire dans l'actualité nationale et internationale.
  • Citoyen, historien et enseignant, j'ai souhaité partager sur ce blog mes réflexions quotidiennes sur la place de l'histoire et de la mémoire dans l'actualité nationale et internationale.

Partenaires

Paperblog : Les meilleurs actualités issues des blogs

Cherche La Pépite

Casting

30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 09:21

 

Un nouvel article publié dans le Nouvel Obs en réponse à l'article de Dimitri Casali dans Le Figaro Magazine sur les "nouveaux programmes" d'histoire au collège : A lire ici.

 

Une modeste contribution à un débat récurrent, mais qui m'apparait bien anachronique dans le contexte actuel. 

 

Bonne lecture

Partager cet article
Repost0
3 mars 2011 4 03 /03 /mars /2011 21:50

 

 

Pour ceux qui ne le savent pas encore (au-delà du microcosme professoral), la réforme de l’enseignement en lycée a pour conséquence une révision profonde des programmes.

Les médias ont peu relayé cette information (un scandale chassant l’autre…), mais l’enseignement de l’histoire recule progressivement à l’école. Hélas, plus personne ne parvient à élever la voix au-dessus des querelles pour réaffirmer que l’histoire est la « mémoire d’un peuple » qui « confère à la nation son identité » comme cela avait été fait à l’Assemblée nationale en 1980.

 

A défaut, les premières propositions de programmes de Terminale L et ES (puisque l’enseignement de l’histoire en Terminale S a été supprimé) viennent d’être communiqués (notamment par l’intermédiaire de l’indispensable Association des Professeurs d’Histoire-Géographie (APHG) qui rencontrait mercredi 2 mars l’Inspection Générale).

Si je m’insurge (avec nombre de mes collègues) contre la diminution des heures d’enseignement d’histoire, je me réjouis de voir apparaître dans ces propositions une réflexion intitulée « Rapports des sociétés à leur passé ».

Celle-ci se décline en deux points :

1. Histoire et patrimoine

Au choix : étude d’une ville (centre urbain ancien) au choix : Rome / Jérusalem/ Paris

2. Histoire et mémoire

Au choix :

· L’historien et les mémoires de la seconde guerre mondiale.

· L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie.

 

On retrouve dans ces propositions l’expression d’une liberté pédagogique renforcée qui se présente comme la contrepartie d’une réforme difficile à mettre en place.

 

J’observe avec satisfaction la diversification de l’approche mémorielle qui ne se résume plus à la seule période de la Seconde Guerre mondiale mais qui s’élargit à d’autres champs.

L’approche patrimoniale tout d’abord est particulièrement intéressante si elle permet aux élèves d’amorcer une réflexion sur l’historicité de leur environnement (voir les premières propositions sur ce blog dans la rubrique « Lieux de mémoire »).

L’introduction d’une réflexion sur les mémoires de la guerre d’Algérie était attendue depuis que le secrétaire d’Etat chargé aux Anciens Combattants avait annoncé en septembre 2010 la création d’une Fondation pour la Mémoire de la Guerre d’Algérie.

Je suis en revanche beaucoup plus circonspect quant à l’intitulé : « L’historien et les mémoires » alors que le thème général est « Rapports des sociétés à leur passé ». Doit-on comprendre que cette étude devra se réduire à une synthèse historiographique telle qu’on en trouve déjà dans certains manuels ? Le rapport des sociétés à leur passé devra-t-il être réduit à la vision des historiens ?

Espérons plutôt que ces projets évolueront vers une définition plus large du sujet.

 

Partager cet article
Repost0
21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 12:50

 

A la demande de plusieurs collègues enseignants, j’ai décidé d’inaugurer une nouvelle rubrique : Mémoires en classe.

L’omniprésence du fait mémoriel dans notre société a en effet pour conséquence une forte demande sociale de la part de nos élèves qui sont quotidiennement interpellés par des commémorations, anniversaires, et polémiques mémorielles. Le professeur d’histoire apparaît alors comme une ressource régulièrement sollicitée pour comprendre la suppression des rues « Pétain » dans les villes françaises, la polémique autour du musée de l’immigration ou encore le sens des dernières petites phrases de Marine Le Pen sur l’ « occupation » du territoire national par les fidèles musulmans priant dans les rues.

Sans sombrer dans l’excès, je pense que les professeurs ont tout intérêt à saisir cette attention de nos élèves pour la question mémorielle afin de mieux les reporter à l’histoire et leur redonner le goût d’une discipline qui leur permet très souvent d’arborer un regard neuf et critique sur le monde et les sociétés qui nous entourent.

 

C’est pourquoi je proposerai désormais très régulièrement des articles permettant aux collègues qui le souhaitent d’inclure ponctuellement une problématique mémorielle dans leurs cours. Il n’est nullement question d’en faire un élément central de notre enseignement (ce serait d’ailleurs en contradiction avec les instructions officielles) mais d’apporter régulièrement quelques analyses mémorielles originales afin de varier les supports et les approches.

Considérant que la liberté pédagogique est un bien précieux pour nos métiers, je ne proposerai pas sur ce blog de séances « clef en main » à l’intention des enseignants. Il s’agit plutôt de proposer des documents singuliers, des angles d’étude et des pistes d’exploitation pédagogique qui pourront faire l’objet d’une libre adaptation en classe dans le cadre d’un enseignement nécessairement différencié.

 

J’ajoute enfin que ces articles ne sont pas exclusivement à destination des professeurs d’histoire-géographie. Ils s’inscrivent dans la philosophie générale de ce blog visant à éclairer par une problématique mémorielle un fait d’histoire et de société. Je ne ferai pas l’économie d’une réflexion systématique sur l’enjeu mémoriel de la question traitée, qu’elle soit destinée à des élèves de collège, de lycée ou à d’autres lecteurs.

 

****

 

 

Le « postcolonial » expliqué à mes élèves

 

Perspective scientifique

La question du « postcolonial » est officiellement absente des programmes d’histoire-géographie.

Cette lacune s’explique aisément par le caractère neuf et novateur de cette notion importée du monde universitaire anglo-saxon et qui suscite donc encore quelques réticences et polémiques en France.

Le débat ne doit pourtant pas nous empêcher d’intégrer partiellement la richesse de ces réflexions dans nos classes, notamment dans certaines régions françaises où elles constituent une grille de lecture indispensable à la construction individuelle et civique des élèves.

 

Le « postcolonial » constitue un renouvellement historiographique très intéressant et éminemment lié à la question mémorielle. Catherine COQUERY-VIDROVITCH, dans son ouvrage consacré aux Enjeux politiques de l’histoire coloniale, définit d’ailleurs cette approche comme une réflexion sur « la façon dont, aujourd’hui, de part et d’autre, les regards se font, se construisent, se défont par rapport à des mémoires nécessairement déformées de la période antérieure ». L’analyse est également inspirée des récentes avancées de la Global History (Histoire globale), mais aussi d’orientations désormais plus anciennes autour des subaltern studies (Etudes subalternes).

L’objectif est simple : les historiens qui se réclament de ces écoles veulent sortir d’une vision trop strictement nationale qu’ils analysent comme l’héritage plus ou moins conscient d’un impérialisme rampant dont nos sociétés ne seraient pas parvenues à se défaire.

Bien que les rédacteurs des programmes n’aient pas souhaité franchir ce pas symbolique (et sans conteste idéologiquement trop marqué pour être consensuel) lors des dernières propositions, il me semble que les inflexions récentes peuvent être lues à la lumière de ces évolutions historiographiques. Sinon, comment expliquer l’introduction de « Regards sur des mondes lointains » en sixième, d’un « Regard sur l’Afrique » en cinquième et des suites logiques qui nous attendent aux prochaines rentrées scolaires ?

L’objectif est bien de faire comprendre à nos élèves que l’européocentrisme (quand il ne se résume pas d’ailleurs à un francocentrisme) n’est plus de rigueur. S’il est nécessaire et indispensable de connaître (et de transmettre à nos élèves) les « classiques » de l’histoire de France dans leurs grandes lignes, il faut également leur faire prendre conscience de la relativité d’une lecture, qui deviendrait alors un aveuglement, trop hexagonal.

 

L’exercice n’est pas simple et il serait présomptueux de prétendre inculquer parfaitement et intégralement de telles réflexions à nos élèves. C’est pourquoi je propose d’adopter une démarche comparative afin de faire prendre conscience des différentes temporalités et interprétations d’un même évènement historique.

La problématique de séance proposée sera donc résolument mémorielle.

 

Bibliographie indicative :

            - Daniel BERMOND, « Vous avez dit « postcolonial » ? », in L’Histoire (Les collections), numéro 49 consacré à la fin des empires coloniaux, pp. 88-91.

            - Pascal BLANCHARD, La fracture coloniale, La Découverte, 2005.

- Nicolas BANCEL, Pascal BLANCHARD, Achille MBEMBE et Françoise VERGES, Fractures postcoloniales, La Découverte, 2010.

            - Catherine COQUERY-VIDROVITCH, Enjeux politiques de l’histoire coloniale, Agone, 2009.

 

 

Les niveaux de classes conseillés

 

Troisième

La Première Guerre mondiale et ses conséquences

De la guerre froide au monde d’aujourd’hui (relations Est-Ouest, décolonisation, éclatement du

monde communiste) 

La France puissance européenne et mondiale

Première

La Première Guerre mondiale et les bouleversements de l’Europe

Le Tiers-Monde : indépendances, contestation de l’ordre mondial, diversification

 

Les liens entre l’activité proposée et le programme peuvent parfois être ténus. Il ne s’agit pas, par exemple, de proposer une telle séance uniquement dans le cadre de l’étude du chapitre sur la Première Guerre mondiale et ses conséquences. Mon objectif est cependant de montrer que le temps éventuellement consacré à une telle séance pourra être bénéfique puisqu’il permettra d’anticiper, d’approfondir, voir de réviser, d’autres éléments du programme dans un même niveau de classe.

 

 

Dossier documentaire :

 

Document 1 : Le témoignage d’un tirailleur sénégalais

Abdoulaye Ndiaye était un tirailleur sénégalais ayant servi durant la Première Guerre mondiale. Il est décédé le 10 novembre 1998, à la veille de recevoir la légion d’honneur pour sa participation à la défense de la nation française.

« Abdoulaye Ndiaye  est l'un des 180 000 Africains (sur un total de 600 000 "coloniaux") enrôlés par la France en 14-18, sans doute le dernier survivant de la fameuse "Force noire à consommer avant l'hiver" du général Mangin.

Il avait une vingtaine d'années lorsqu'un événement venu d'une autre planète a bouleversé sa vie, le transportant durant quatre longues années au cœur de la première grande boucherie franco-allemande de ce siècle. La guerre n'aura été finalement qu'une hallucinante parenthèse dans sa vie : né pauvre à Thiowor, il y a vécu pauvre pendant un siècle dans une case en terre battue, entre le champ de mil et l'arbre à palabres, survivant d'une horreur ignorée de sa famille et de ses voisins, seul avec ses souvenirs d'une guerre incompréhensible. […]

Une dizaine d'hommes de Thiowor sont ainsi sélectionnés après une visite médicale à Louga, la ville voisine, puis "habillés en soldats", transportés jusqu'à Dakar où ils sont embarqués vers Kenitra. Trois d'entre eux ne reviendront pas. Au Maroc, ils participent aux opérations de "pacification" de ce tout nouveau protectorat, puis traversent la Méditerranée. A Marseille, on leur apprend des rudiments de français, le minimum pour pouvoir obéir aux ordres, mais aussi pour pouvoir communiquer entre tirailleurs, car "nous parlions tous des langues différentes". Les Français accueillent plutôt favorablement ces hommes à la peau noire qu'ils découvrent. […]

Très vite, un train emmène Abdoulaye Ndiaye vers le front, dans le Nord. "Jamais je n'avais pensé que de telles atrocités pouvaient se passer. Dans mon imagination d'humain, ce n'était pas possible, dit-il simplement. Ce n'était pas dans mon habitude de voir des cadavres. Le premier que j'ai vu, c'était une maman morte avec son enfant". Des Allemands, il pense seulement qu'ils sont "sokhors" [méchants, en wolof], que, "si tu restes une seconde sans faire attention, ils te tuent". Pourquoi se bat-il contre eux ? L'étonnante réponse ne tarde pas : "Pour faire mon devoir, pour honorer mon oncle. Je me battais contre les Allemands, s'étonne-t-il seulement, mais je ne connaissais pas leur nom, je ne pouvais pas les identifier".

Son petit-fils, Cheikh Diop, pense que cette effroyable expérience a, en réalité, eu d'énormes conséquences historiques : "Avant 1914, les Africains percevaient les Blancs comme des surhommes, toujours victorieux, et les redoutaient. Sur les champs de bataille, ils ont partagé leurs repas, ils les ont vus avoir peur, pleurer et appeler leur mère avant de mourir. Ils ont pris conscience qu'il s'agissait d'hommes comme les autres. Ils ont compris qu'ils étaient les égaux des Blancs. Ceux qui sont revenus avaient changé de mentalité ; certains se sont lancés dans la lutte pour l'émancipation, contre la colonisation ».

Philippe BERNARD, « Le dernier de la " Force noire " », Le Monde, 12 novembre 1998.

http://dersdesders.free.fr/bio_veterans/ndiaye.html#top

 

Document 2 : Extrait de la fiche militaire d’Abdoulaye Ndiaye établie à Saint-Louis du Sénégal et retrouvée au service des pensions de Pau (Pyrénées-Atlantiques) :

« Blessé en août 1914 en Belgique par balle. Passé au 7e RTS [régiment de tirailleurs sénégalais] le 8 mai 1916. Blessé le 1er juillet 1916 devant Asservilliers (Somme). Deux fois blessé : a droit à la qualité de combattant ».

 

Document 3 : Carré musulman de la nécropole nationale d'Amiens (Saint-Acheul).Au premier plan, tombe d'un soldat du 45e RTS tombé pendant la Bataille de la Somme

Tombes combattants musulmans

 

 

Document 4 : Extrait du discours de Dakar

« Entre le Sénégal et la France, l'histoire a tissé les liens d'une amitié que nul ne peut défaire. […]

Je suis venu vous proposer, jeunes d'Afrique, non de ressasser ensemble le passé mais d'en tirer ensemble les leçons afin de regarder ensemble l'avenir. Je suis venu, jeunes d'Afrique, regarder en face avec vous notre histoire commune.

L'Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur. On s'est entretué en Afrique au moins autant qu'en Europe. […]

Face au colonisateur, le colonisé avait fini par ne plus avoir confiance en lui, par ne plus savoir qui il était, par se laisser gagner par la peur de l'autre, par la crainte de l'avenir. Le colonisateur est venu, il a pris, il s'est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. Il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail.

Il a pris mais je veux dire avec respect qu'il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. Il a rendu fécondes des terres vierges, il a donné sa peine, son travail, son savoir. […]

La colonisation n'est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l'Afrique. Elle n'est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n'est pas responsable des génocides. Elle n'est pas responsable des dictateurs. Elle n'est pas responsable du fanatisme. Elle n'est pas responsable de la corruption, de la prévarication. Elle n'est pas responsable des gaspillages et de la pollution. […]

La colonisation fut une grande faute mais de cette grande faute est né l'embryon d'une destinée commune. Et cette idée me tient particulièrement à cœur. La colonisation fut une faute qui a changé le destin de l'Europe et le destin de l'Afrique et qui les a mêlés. Et ce destin commun a été scellé par le sang des Africains qui sont venus mourir dans les guerres européennes. Et la France n'oublie pas ce sang africain versé pour sa liberté. […]

Je ne suis pas venu, jeunes d'Afrique, vous donner des leçons, je ne suis pas venu vous faire la morale. Mais je suis venu vous dire que la part d'Europe qui est en vous est le fruit d'un grand péché d'orgueil de l'Occident mais que cette part d'Europe en vous n'est pas indigne. Car elle est l'appel de la liberté, de l'émancipation et de la justice et de l'égalité entre les femmes et les hommes, car elle est l'appel à la raison et à la conscience universelles.

Le drame de l'Afrique, c'est que l'Homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès.

 

Nicolas Sarkozy, 26 juillet 2007.

http://www.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2007/discours-a-l-universite-de-dakar.8264.html?search=Dakar&xtmc=dakar_2007&xcr=1

 

 

Pistes d’exploitations pédagogiques

Selon le niveau de classe et le temps disponible, il est possible d’envisager plusieurs méthodes de travail.

Tout d’abord, les documents 1 et 4 peuvent être substantiellement réduits afin de cibler des éléments d’informations plus précis.

Ensuite, il est également possible de faire travailler une première moitié de la classe sur le rôle des Sénégalais dans l’histoire de France et de faire travailler la seconde moitié de la classe sur la place laissée aux Sénégalais dans l’histoire (et la mémoire) française.

 

Voici les éléments qui doivent à mon avis être absolument identifiés par les élèves par l’intermédiaire d’un questionnaire ou d’une analyse collective dialoguée (ils permettront d’orienter la nature de questions plus ou moins précises) :

            - Doc 1 et Doc 2 : Le rôle et l’importance des Sénégalais dans l’armée française durant la Première Guerre mondiale.

            - Doc 1 : La parenthèse que constitue cet évènement dans l’histoire individuelle d’Abdoulaye Ndiaye, mais aussi dans l’histoire nationale du Sénégal.

            - Doc 1 : A contrario, l’influence qu’a pu avoir une telle participation dans le processus d’émancipation des colonies française, puis de décolonisation.

            - Doc 3 et Doc 4 : La place laissée aux Sénégalais dans la mémoire nationale française de la Première Guerre mondiale.

            - Doc 4 : La contradiction apparente entre les mémoires françaises et sénégalaises.

 

Il est bien évident que les documents  utilisés peuvent permettre, en fonction du questionnaire qui les accompagne et du niveau des élèves, d’atteindre un degré de réflexion plus ou moins précis.

Le professeur pourra ensuite conclure la séance en répondant à la problématique posée au départ, tout en présentant simplement les enjeux récents du post-colonialisme en histoire (voir ci-dessus).

La séance peut également être prolongée par l’étude du film Indigènes (Rachid Bouchareb, 2006) pour montrer l’extension de cette problématique mémorielle à la Seconde Guerre mondiale et à d’autres anciennes colonies françaises.

 


Actualisation datée du 21 septembre 2011 :

Une interview passionnante de Jacques Pouchepadass sur La Vie des idées qui prépare un ouvrage sur les Postcolonial Studies et les Subaltern Studies :

Jules Naudet, « La portée contestataire des études postcoloniales. Entretien avec Jacques Pouchepadass », La Vie des idées, 16 septembre 2011. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/La-portee-contestataire-des-etudes.html

Partager cet article
Repost0
17 septembre 2010 5 17 /09 /septembre /2010 12:57

 

Depuis près de quinze jours, mes nouvelles responsabilités au sein de l’Education Nationale me conduisent à consacrer une grande partie de mes lectures nocturnes à une littérature historique destinée aux adolescents. Cela me permet de découvrir souvent avec intérêt, mais aussi parfois agacement, une variété déconcertante de documents proposés à la vue de nos charmantes têtes blondes qui viennent de rejoindre les bancs de l’école.

Or, ce matin, mon proviseur-adjoint m’a fait partager son étonnement devant la « Une » du quotidien L’Actu dont nous venons de recevoir de nombreux spécimens.

 

Au premier abord, je suis plutôt satisfait de constater qu’une telle publication consacre sa couverture à vanter les mérites des travaux récents d’une historienne américaine encore méconnue en France, Wendy Lower, qui démontrent que les femmes ont eu un rôle non négligeable dans le système concentrationnaire nazi. Ces travaux ne semblent pas encore avoir fait l’objet d’un ouvrage de synthèse (et il est encore moins probable qu’ils soient traduits en France avant 2020…) mais en attendant on lira avec intérêt cet article du New York Times qui nous en apprend davantage depuis le 17 juillet 2010 (il faut croire qu’il est finalement plus difficile de franchir les frontières intellectuelles de la France plutôt  que l’océan atlantique…)

femmes-dans-les-camps-de-concentration.jpg L’historienne Wendy Lower considère que les femmes ont pu représenter jusqu’à 10% du personnel des camps de concentration.

 

La lecture de l’article du quotidien pour adolescents s’avère en fait très décevante. Tout d’abord, on s’aperçoit bien vite que ce journal consacré aux petits n’a rien à envier aux grands. Il reproduit les mêmes stratégies commerciales visant à vendre une information exclusive à renfort de gros titres pour finalement accoucher d’une souris. Le lecteur n’apprendra donc rien de réellement nouveau d'un point de vue scientifique. Les lignes les plus intéressantes sont composées d’une courte interview de l’historien français Olivier Lalieu qui nous propose un éclairage synthétique sur cette question. La forme pédagogique du journal oblige à une concision qui peut paraître déconcertante, mais elle se justifie tout à fait dans ce cadre où il n’est pas question de proposer aux élèves la lecture d’un article d’une revue scientifique. Néanmoins, on aurait au moins apprécié dépasser les clichés pour proposer un angle d’étude un peu original.

 

En revanche, je m’interroge plus sévèrement sur le choix éditorial des illustrations que je reproduis ci-dessous :

couverture de l'ActuIllustration de l'Actu

La première illustration est la couverture du journal. Je m’interroge plus précisément sur l’utilité de la représentation d’une croix gammée rose à côté du titre, dans une position de visibilité enviée. J’ai tenté de comprendre quelles avaient pu être les motivations des maquettistes… en vain !  D’autant plus que cette illustration ne semble pas du tout répondre aux critères de la caricature qui serait, de toute façon, maladroite dans ce contexte. Une telle production artistique nécessite en effet que celui qui l’observe puisse prendre une distance suffisamment critique afin de comprendre son effet comique en décalage avec la réalité. Tout professeur pourrait ainsi rappeler à l’équipe rédactionnelle que ce qui paraît évident à l’adulte informé ne l’est pas forcément pour l’adolescent en cours d’acquisition des principaux repères culturels occidentaux.

Si l’on pousse la réflexion encore un peu plus loin, on regrettera encore davantage l’utilisation de la symbolique du rose dans cette illustration. C’est en effet sous l’influence de l’histoire du genre que des études telles que celle de Wendy Lower peuvent être menées. Or, la plupart de ces travaux démontrent que la différenciation sexuelle est le résultat d’une forte pression sociale qui tend à attribuer certains comportements, couleurs, et autres clichés au genre masculin ou féminin. Par l’utilisation de la couleur rose, le dessinateur choisit donc de reproduire ce poncif dépassé alors que l’étude de l’historienne tente justement de le dépasser en montrant judicieusement que c’est notre vision traditionnelle des notions de l’ordre et de l’autorité qui nous a conduit à oublier en partie le rôle des femmes au sein de l’univers concentrationnaire.  La seconde illustration enfonce encore davantage ce clou plus ou moins sexiste par les mots des personnages représentant des déportés : « L’égalité des sexes existe… dans la cruauté !!! ». Quand certains semblent le découvrir seulement en 2010 par l’intermédiaire d’un dessin que je trouve personnellement vulgaire, je préfère rappeler que d’autres ont déjà évoqué cette question avec davantage d’esprit. Ainsi, Bernard Schlink dans son ouvrage The Reader que nous avons déjà évoqué sur ce blog, travaillait déjà depuis le début des années 1990 sur la figure féminine au sein des camps de concentration.

 

Enfin, d’un point plus général, je m’interroge toujours sur cette vision gratuite, mais en même temps restrictive de la croix gammée. Est-il en effet judicieux de représenter aussi souvent le régime nazi par cette croix qui jouissait d’une histoire multiséculaire et multiculturelle avant d’être récupérée par un courant politique qui n’a vécu que quelques décennies ?

Comme on pourra le remarquer sur cette magnifique mosaïque conservée au musée gallo-romain de Lyon, la croix gammée était utilisée par des civilisations pour lesquelles le lien avec ce symbole est désormais complètement oublié.  

 

mosaïque croix gammée

 Mosaïque d'une croix gammée (appelée Swastika) au musée gallo-romain de Lyon. Archives personnelles, Mickaël Bertrand.

 

De même, si l’on visite les magnifiques catacombes de Saint-Sébastien dans la banlieue de Rome, on pourra rencontrer à nouveau cette croix parmi d’autres symboles utilisés par les chrétiens dans ces lieux de sépulture.

 

DSCF3554.JPG

Panneau d'information résumant les symboles rencontrées durant la visite des catacombes de Saint-Sébastien à Rome. Archives personnelles, Mickaël Bertrand.

 

Avant qu’il ne soit désigné sous le terme de « croix gammée », ce symbole était appelé Swastika. Il est utilisé depuis l’époque néolithique dans une perspective religieuse. C'est d’ailleurs l'un des plus anciens symboles connus que l'on retrouve sous plusieurs formes dans la majorité des civilisations du monde, avec parfois des divergences de signification.

Depuis qu’il a été monopolisé par les nazis et qu’il est désormais teinté d’une connotation négative, plus personne ne semble vouloir porter son attention sur un tel signe. C’est pourquoi les études scientifiques se sont progressivement réduites à son sujet depuis les années 1940 alors qu’elles étaient encore nombreuses à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Il est d’ailleurs possible de le vérifier en feuilletant sur Gallica les très belles pages du compte-rendu du Journal de la Société des Américanistes pour l’ouvrage de Thomas Wilson intitulé simplement Swastika et paru en 1896 (il vous est possible de lire la totalité du compte-rendu en passant d’une page à l’autre…)

Une nouvelle preuve, s’il en était encore besoin, de la puissance de la mémoire face à l’histoire…

 

Partager cet article
Repost0
31 octobre 2008 5 31 /10 /octobre /2008 08:58

Depuis quelques jours, le débat s’enflamme à propos des affirmations du ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, sur le rôle des "politiques" dans l’élaboration des programmes scolaires.

J’ai été plutôt amusé par cette micro-polémique qui semble être sur le point de s’éteindre aussi vite qu’elle ne s’est enflammée. Il faut avouer que pour une fois, notre ministre n’est pas l’auteur d’une véritable « boulette ». Tout au plus s’est-il montré maladroit en rappelant à un moment inopportun ce qui est déjà officialisé par des textes législatifs. Quiconque s’est déjà intéressé au processus d’élaboration des programmes sait depuis longtemps qu’ils sont le reflet d’une volonté politique datée. D’ailleurs, personne ne s’est posé cette question lorsque le Président Nicolas Sarkozy a exigé au lendemain de son élection que la lettre de Guy Mocquet soit lue en début d’année dans tous les lycées de France. On s’est beaucoup interrogé sur la légitimité et l’opportunité d’un tel acte, mais jamais sur les conditions de son application, sur les modalités d’exercice d’une volonté politique dans la sphère scolaire.

 

L’Histoire occupe une place importante dans ce dispositif politico-pédagogique car elle est considérée (à juste raison) comme un enseignement particulièrement opérant dans la constitution du futur citoyen et l’inculcation des valeurs de la République française. L’étude de la démocratie athénienne, de la chrétienté médiévale, de la période révolutionnaire et des guerres mondiales ne relève pas d’un choix anodin. Ils répondent à un objectif précis qui vise à former un citoyen français, pétri du passé de sa nation. Soyons simple : l’histoire dans l’enseignement secondaire ne vise pas à la stricte connaissance intellectuelle et historique ; elle s’inscrit dans un schéma plus vaste dévolu à l’école de la République qui diffuse en quelque sorte une forme d’auto-propagande subtile.

Ce qui est inquiétant, ce n’est pas tant que des parents s’indignent devant une telle information ; en revanche, que penser lorsque des professeurs eux-mêmes semblent découvrir cette dimension des programmes à travers cette affaire médiatique ? Ne doit-on pas en conclure qu’un énorme malaise règne autour du recrutement des professeurs si ces derniers ne sont même pas en mesure de comprendre la cohérence et la philosophie des programmes qu’ils sont censés transmettre ?

 

Parce que je ne l’ai lu nulle part ailleurs dans la presse, je voudrais ajouter quelques éléments à ce débat à titre de jeune professeur d’histoire-géographie :

 

            - tout d’abord, toute cette polémique omet à mon sens un aspect essentiel : le professeur n’est pas qu’un simple répétiteur docile de la glose gouvernementale. Il est a priori un individu à l’esprit mûr et critique qui ne se contente pas de transmettre un savoir à ses élèves, mais qui doit plutôt leur permettre de réfléchir par eux-mêmes.

            - ensuite, il ne me semble pas particulièrement honteux de transmettre les valeurs de la République à nos chères têtes blondes. Soyons réalistes : il n’est pas question d’évoquer en classe de collège des débats historiographiques sur les notions complexes de féodalité ou bien de totalitarisme. En revanche, il est particulièrement gratifiant pour un professeur d’histoire-géographie de prendre conscience de son rôle d’éducateur (et notamment civique) par l’intermédiaire de la science historique.

            - enfin, si nous devions nous inquiéter d’influences externes sur les programmes, nous devrions probablement nous tourner davantage vers les manuels qui constituent un reflet annualisé (et donc actualisé) des différentes pressions mémorielles. Une étude de l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) actuellement en cours de réalisation (le rapport doit être remis en 2009) sous la direction de Benoit Falaise a déjà démontré la place grandissante qu’occupe le thème de l’esclavage dans les manuels scolaires (en terme de mots, d’images, de dossiers, voire de doubles pages) alors que les programmes n’ont pas changé sur ce point depuis 1997. Il s’agit en fait d’une conséquence directe de la loi Taubira de 2001, et notamment de son article 2 qui invite à accorder une place conséquente à ce sujet. Bien que cette décision politique n’ait pas conduit à une révision des programmes scolaires, les éditeurs de manuels ont accusé cette invitation dans une interprétation toute personnelle des programmes officiels.

 

Les polémiques ne sont donc pas toujours vaines… encore faudrait-il qu’elles puissent conduire à des débats féconds et utiles. Plutôt que de s’indigner en vain sur le rôle du gouvernement et de l’Assemblée nationale dans l’élaboration des programmes, ne devrions-nous pas réfléchir ensemble sur toutes les formes d’influences et de pressions qui s’exercent sur les enseignements de nos enfants ?

Partager cet article
Repost0