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C'est Quoi ?

  • : Histoire, Mémoire et Société (ISSN : 2261-4494)
  • : Ce blog se propose tout d'abord de recenser et d'analyser les réminiscences régulières de la mémoire dans notre actualité. Il vise aussi à rassembler différentes interventions d'historiens, mais aussi d'autres spécialistes, sur le rôle et les conséquences de la mémoire dans nos sociétés. Enfin, des réflexions plus fouillées sont proposées ponctuellement sur les manifestations de la mémoire dans les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. ISSN : 2261-4494
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C'est Qui ?

  • Mickaël BERTRAND
  • Citoyen, historien et enseignant, j'ai souhaité partager sur ce blog mes réflexions quotidiennes sur la place de l'histoire et de la mémoire dans l'actualité nationale et internationale.
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Cherche La Pépite

17 juillet 2015 5 17 /07 /juillet /2015 08:18

Depuis les attentats du mois de janvier 2015 contre le journal Charlie Hebdo et la prise d'otages dans un supermarché casher de la Porte-de-Vincennes, pas un jour sans que la question de l'identité nationale et des valeurs de la République ne soient évoquée. Les centaines de milliers de citoyens rassemblés dans les rues de la plupart des villes françaises les 10 et 11 janvier n'ont visiblement pas suffi à convaincre les hommes politiques et les médias de l'attachement de la communauté nationale aux valeurs républicaines.

Il est vrai que si certains historiens ont qualifié cette journée d'historique, d'autres universitaires ont rapidement questionné ces rassemblements dont le gigantisme et la diversité sociologique ont rendu difficile l'interprétation : communion laïque, rassemblement citoyen, thérapie de groupe après le choc de l'émotion... Les analyses se succèdent et révèlent pour l'instant davantage sur les positions idéologiques de leurs auteurs que sur la nature de ce rassemblement et les motivations de ses participants.  

Il suffit pourtant de s'arrêter quelques instants sur les innombrables images et slogans rencontrés partout en France à cette période pour se rendre compte que les millions de manifestants ont certes partagé le pavé, mais pas forcément les mêmes finalités.  

Par David Monniaux, via Wikimedia Commons

Par David Monniaux, via Wikimedia Commons

Par Jitrixis, via Wikimedia Commons

Par Jitrixis, via Wikimedia Commons

Par Jitrixis, via Wikimedia Commons

Par Jitrixis, via Wikimedia Commons

« Strasbourg-Rassemblement Charlie-11 janvier 2015 » par Ji-Elle via Wikimedia Commons

« Strasbourg-Rassemblement Charlie-11 janvier 2015 » par Ji-Elle via Wikimedia Commons

Alors que cette formidable diversité aurait pu être positivement considérée comme une forme de richesse, c'est une toute autre impression qui tend à s'imposer au fur et à mesure des semaines qui nous séparent de ces événements.

Plutôt que de lire cet attentat et cette prise d'otage comme une manifestation, certes éminemment violente mais somme toute assez traditionnelle, de l’extrémisme et du terrorisme, d'aucuns ont commencé à y voir une manifestation des fractures de la société française en immisçant d'insidieuses questions dans le débat public :

  • Comment ces jeunes garçons nourris au sein de l'école républicaine ont-ils pu développer une telle haine contre la société qui les a vu grandir ?

  • Ne s'agissait-il pas d'ailleurs en fait d'une énième manifestation de violence entre musulmans français et juifs français ?

  • Et d'ailleurs, si environ 4 millions d'individus étaient dans les rues les 10 et 11 janvier 2015, où étaient les 62 autres millions ?   

Tant de questions qui ont conduit à des prises de position rapides des autorités publiques tandis que la plupart des intellectuels semblaient montrer qu'il était impossible d'avoir une interprétation monolithique des événements.

La temporalité de l'homme politique s'inscrivant davantage dans la réaction que dans la réflexion, les annonces ne se sont pas faites attendre. Or, à chaque fois, la dimension mémorielle s'est imposée comme un élément important de la réponse de l’État.  

Les commémorations au service des valeurs républicaines

Dès le 22 janvier 2015, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, annonçait la mise en œuvre d'une « Grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République » pour laquelle les ambitions et les moyens sont gigantesques... mais dont les contours demeurent encore aujourd'hui très flous.

Parmi les onze mesures annoncées figurent la suivante :  

Les projets d’écoles et d’établissements détailleront les modalités de la participation active des élèves aux journées ou semaines spécifiques (semaine de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, semaine de l’engagement), commémorations patriotiques, participation collective à des concours et à des "olympiades"

Or, cette injonction n'est pas sans poser question.

Une fois inscrit le principe d'une participation aux commémorations dans le projet d'établissement, quelles seront en effet les modalités concrètes d'application d'une telle décision ? Ces commémorations étant généralement associées à des jours fériés, faut-il s'attendre à ce que le ministère annonce la suppression des jours fériés à l'école pour que les enseignants et leurs élèves soient contraints de se rendre aux monuments aux morts ?

Par ailleurs, cette nouvelle initiative qui s'ajoute aux innombrables couches du palimpseste mémoriel n'apporte toujours aucune réponse précise sur la place dévolue à la mémoire au sein de l'école française face ou à côté de l'enseignement de l'histoire. Les annonces se succèdent en effet à un rythme inquiétant sans qu'une véritable réflexion de fond ne soit jamais menée sur la coexistence parfois difficile des dimensions culturelles et civiques de l'enseignement de l'histoire.

D'un côté, le nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture insiste sur la nécessité de former des citoyens dotés d'un « esprit critique » (la mention est répétée à 5 reprises dans ce texte programmatique) ; de l'autre, les programmes et injonctions politiques ne cessent d'imposer à l'école des pratiques faisant davantage appel à l'émotion qu'à la raison. Ainsi, nos élèves doivent ils participer aux cérémonies commémoratives, s'impliquer dans le concours national de la Résistance et de la Déportation, entendre chaque année la lettre de Guy Môquet... Bref, communier sur l'autel républicain plutôt que cogiter sur les tables de l'école républicaine ! 

Faut-il remplacer le cours d'histoire par la lecture du roman national ?

Cette ambiguïté sur les finalités de l'enseignement de l'histoire n'est pas nouvelle, mais elle s'est cependant aggravée depuis quelques années et semble prête à exploser depuis les attentats de janvier.

Sans que l'on comprenne vraiment pourquoi, l'école s'est retrouvée en première ligne après ces événements. Puisque ces jeunes terroristes sont passés par l'école française, c'est sur ce terrain que devra s'opérer la reconquête des valeurs républicaines soi-disant abandonnées, quitte à oublier au passage que le contexte social joue peut-être aussi un rôle dans le rejet des valeurs républicaines.

Les rapports se sont donc succédés pour dresser un bilan (forcément catastrophique) de la situation et proposer leurs remèdes miracles qui passent par des mesures mémorielles.

 

Le premier rapport est celui adressé au président de la République par le président du Sénat, Gérard Larcher. Sobrement intitulé « La nation française, un héritage en partage », il affirme que nous vivons actuellement une situation de « déni d'une histoire commune » où « chacun est tenté de se replier sur sa mémoire ». Par conséquent, il en appelle à « la connaissance des faits du passé, tournée vers l'avenir » visant « à calmer des indignations, à passer des révoltes à la compréhension et à faire disparaître les nostalgies, en transformant l'approximation des mémoires dans l'objectivation de l'histoire ». Magnifique programme pour ce parlementaire qui n'avait pourtant pas sourcillé lorsque Luc Châtel avait supprimé l'enseignement de l'histoire-géographie en Terminale scientifique. 

Il ne faut cependant pas s'y tromper, l'enseignement de l'histoire pour Gérard Larcher consiste en fait à permettre « à chaque élève, quelle que soit sa culture d'origine, de se réapproprier le roman – le récit – national, qui repose sur l'idée que la communauté nationale est le fruit d'une construction volontaire, d'un progrès constant, d'un dessein propre à la nation française. Il s'agit de donner à l'enseignement de l'histoire un sens et une portée effective en matière de sentiment d'appartenance : grandes dates, grands personnages, grands événements, grandes idées, doivent ponctuer cet enseignement et chaque élève doit pouvoir y trouver une source d'intelligence et de réflexion, d'identification et de fierté ».

En somme, une fois décortiquée la rhétorique sénatoriale, on comprend qu'il ne s'agit pas tant de remplacer « l'approximation des mémoires par l'objectivation de l'histoire », mais bien de remplacer toute mention à des mémoires individuelles et communautaires par une mémoire nationale. 

Les conclusions de ce premier rapport ont été renforcées par l'édition d'une seconde production sénatoriale, résultat de la « Commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession » également mise en place en réponse aux attentats de janvier.

Le collectif Aggiornamento a déjà réagi sur la méthode utilisée lors des auditions qui interroge sur les méthodes de travail de nos élus et la validité des résultats obtenus.

Le contenu n'en ai pas moins surprenant car dans le domaine de l'histoire, la commission d'enquête propose le « recentrage du programme de l'histoire de France et de sa chronologie autour du récit national » (titre de la proposition) en éveillant et entretenant « l'esprit critique des élèves » et en « renforçant l'approche épistémologique des disciplines » (troisième sous-partie de la proposition). En somme, la commission sénatoriale propose un bilan apocalyptique de notre école... pour finalement proposer de mettre en place ce qui se pratique déjà et ce qui est d'ailleurs formulé quasiment dans les mêmes termes dans le socle commun de connaissances et de compétences.

La méconnaissance des programmes par nos élus atteint d'ailleurs des sommets lorsqu'ils affirment qu'il « conviendrait que les programmes ne se limitent pas à la présentation de la naissance des religions du Livre, mais élargissent le périmètre d'enseignement à la compréhension des religions comme phénomène social et culturel à chaque époque ». Or, la simple consultation d'un enseignant d'histoire aurait peut-être permis de faire parvenir aux sénateurs les programmes d'histoire qu'il aurait été judicieux de lire avant d'écrire de telles propositions : 

Programme de Seconde - La chrétienté médiévale

Programme de Seconde - La chrétienté médiévale

Programme de Première - La République et les évolutions de la société française

Programme de Première - La République et les évolutions de la société française

Rentrée 2015 : Roman national et commémorations au programme ?
Programme de Terminale - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflit

Programme de Terminale - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflit

Pour une politique mémorielle nationale

Au final, les rapports et les annonces se succèdent, mais aucun gouvernement se semble parvenir à enrayer l'inflation et les oppositions mémorielles au profit d'une véritable politique nationale de la mémoire susceptible d'emporter l'adhésion populaire.

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13 juillet 2014 7 13 /07 /juillet /2014 08:21

 

L'Assemblée nationale constitue une caisse de résonance des revendications mémorielles en France. On peut même considérer qu'il s'agit d'une étape traditionnelle dans l'émergence d'une nouvelle mémoire. Elle apparaît généralement juste après la constitution d'une association porteuse de la revendication. La forme et la multiplicité des questions posées par les parlementaires au gouvernement témoignent en effet d'une intense activité de lobbying parfois relayée simultanément par plusieurs dizaines de députés. 

Cette forme de revendication est d'autant plus utilisée depuis 2008 que l'Assemblée nationale a retrouvé la possibilité de voter des résolutions mémorielles qui permettent de "préserver l'expression du Parlement sur le passé" sans recourir à la loi et donc sans conséquence pénale pour la liberté d'opinion et d'expression des citoyens.

 

Reconnaître le sort des nomades en France durant la Seconde Guerre mondiale

Cette revendication est portée par le député socialiste des Pyrénées-Orientales Jacques Cresta. Dans une question écrite au ministre délégué chargé des anciens combattants, il demande au gouvernement si des actions mémorielles sont envisagées pour reconnaître le sort des nomades français ou étrangers qui, d'avril 1940 à juin 1946, ont été assignés à résidence, voire internés en zone Sud. 

La réponse du ministre délégué chargé des anciens combattants précise que cette mémoire est déjà prise en compte dans la politique mémorielle de la France : 

  • Les organisations liées à la communauté des gens du voyage sont en effet invitées officiellement à participer aux cérémonies organisées dans le cadre de la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux "Justes" de France. 
  • La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) soutient financièrement la réalisation de plaques et de stèles commémoratives dans les camps où ces nomades furent internés.
  • Enfin, la DMPA accorde des subventions pour la réalisation de colloques et de publications sur ce thème.

Bref, le gouvernement apporte une réponse complète à cette demande et, dans un langage consensuel, invite le député porteur de cette revendication à mieux étudier ces dossiers.
Il est en revanche intéressant de remarquer que cette demande s'inscrit dans un contexte particulier : celui d'une cristallisation du discours public et médiatique autour de la question des Roms. Le flottement observé dans le vocabulaire de la question et de la réponse est sur ce point assez significatif. Le député et les services du ministère utilisent simultanément les termes de « nomades », « Tsiganes, forains ou cheminots » et « gens du voyage ». On comprend donc que cette revendication mémorielle n'est pas gratuite mais qu'elle vise à rappeler les persécutions subies par les nomades durant la Seconde Guerre mondiale pour mieux mettre en perspective les risques d'une stigmatisation grandissante à l'égard des Roms et gens du voyage depuis quelques années.

 

Une statue pour honorer la mémoire de Camille Desmoulins

En novembre 2013, le député socialiste de l'Aisne, Monsieur Jean-Louis Bricout, a proposé à la ministre de la culture et de la communication de reconstruire la statue de Camille Desmoulins qui trônait au Palais-Royal avant d'être fondue par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale.

Bilan des dernières revendications mémorielles à l'Assemblée

Le député se fait ici le porte-parole à l'Assemblée nationale de l'association Camille Desmoulins qui diffuse cette revendication depuis plusieurs mois dans plusieurs médias et auprès de multiples dirigeants politiques

Cependant, la demande n'a pas pu aboutir pour le moment faute de moyens permettant de mettre en oeuvre cette proposition. 

 

Pour une journée nationale du souvenir de la "quatrième génération"

Cette proposition de loi a été déposée par le député Lionnel LUCA à la fin de l'année 2013. Elle vise à instituer une nouvelle journée nationale du souvenir pour les soldats français qui depuis 30 ans ont été tués ou blessés dans les différentes interventions extérieures de l'armée française.
Dans la logique de cette proposition de loi, il existerait en effet :

  • une "première génération du feu" composée des soldats de la Première Guerre mondiale et honorée chaque 11 novembre.
  • La "deuxième génération du feu" est associée aux soldats de la Seconde Guerre mondiale qui sont commémorés le 8 mai.
  • Enfin, la "troisième génération du feu" est constituée des soldats ayant combattu en Indochine et au Maghreb : les dates du 8 juin et du 5 décembre honorent leur mémoire.

Or, selon les initiateurs de cette loi, il devient nécessaire d'instaurer une cinquième journée nationale du souvenir pour honorer la mémoire des soldats français tombés au combat dans des opérations extérieures depuis 1962.
Les députés proposent d'ailleurs la date du 23 octobre qui en 2013 marquait le 40e anniversaire de la disparition de 58 parachutistes français dans un attentat suicide lors de la guerre du Liban.

Il est surprenant de constater que cette proposition de loi portée par un fidèle sarkozyste s'inscrit à l'exact inverse de la proposition faite par Nicolas Sarkozy en 2011 de faire du 11 novembre une « date de commémoration de la grande guerre et de tous les morts pour la France ». Alors que l'ancien président de la République proposait de lutter contre la multiplication des journées du souvenir en les regroupant sous une seule date (suivant ainsi le modèle anglo-saxon), l'actuel député des Alpes-Maritimes propose au contraire d'ajouter une nouvelle date dans le calendrier mémoriel.

D'autre part, le choix de cette date du 23 octobre 1983 n'est pas anodine. Alors que la proposition de loi recense la diversité des opérations extérieures menées par l'armée française depuis plusieurs dizaines d'années, les députés qui portent cette loi ont finalement choisi la date symbolique d'un attentat revendiqué par le Hezbollah, le mouvement de la révolution islamique libre et le Jihad islamique.

 

Pour une loi reconnaissant le massacre de la population française à Oran le 5 juillet 1962

Le député Lionnel Luca est particulièrement actif à l'Assemblée nationale sur les questions mémorielles. C'est encore lui qui est à l'initiative de cette autre proposition de loi qui vie à faire reconnaître officiellement par la République française le massacre de plusieurs centaines de Français le jour de la proclamation de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962.

Plusieurs éléments posent cependant question dans ces initiatives législatives portées par le député Lionnel Luca : 

  1. D'abord, pourquoi continuer à utiliser la forme d'une proposition de loi très contraignante et plus compliquée à faire aboutir alors que la constitution prévoit désormais la possibilité d'utiliser le système de résolution mémorielle ? 
  2. Ensuite, que signifie dans l'exposé des motifs de la loi cette référence aux travaux de Guillaume Zeller qui qualifie ces événements de « nouvelle Saint Barthélémy » en précisant que c'est « sa position de journaliste » qui a permis de le massacre d'Oran du « déni historique » ? Le député Lionnel Luca, qui a été professeur d'histoire-géographie pendant 20 ans, aurait-il des raisons de ne pas faire confiance au travail d'histoire et aux historiens ?

 

Réhabiliter la Commune et les Communards 

En avril 2013, nous avions relayé sur ce blog la proposition de résolution mémorielle tendant à la pleine réhabilitation de la Commune et des Communards. Un an plus tard, le dossier n'a pas avancé et le texte n'a toujours pas été débattu en assemblée. Affaire à suivre... 

 

Les mineurs étaient-ils d'anciens combattants ?

Plus récemment, le député du Nord-Pas-de-Calais Stéphane Saint-André a adressé une nouvelle revendication mémorielle au ministre délégué aux anciens combattants et à la mémoire : il souhaite que les mineurs de fond du Pas-de-Calais qui effectuaient leur service militaire après 1957 et qui ont été rappelés dans les mines pour participer à l'effort de guerre soient reconnus du titre d'anciens combattants. 
Pour l'instant, le gouvernement n'a pas encore apporté de réponse à cette revendication.

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22 avril 2014 2 22 /04 /avril /2014 07:50

Abstract: From 1963 to 1982, the Office for the development of the migrations in French overseas departments (BUMIDOM in french) have tried to solve the social and demographic problem of the French overseas departments by sending young people in the mother country, sometimes without the parents' consent. A new resolution of the French National Assembly about remembrance wants to recognize those events and the right of a memory for these children. 

Mardi 18 février 2014, l'Assemblée nationale a adopté une nouvelle résolution mémorielle relative aux enfants réunionnais placés en métropole dans les années 1960 et 1970. Ce texte a non seulement pour ambition de reconnaître l'existence de ces évènements et les responsabilités de l'Etat, mais il introduit aussi une forme de reconnaissance d'un droit à la mémoire pour les citoyens français. 

L'Affaire des "Réunionnais de la Creuse"

Malgré de multiples dénonciations dès sa mise en oeuvre à partir de 1963, la politique migratoire du BUMIDOM (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’Outre-mer) n'apparaît réellement dans l'espace public qu'à partir de 2002 lorsque Jean-Jacques MARTIAL a décidé de porter plainte contre l'Etat pour « enlèvement et séquestration de mineurs, rafle et déportation » après avoir découvert qu'il avait une famille à la Réunion. 

Cette plainte et toutes celles qui l’ont suivie ont été repoussées en raison de la prescription des faits. Néanmoins, un rapport avait alors été demandé à l’inspection générale des affaires sociales par Elizabeth Guigou, ministre de l’Emploi et de la Solidarité. 

Bien que de nombreuses questions restent en suspens, on comprend alors que Jean-Jacques MARTIAL est arrivé en métropole dans les années 1960 au milieu de plusieurs centaines d'autres enfants, du nourisson à l'adolescent, après avoir été séparés de leurs parents dans des conditions parfois obscures. Quand ils ne sont pas lacunaires, les dossiers d'archives ne permettent pas toujours en effet de s'assurer de l'accord conscient et assumé des parents et des enfants. 

Les recherches de l'Inspection générale des affaires sociales permettent cependant de comprendre que les termes de "rafle", "déportation" et "enlèvement" ne répondent pas à la réalité historique de cette politique migratoire mise en oeuvre et justifiée à l'époque par l'Etat comme une réponse à l'explosion démographique et au retard des dispositifs d'aide sociale et sanitaire à la Réunion au début des années 1960. 

Depuis ce rapport publié en 2002, les témoignages se sont multipliés mais les recherches restent encore limitées sur cette question. C'est pourquoi l'un des objectifs de la résolution mémorielle adoptée à l'Assemblée nationale consiste à demander "à ce que la connaissance historique de cette affaire soit approfondie et diffusée". Cela pourrait être notamment l'une des missions du Musée de l'histoire de l'immigration

Vers un droit à la mémoire

L'intérêt de ce texte ne repose cependant pas tant sur son contenu que sur sa forme et sur les conséquences législatives qu'il pourrait entraîner. 

Tout d'abord, il convient de rappeler que l'Assemblée nationale utilise désormais sans complexe ce nouveau moyen d'expression du pouvoir législatif que représente la résolution mémorielleComme nous l'avions déjà expliqué dans un précédent article, cette possibilité a été réintroduite par l’article 34-1 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 qui définit la résolution comme un acte par lequel l’Assemblée émet un avis sur une question déterminée. Face à l'inflation des revendications mémorielles et à l'inexistence d'une politique mémorielle cohérente à l'échelle nationale, les députés ont désormais la possibilité de s'exprimer sur le passé sans entraver la liberté d'opinion et d'expression des citoyens, et plus précisément des historiens.  

Mais le texte adopté par l'Assemblée nationale ne se contente pas d'inviter les historiens à s'emparer de cette question des enfants réunionnais placés en métropole. Il introduit également une forme de droit à la mémoire relativement inédite. 

La résolution commence en effet par ces mots : 

Considérant que l’État se doit d’assurer à chacun, dans le respect de la vie privée des individus, l’accès à la mémoire,
Considérant que les enfants, tout particulièrement, doivent se voir garantir ce droit pour pouvoir se constituer en tant qu’adultes.

Assemblée nationale

 

Bien que le débat à l'Assemblée nationale ait été majoritairement centré autour des Droits de l'Enfant, c'est finalement un droit à la mémoire qui est défendu en conclusion par Mme Dominique BERTINOTTI, ministre déléguée chargée de la famille : 

Un peuple sans mémoire est un peuple sans liberté. Un homme que l’on prive d’une part de sa mémoire est un homme que l’on ampute d’une part de sa liberté. En adoptant cette proposition de résolution, mesdames et messieurs les députés, vous rendrez à tous ces hommes et à toutes ces femmes leur dignité.

Assemblée nationale

 

Or, malgré les demandes insistantes de Christiane Taubira dans ce domaine, il n'existe pas à notre connaissance de texte législatif reconnaissant à ce jour un tel droit à la mémoire considéré dans une perspective aussi large et universelle. 

Il est d'ailleurs à noter que le contenu du texte entre alors en totale contradiction avec la forme de la résolution mémorielle qui s'inscrit dans une perspective déclarative à défaut d'être prescriptive. 

Il ne reste donc désormais plus qu'à attendre que les différents groupes mémoriels prennent conscience de cette nouvelle potentialité de reconnaissance pour réactiver et adapter leurs revendications aux nouvelles dispositions mémorielles ouvertes par l'Assemblée nationale. 

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29 octobre 2013 2 29 /10 /octobre /2013 08:34

L'injonction du "devoir de mémoire" est devenue à la mode depuis les années 1990. Si la plupart des historiens ont pris leur distance avec cette expression, ils n'en ont pas moins interrogé l'émergence et l'omniprésence de cette catégorie dans les usages publics de l'histoire. Cette utilisation est notamment récurrente à l'Assemblée nationale où les députés invoquent régulièrement la mémoire lors des débats, des questions au gouvernement ou bien même dans les projets de lois.

Le "devoir de mémoire" à l'Assemblée nationale : une injonction économique et sociale

Indemniser les pupilles de la Nation par "devoir de mémoire"

Depuis le début de l'année 2013, plusieurs députés de l'UMP ont interrogé le ministère des Anciens combattants sur la possibilité d'un élargissement de la catégorie des "pupilles de la Nation". Le Gouvernement de la France a en effet successivement reconnu le droit à indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et racistes pendant la Seconde Guerre mondiale (décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000) et des orphelins dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie (décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004) sans jamais répondre aux revendications similaires des orphelins dont les parents sont morts pour faits de guerre et reconnus par la mention « Mort pour la France ».

Parmi les députés qui relaient cette demande, trois invoquent explicitement le "devoir de mémoire :

  1. Georges Fenech (UMP - Rhône) qui considère que la catégorie doit être élargie pour "perpétuer le devoir de mémoire".
  2. Dominique Nachury (UMP - Rhône) qui pense que cette décision permettra "d'assurer le devoir de mémoire".
  3. Marcel Bonnot (UMP - Doubs) qui défend la même mesure dans une formule plus solennelle : "Notre Nation n'a pas seulement un devoir de mémoire, elle a également un devoir de reconnaissance et de réparation"

Sans se prononcer sur la légitimité d'une telle revendication, il est intéressant de constater que les députés considèrent le versement d'une indemnité comme une manifestation du "devoir de mémoire", comme si la reconnaissance de ces orphelins par l’État devait obligatoirement se concrétiser par un geste financier.

La réponse du gouvernement permet d'apporter des éléments expliquant cette différence de traitement, mais elle commence aussi par ces mots :

Très attaché au devoir de mémoire et comprenant la détresse et la souffrance de celles et ceux que la guerre a privé de leurs parents, le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants accorde une attention toute particulière à la situation des orphelins de guerre.

Site de l'Assemblée nationale

Cette fois-ci, l'usage de l'expression intervient comme une forme de justification, comme si le gouvernement craignait qu'on lui reproche de ne pas respecter une règle morale tacite.

Des maisons de retrait pour consacrer le "devoir de mémoire"

Plus récemment, c'est le député Thierry Solère (UMP - Hauts-de-Seine) qui a invoqué à nouveau le devoir de mémoire à propos des des établissements publics ou privés de retraite distingués sous le label « Bleuet de France ». Il existe en effet en France un réseau de 76 établissements adhérant à la charte du Bleuet de France et accueillant des anciens combattants et victimes de guerre. Dans sa question au gouvernement, le député indique que ce label a été créé "afin de consacrer le devoir de mémoire".

Encore une fois, l'expression est utilisée sous la forme d'une injonction envers l’État dans le cadre d'un débat relevant de droits sociaux envers les anciens combattants et victimes de guerre.

Le "devoir de mémoire" à l'Assemblée nationale : une injonction économique et sociale

Concrètement, il apparaît évident que le "devoir de mémoire" est invoqué par les députés français pour relayer des revendications strictement économiques et sociales de la part d'associations d'anciens combattants et victimes de guerre. Cette liaison ne se vérifie pas cependant dans le discours officiel de la plupart des associations qui préfèrent généralement ne pas mélanger les deux domaines, distinguant clairement leurs actions "de solidarité" d'une part, et "de mémoire" d'autre part, comme nous pouvons le vérifier sur le site du Bleuet de France mais aussi dans les statuts de l'association nationale des pupilles de la nation, orphelins de guerre ou du devoir.

A défaut d'une définition précise de cette expression, le "devoir de mémoire" fait donc bien l'objet d'usages différenciés en fonction de son auteur et de son contexte d'énonciation, y compris lorsqu'il est censé être invoqué dans un même objectif final.

 

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14 août 2013 3 14 /08 /août /2013 08:38


Dans une question écrite au ministère de l'Intérieur, le député UMP Eric Ciotti attirait l'attention de Manuel Valls sur la multiplication des actes antisémites au cours de l'année 2012, et plus particulièrement depuis les meurtres commis par Mohamed Merah au sein de l'école Ozar Hatorah. Il lui demandait alors de lui préciser les actions que compte entreprendre le Gouvernement pour lutter contre la recrudescence des actes antisémites en France.

La réponse du ministère détaille les dispositifs mis en place à cet effet : loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, mobilisation des services de police et de gendarmerie, sollicitation des correspondants sûreté des commissariats, programme de travaux de sécurisation de bâtiments appartenant à la communauté juive et création d'un poste de délégué interministériel chargé notamment de mettre en œuvre le plan national d'action contre le racisme et l'antisémitisme 2012-2014 dans le cadre du comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme (CILRA).

Ce dernier point nous intéresse plus particulièrement car sur les neuf axes que comptent ce plan national d'action contre le racisme et l'antisémitisme, le ministère a choisi d'insister plus particulièrement sur les mesures "dans les domaines de la formation, de l'enseignement, de la mémoire ou de lutte contre les manifestations d'intolérance sur Internet".

Nous devons donc comprendre que le ministère de l'Intérieur considère la mémoire comme un outil de prévention contre les actes de discrimination, mais aussi contre le terrorisme, ce qui mérite quelques explications.

Le document en question précise d'emblée :

Les initiatives culturelles et mémorielles doivent être utilisées comme une pédagogie de lutte contre la haine raciale sous toutes ses formes. Il s’agit de faire prendre conscience que l’horreur raciste et antisémite n’appartient pas qu’au passé, et qu’au sein de la collectivité chacun peut, et doit, exercer
sa propre responsabilité.

Comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme

Il s'inscrit donc bien dans une perspective mémorielle en mobilisant le passé en résonance directe avec les préoccupations du présent et le prisme de l'émotion ("l'horreur raciste et antisémite").

Campagne de communication du musée de l'Histoire de l'Immigration

Campagne de communication du musée de l'Histoire de l'Immigration

Parmi les propositions formulées par le Comité figurent des actions qui développent plus particulièrement cette dimension mémorielle :

  1. Répertorier et utiliser les initiatives prises par le réseau des musées de France en matière de lutte contre les préjugés, "en particulier dans les régions manquant de lieux de mémoire".
  2. Engager une réflexion sur la mise en réseau des lieux de mémoire consacrés à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, les liens à établir avec les réseaux culturels existants et les initiatives communes en direction des scolaires, des collégiens et des lycéens.
  3. Suivre des cohortes de lycéens et collégiens lors de leur passage au mémorial du camp des Milles afin d'évaluer son effet sur leur prise de conscience des phénomènes collectifs de haine raciale et de leurs mécanismes de formation.
  4. Réaliser un ouvrage grand public décrivant l'apport des diverses civilisations aux différents champs disciplinaires, vendu en librairie et relayé sur les sites de ressources pédagogiques du ministère de l'éducation nationale.

Il est surprenant de constater que pour les auteurs de ce document, les musées constituent une alternative aux lieux de mémoire. Pourtant, si ces deux institutions ont en commun leur rapport au passé, ils ne sont pas vraiment censés répondre aux mêmes objectifs mémoriels.

On peut également s'étonner d'une certaine forme de naïveté dans la nature des propositions. Il est certes rassurant de constater que le gouvernement propose enfin des mesures de prévention en parallèle des dispositifs de répression. Cependant, quels vont être les bénéfices réels de ces propositions pour les enfants et les adolescents ? Que va devenir ce répertoire des musées et des lieux de mémoire s'il n'est pas prévu de dégager des moyens pour permettre aux élèves de les visiter ? Que va devenir cet "ouvrage grand public" s'il n'est finalement disponible qu'en librairie et non pas dans les CDI des établissements scolaires ?

Comme souvent, la dimension mémorielle de l'action publique risque donc rapidement de se transformer en caution pseudo-pédago-citoyenne sans grand moyen, et finalement sans grand effet.

A titre d'exemple, il suffit de comparer les dispositifs mis en place par les gouvernements français et britanniques pour commémorer le centenaire de la Grande Guerre.

Le territoire français ayant été le lieu des principales batailles, la France occupera une place centrale dans l'organisation et l'accueil des cérémonies commémoratives internationales.

Le Royaume-Uni a donc décidé de débloquer un budget de 5.3 millions de livres afin de permettre à au moins deux élèves de chaque école publique de participer à une visite des principaux champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Ils auront notamment pour mission à leur retour de faire partager leurs découvertes à leurs camarades.

A l'inverse, en France, les rapports, les missions, les "cartables virtuels" et dossiers pédagogiques se sont succédés pour aboutir au mois de juin 2013 à cette note de service du ministère de l’Éducation nationale qui cadre les orientations pédagogiques autorisées et recense les différentes ressources et partenaires en précisant :

Les projets labellisés pourront éventuellement recevoir un soutien de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale en appui des financements traditionnels.

Ministère de l'Education nationale

En somme, les enseignants français sont encouragés à participer à des concours, à lancer des projets autour des mémoires européennes, "à associer les élèves aux cérémonies et manifestations locales ou nationales"... mais sans moyens garantis !

Au final, mes élèves qui auront travaillé pendant une année sur les mémoires croisées de la Première Guerre mondiale entre la France, l'Angleterre et la République Tchèque devront probablement regarder les cérémonies à la télévision pendant que leurs correspondants étrangers seront en France pour visiter les musées et les champs de batailles.

La mémoire peut donc être considérée comme un outil efficace de l'action publique en France. Elle ne constitue pas une réponse unique à tous les problèmes mais elle est un vecteur important des politiques d'intégration, de lutte contre les discrimination, d'éducation à la citoyenneté... à condition d'y consacrer quelques moyens pour des actions concrètes et précises plutôt que de se cantonner à l'invocation.

Mise à jour (14/08/13) :
Henry Rousso nous a transmis cette vidéo d'une conférence donnée en 2012 sur l'antisémitisme et la mémoire de l'Holocauste en France où il met en parallèle les étapes d'une mémoire de l'Holocauste très présente depuis les années 1990 et la montée inexorable de l'antisémitisme.
Sa conclusion est sans appel : les politiques de la mémoire ne freinent pas la montée du racisme !
Peut-être pourrions-nous préciser : les politiques de la mémoire telles qu'elles sont actuellement men
ées...

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25 juillet 2013 4 25 /07 /juillet /2013 09:56

 

A l'approche du centenaire de la Première Guerre mondiale, les commémorations s'organisent progressivement : les cérémonies se planifient à l'échelle nationale et internationale,  un site Internet a été créé pour l'occasion, les médias se mettent en ordre de bataille pour produire documentaires et autres émissions thématiques, le monde de l'édition prépare plusieurs centaines de publications et même l'Education nationale propose des concours et référents "mémoire" dans les différentes académies. Bref, tout est en ordre pour une période commémorative à la hauteur du bicentenaire de la Révolution française en 1989.

 

Centenaire-14-18.jpg

 

Tout... ou presque ! Le député UMP du Nord Gérald Darmanin a interpelé le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants au mois d'octobre 2012 sur " la place réelle des diverses associations d'anciens combattants, qui existent sur notre territoire, dans l'élaboration de ces commémorations et dans les travaux de la mission interministérielle".

La réponse est pour le moins surprenante car les services de Kader Arif signalent que "la nature et la forme de la liaison avec des structures permanentes, comme les associations, et de leur participation aux travaux de réflexion n'ont pas encore été définies". En somme, à quelques mois du début des commémorations et malgré un travail de réflexion officiellement lancé en 2011  sous l'autorité de Joseph Zimet, aucun organigramme précis des acteurs devant intervenir n'a véritablement été dressé !...

 

D'autres éléments de la réponse du ministère méritent qu'on s'y arrête.

En guise d'introduction, le texte rappelle que la mission interministérielle des anniversaires des deux Guerres mondiales a été créée par décret n°2012-1305 du 26 novembre 2012 afin d'impulser et de coordonner les deux cycles commémoratifs "qui s'imposent à notre pays dans les prochaines années". Ainsi, l'acte commémoratif ne relèverait pas selon le gouvernement d'un choix politique mais bien d'un d'une obligation immanente envers le passé ou, en d'autres termes, une sorte de "devoir de mémoire".

Bien que de nombreuses critiques se soient élevées pour dénoncer l'association dans une même mission de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, les services du ministères rappellent que les commémorations de ces deux évènements resteront liées, tout en insistant néanmoins sur leurs spécificités respectives : d'une part, "le centenaire sera le moment de l'entrée de la Grande Guerre dans l'histoire partagée des Français" ; d'autre part, "le 70e anniversaire sera le dernier grand rendez-vous entre les Français et les derniers témoins d'une page d'histoire qui a profondément marqué notre nation".

Une telle affirmation n'est pas sans poser question. Elle sous-entend que la Première Guerre mondiale n'était jusqu'à présent pas entrée dans "l'histoire partagée des Français" au motif que tous les anciens combattants de cette époque ne s'étaient pas encore éteints. Dans le même esprit, les commémorations de la Seconde Guerre mondiale ne peuvent être considérées que comme "un rendez-vous entre les Français et les derniers témoins" à défaut d'être l'occasion d'écrire et de renouveler aussi l'histoire de cet évènement.

Un joli camouflet à  Jean-Jacques Becker, Stéphane Audoin-Rouzeau, Jean-Yves Le Naour, Henri Rousso, Robert Paxton, Jean-Pierre Azéma et les dizaines d'autres historiens qui ont cru pendant des années qu'ils avaient écrit l'Histoire de la Première et de la Seconde Guerre mondiale alors que ces évènements n'étaient pas encore entrés dans l'histoire selon le gouvernement.  A moins qu'il ne faille simplement donner un cours d'historiographie aux membres du cabinet du ministre délégué aux Anciens Combattants afin de réviser quelques notions...

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20 avril 2013 6 20 /04 /avril /2013 07:43

 

Jamais un livre n'a été autant dans l'actualité. En mars 2013, Eric Fournier publiait un ouvrage sur les usages politiques de la Commune (La Commune n'est pas morte, Libertalia).

Le lundi 8 avril 2013, la présidence de l'Assemblée nationale a enregistré  une proposition de résolution visant à rendre justice aux victimes de la répression de la Commune de Paris de 1871.

 

La Commune n'est pas morte

 

Pourquoi une "résolution" et pas une "loi" ?

Cette possibilité a été introduite par l’article 34-1 de la  loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 qui définit la résolution comme un acte par lequel l’Assemblée émet un avis sur une question déterminée. Il s'agit en quelque sorte d'un moyen d'expression alternatif laissé à l'Assemblée nationale lorsque le recours à une loi n'est pas jugé nécessaire. Le texte est cependant examiné, débattu et voté en séance par les députés.

L'utilisation de cette voie juridique s'explique par une histoire éminemment liée aux questions mémorielles qui est résumée dans le  rapport d'information sur les questions mémorielles remis en 2008.

Il est en effet précisé dans ce document que c'est sous la Cinquième République que les assemblées parlementaires ont perdu une grande partie de leurs pouvoirs mémoriels, comme l’organisation des obsèques et funérailles nationales ou les transferts au Panthéon. Elles perdent aussi "le pouvoir de voter des résolutions, pouvoir dont elles avaient précédemment usé en matière d’hommage et de commémoration". Or, toujours selon ce rapport, l'émergence des lois mémorielles s'expliquerait par cette limitation des pouvoirs du Parlement dans le domaine mémoriel que les députés auraient décidé de contourner par l'usage de textes plus prescriptifs. Pierre Nora ne s'y était d'ailleurs pas trompé en 2008 lorsqu'on lui avait demandé son avis sur la  loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien : "C’est une résolution, pas une loi" ! La forme purement déclarative de ce texte ne laisse en effet guère de doute.

C'est donc en partie pour des motifs mémoriels que la voie juridique des résolutions a été rétablie en 2008. Dans l'esprit du législateur, cette méthode permet de "préserver l'expression du Parlement sur le passé" sans recourir au langage pénal, et donc sans entraver la liberté d'opinion et d'expression des citoyens, et plus précisément sans menacer le travail des historiens.

 

Des mémoires politiques à défaut d'une politique des mémoires

S'il n'est donc théoriquement plus possible aujourd'hui de dénoncer l'immixtion du pouvoir législatif dans la science historique, on peut néanmoins s'interroger sur cette farouche volonté du pouvoir politique à se prononcer solennellement sur les questions historiques et mémorielles. A l'exception de quelques sujets idéologiquement sensibles, on s'aperçoit d'ailleurs que dans ce domaine, les différents partis politiques se rejoignent.

Cette tendance irrépressible du Parlement à se prononcer ponctuellement sur des sujets historiques est l'une des conséquences les plus évidentes de l'inflation mémorielle qui touche nos sociétés occidentales. En votant régulièrement de tels textes, le pouvoir législatif n'entraîne aucune action concrète (soutien à la recherche historique, éventuel dédommagement des victimes, lutte contre le négationnisme...). Il se contente seulement de répondre à une revendication mémorielle suffisamment cohérente pour faire entendre sa voix dans l'hémicycle. Du point de vue des groupes mémoriels qui portent ces demandes, le vote d'une résolution est d'ailleurs vu comme une étape importante d'une construction mémorielle parmi d'autres (constitution en association, organisation de commémorations locales, puis nationales, relais dans des discours politiques locaux et nationaux, construction d'un lieu de mémoire, etc.).

Le vote d'une résolution mémorielle à l'Assemblée nationale dépend donc énormément du contexte politique (majorité plus ou moins favorable ou proximité des élections législatives), voire géopolitique (volonté de faire passer un message à la Turquie concernant le génocide des Arméniens) et mémoriel (cheminement suffisamment abouti d'une revendication pour la présenter aux députés).

Rares sont cependant les députés qui essaient de prendre du recul sur cet acte législatif mémoriel. On pourrait pourtant s'interroger sur l'utilité d'un tel vote au-delà de la simple réponse (souvent électoraliste) à une revendication. A quoi cela va-t-il servir ? Suis-je dans mon rôle de législateur pour m'exprimer ainsi sur l'histoire ? Suis-je bien certain de répondre à une problématique nationale et de ne pas être l'objet de pressions communautaires ? Telles sont les questions que nous aimerions être débattues à l'occasion de l'étude prochaine de ce texte à l'Assemblée nationale et qui permettraient peut-être de fixer les premières bases de ce qui pourraient devenir une politique des mémoires cohérente.

 

Pourquoi rendre justice aux victimes de la répression de la Commune de Paris de 1871 ?

L'exposé des motifs avancés par les députés pour défendre cette résolution relève de la rhétorique émotionnelle présente dès la première phrase : "L’histoire peut faire son œuvre sans que justice soit rendue à ses victimes".

Si l'on retire le vernis d'émotion, il reste des faits assez simples : l'Assemblée nationale souhaite réhabiliter des hommes, des femmes et des enfants qui ont été tués lors de la répression de la Commune ou condamnés par la justice militaire à la suite de cette insurrection. 

Or, cette décision pose plusieurs questions :

   1. L'Assemblée nationale (pouvoir législatif) peut-elle remettre en cause, même plusieurs dizaines d'années plus tard, la décision d'un tribunal (pouvoir judiciaire), et en l'occurrence ici de conseils de guerre sans faire une entorse à l'indispensable séparation des pouvoirs de notre démocratie ? 

   2. Quelles est l'utilité d'une telle décision en 2013 alors que l'Assemblée nationale a déjà voté en mars 1879 une loi d'amnistie partielle, puis le 11 juillet 1880 une loi d'amnistie générale concernant ces condamnations ?

 

Les rédacteurs de cette proposition semblent être conscients de ces contradictions et c'est pourquoi ils ont choisi la voie de la résolution plutôt que la réhabilitation judiciaire ou bien la révision qui nécessitent que la justice se saisisse du dossier.

Les possibilités d'une grâce ou d'une nouvelle amnistie ont également été envisagées par les législateurs qui les ont repoussées car elles ne répondent pas totalement aux objectifs mémoriels des porteurs de cette revendication. il ne s'agit pas seulement en effet d'annuler l'effet de condamnations individuelles (ce qui a déjà été accordée en 1879 et 1880), mais plutôt de rendre collectivement hommage à un groupe persécuté pour ses idées et son engagement en 1871, mais que la lecture contemporaine de l'histoire place désormais au rang de martyr.

On comprend donc assez clairement que cette proposition de loi répond à des objectifs purement idéologiques et politiques. C'est ce qui explique peut-être aussi qu'une telle résolution soit possible alors que  la demande d'une réhabilitation des fusillés pour l'exemple (pourtant soutenue par plusieurs associations) patine depuis plusieurs années dans les couloirs de l'Assemblée nationale.

Eric Fournier peut donc dès à présent se pencher sur l'écriture d'un nouveau chapitre en prévision d'une réédition de son ouvrage.

 

PS : L'une des conséquences du vote de cette résolution sera peut-être la multiplication d'actes similaires à ceux que nous mentionnions  en septembre 2009 dans les rues de Dijon où un "boulevard Thiers" avait été rebaptisé "boulevard Duval" (fin de l'article).

 

Actualisation du 21 avril 2013

Eric Fournier nous signale cette tribune parue le 18 mars 2013 dans Libération qui présente les motivations des auteurs de cette résolution.

 

Actualisation du 26 avril 2013

Une résolution mémorielle  Pour la réhabilitation de la Commune et des Communards vient d'être déposée par le groupe Communiste, Républicain, Citoyen (CRC) au Sénat. Bien que son objet soit globalement similaire, l'exposé des motifs et le texte de résolution présente des différences.

 Une pétition circule également sur Internet,  une manifestation a déjà été organisée à Paris le 18 mars 2013 et une autre est prévue le 25 mai 2013 à l'instigation des Amis de la Commune de Paris 1871.

 

Actualisation du 18 mai 2013

Eric Fournier propose une analyse de ces propositions mémorielles sur le site Aggiornamento. Il replace notamment cette initiative dans une chronologie plus large de l'histoire mémorielle de la Commune.  

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7 avril 2013 7 07 /04 /avril /2013 08:14

 

Ces dernières semaines, les questions mémorielles ont encore été à l’honneur sur les bancs de l’Assemblée nationale. Cette omniprésence est d’autant plus surprenante que l’actualité mémorielle n’a pas été particulièrement vive et qu’aucun évènement particulier n’est venu cristalliser les revendications.

 

Plusieurs interprétations permettent cependant d’expliquer cette situation :

    - Les réponses ministérielles tardives à des questions posées avant, pendant, et après la visite d’Etat du Président de la République en Algérie en décembre 2012 et qui avait suscité de nombreuses réactions dans le domaine mémoriel.

    - L’existence d’un lobbying mémoriel efficace qui transparaît très régulièrement et assez lisiblement dans les demandes des députés,

    - Enfin, de façon générale, l’importance des questions mémorielles dans notre société qui s’expriment inévitablement dans un des lieux les plus emblématiques de la représentativité nationale.

 

L’objectif de cette chronique est d’essayer de synthétiser les dizaines de demandes formulées pour en saisir les principaux enjeux, ainsi que les limites révélatrices de notre système mémoriel national.

 

assemblee-nationale 

Blocage récurrent sur les archives des Français d’Algérie

Le député UMP du Rhône Georges FENECH a interrogé le ministre des Affaires étrangères sur les archives de l’état civil des Français originaires d’Algérie restées majoritairement en Algérie et dont trois cinquième seulement sont disponibles sous forme de microfilms en France.

Il demande à ce que le gouvernement reprenne les négociations « pour une éventuelle numérisation des deux cinquième des actes restants » au prétexte que « la préservation de la mémoire des Français d'Algérie semble compromise par cette perte de patrimoine national et familial ».

Le ministre rappelle que des négociations ont commencé dans ce sens à l’occasion de la visite d’Etat en Algérie du président Jacques Chirac en 2003, qu’une nouvelle proposition a été faite aux autorités algériennes en 2007, et que le dialogue a repris lors de la visite d’Etat du président François Hollande en décembre 2012. Or, à chaque fois, « le projet s’est heurté à des difficultés » et les demandes sont « restées sans suites ».

Il est assez surprenant de constater l’imprécision de la réponse ministérielle n’expliquant pas la nature des difficultés rencontrées. Un autre député pourrait peut-être se charger de préciser la question en espérant obtenir une réponse moins floue.

 

 

Mémoire des Harkis, un passé qui ne passe pas en Algérie

Le député du Vaucluse Jacques BOMPARD a interpellé le ministre des Affaires étrangères sur le sort des Harkis qui rencontrent toujours des difficultés à se rendre dans leur pays natal en raison de la mémoire de leur rôle durant la guerre d’Algérie.

Sa demande s’accompagne d’une comparaison étonnante avec la France qui « facilite l'arrivée de nouveaux Algériens sur son sol par l'octroi de visas », ainsi que d’une proposition de solution reposant sur l’établissement « de nouvelles relations avec l'Algérie, fondées sur la vérité et la cohérence historique ».

Doit-on comprendre que dans l’esprit de Jacques BOMPARD, les relations franco-algériennes sont fondées sur un mensonge et une incohérence historique ? Si oui, lesquelles ?

De même, sa comparaison avec la politique migratoire française signifie-t-elle qu’il envisage des mesures de rétorsion spécifiques à l’égard des candidats algériens à l’immigration ?

 

Devant l’ambiguïté de ces interrogations, la réponse du ministre reste prudente, rappelant le discours de François Hollande au parlement algérien en décembre 2012 dans lequel il a appelé à la vérité historique sur le déroulement de la guerre d’Algérie et à l’ouverture des frontières entre les citoyens de ces deux pays.

Il rappelle au passage les actions de reconnaissance de la responsabilité de la France concernant les Harkis, notamment l’institution d’une journée d'hommage national aux Harkis (25 septembre), la reconnaissance « à plusieurs reprises d’une part de responsabilité dans les massacres de 1962 en Algérie », « des mesures symboliques, sociales et pécuniaires en faveur de cette communauté dont l'engagement appartient pleinement à la mémoire nationale », notamment par l’intermédiaire de « la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, qui inclut spécifiquement les supplétifs de l'armée française et assimilés, et qui mentionne les massacres commis après le 19 mars 1962 en violation des accords d'Evian »… Une façon assez consensuelle de rappeler que la France met tout en œuvre pour reconnaître le rôle particulier de cette communauté dans son passé national, mais qu’il lui est impossible d’exiger de l’Algérie qu’elle accorde le pardon sans risquer de crisper des relations diplomatiques déjà tendues autour de ces questions mémorielles.

 

C’est ensuite au ministre des Anciens combattants d’assurer le service après-vente de cette question de « la reconnaissance de la responsabilité de la France dans les traitements infligés aux anciens combattants harkis, pendant et après la guerre d'Algérie » qui ne semble pas satisfaire le député UDI Rudy SALLES.

Il retrace donc la chronologie des actions menées par le gouvernement français, montrant ainsi à quel point la question des Harkis a été au centre des politiques mémorielles depuis le début des années 2000 :

    - 2001 : création d'une journée d'hommage national, destinée à témoigner à ces anciens combattants la reconnaissance de la République pour leur engagement au service de la France et les épreuves qu'ils ont endurées et apposition de plaques commémoratives dans des « lieux emblématiques ».

    - Décret du 31 mars 2003 instituant une « Journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives », fixée le 25 septembre de chaque année.

    - Loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des rapatriés et prévoyant « une augmentation régulière au 1er octobre de chaque année de cette allocation pour les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives et assimilées, ainsi que pour leurs veuves », leurs orphelins ou bien des aides multiples à l’éducation, la formation et l’insertion professionnelle pour leurs enfants.

    - Décret du 3 août 2010 : création d'une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie (dont l’orientation contestée actuellement fait l’objet d’un bilan d’étape en vue d’une réorganisation prochaine).

    - 27 février 2012 : loi visant à sanctionner pénalement les injures et diffamations à l'encontre des membres des formations supplétives.

    - 25 décembre 2012 : Discours du Président de la République reconnaissant la faute de la France en ces termes : « Il y a cinquante ans, la France a abandonné ses propres soldats, ceux qui lui avaient fait confiance, ceux qui s'étaient placés sous sa protection, ceux qui l'avaient choisie et qui l'avaient servie ».

 

 

Conflits autour des mémoires de la guerre d’Algérie

Le député du Nord Marc DOLEZ relaie assez directement une revendication de la  Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA) qu’il cite directement dans sa question concernant les noms des victimes figurant sur le mémorial national du quai Branly à Paris. Il demande ainsi au ministre « s'il entend prendre des mesures pour ne voir figurer sur le mémorial national à Paris que les noms des seuls militaires et supplétifs « Morts pour la France » en Afrique du nord », considérant donc que ce n’est actuellement pas le cas et que certains noms n'auraient pas leur place sur ce monument. 

 

Mémorial guerre d'Algérie

 

Le ministre rappelle encore une fois la chronologie de ce mémorial afin d’en comprendre le fonctionnement et les enjeux mémoriels :

    - 5 décembre 2002 : inauguration en hommage aux combattants (militaires et supplétifs) morts pour la France en Afrique du Nord.

    - 2006 : une nouvelle stèle est érigée près du mémorial afin d’afficher les noms des personnes disparues et des populations civiles victimes de massacres ou d'exactions commis durant la guerre d'Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d'Evian, ainsi que les victimes civiles des combats du Maroc et de la Tunisie. Cette décision est la conséquence directe de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

    - 2009 : affichage sur le mémorial des noms des « victimes civiles françaises innocentes » de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie.

    - 26 mars 2010 : inscription, le, à l'occasion d'une cérémonie associative, des noms des victimes de la fusillade de la rue d'Isly à Alger du 26 mars 1962.

    - 5 octobre 2010 : circulaire formalisant la procédure à suivre pour l’ajout de nouveaux noms.

    - 2011 : décision visant à organiser l’ajout de nouveaux noms sur le mémorial. Les colonnes latérales bleue et rouge sont réservées aux seuls militaires et civils tués dans l'exercice de leur fonction au service de l'État, déclarés morts pour la France, tandis que la colonne centrale blanche rassemble les noms des victimes civiles.

    - 28 février 2012 : 1 585 noms de disparus d'Afrique du Nord sont inscrits sur la colonne centrale du mémorial.

 

Malgré cette distinction assez claire, certains semblent encore s’offusquer de la présence des victimes civiles aux côtés des combattants « morts pour la France » et le député Marc LOHEZ s’en fait l’écho à la tribune de l’Assemblée nationale.

 

 

Comment gérer l’inflation des journées mémorielles ?

Le député Jean-Jacques CANDELIER intervient régulièrement sur les questions mémorielles à l’Assemblée nationale. Cette fois-ci, il revient sur la question de la journée nationale d'’hommage aux morts pour la France souhaitée par l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy.

Encore une fois, le député reconnaît être le porte-parole de revendications associatives, et notamment ici de l’Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC) qui affirme que s’il est indispensable « de rendre hommage à tous les combattants de la guerre de 1914-1918, le 11 novembre de chaque année », « hommage doit être rendu aux anciens combattants de chaque guerre à la date historique de la fin de ces conflits afin de permettre d'en exposer aux populations les causes, les effets et les conséquences dans le but de leur permettre d'agir pour empêcher les drames, les injustices, les massacres, les exactions, les crimes de guerre et toutes les atteintes à la dignité humaine ».

Selon Jean-Jacques CANDELIER et l’ARAC, les journées commémoratives jouent un rôle pédagogique en rappelant chaque année les causes et les conséquences des principaux conflits. Les supprimer reviendrait à « supprimer l'information de la population sur la mémoire historique » et « encourager l'oubli, privant la population de connaissances sur son passé qui fonde son existence nationale et dont elle a un besoin permanent pour faire face aux questions vitales auxquelles elle se trouve confrontée ».

Il propose donc non seulement le maintien de toutes les commémorations actuelles, mais aussi d’instituer une nouvelle journée nationale de mémoire consacrée le 27 mai de chaque année « au souvenir de la résistance antinazie à travers les actions du Conseil national de la résistance et de son programme » et enfin de conserver la date du 19 mars de chaque année comme date de célébration officielle du cessez-le-feu en Algérie qui permit de mettre fin à la guerre et de rendre hommage à toutes ses victimes.

 

Le ministre rappelle que la proposition de Nicolas Sarkozy a été instituée par la loi n° 2012-273 du 28 février 2012 fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France. Il précise cependant l’article 1er « dispose que cet hommage ne se substitue pas aux autres journées de commémoration nationales ».

Comme il l’avait fait auparavant, le ministre rappelle qu’il est aujourd’hui difficile d’inscrire la date du 27 mai dans un calendrier national qui compte déjà quatre journées commémoratives liées à la Seconde Guerre mondiale et qu’il interviendra auprès du ministre de l'Éducation nationale afin que le Conseil National de la Résistance prenne toute sa place dans l’enseignement de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale à l’occasion du 70ème anniversaire de sa création en 2013. Force est de constater qu’à quelques semaines de la fin d’année scolaire, les enseignants d’histoire n’ont reçu aucune directive en ce sens.

 

Le ministre rappelle enfin qu’il est conscient du doublon existant entre les commémorations du 19 mars et celles du 5 décembre. Il renvoie cependant le législateur face à ses responsabilités en précisant que « rien n'empêche en effet qu'un même événement ou une même population fasse l'objet de deux commémorations au cours d'une année ».

Bref, il reconnaît implicitement que l’inflation mémorielle pose actuellement des problèmes très concrets d’organisation et de sens, mais que la pression des groupes mémoriels est tellement forte que toute tentative de rationalisation dans ce domaine est vouée à l’échec.

 

 

Offensives répétées pour une journée nationale de la Résistance

La revendication relayée par Jean-Jacques CANDELIER ci-dessus a fait l’objet d’une proposition de loi débattue à l’Assemblée nationale, mais aussi au Sénat.

Outre l’exposé traditionnel des faits historiques, la discussion au Sénat permet de poursuivre le débat sous la voix du rapporteur Jean-Jacques MIRASSOU qui concède que « certains esprits chagrins, une fois de plus, ont estimé que l’adoption d’une telle proposition de loi ferait courir le risque d’un « encombrement » du calendrier mémoriel ».

Ce à quoi il répond « qu’aucune commémoration officielle, qu’il s’agisse de la journée nationale de la déportation, du 8 mai, du 18 juin ou du 16 juillet, n’est dédiée spécifiquement au Conseil national de la Résistance et, d’une manière plus générale, à la Résistance ».

Dois-je préciser à M. MIRASSOU qu’aucune commémoration officielle n’est dédiée spécifiquement à la déportation pour motif d’homosexualité ? Ni aux victimes de l’Inquisition ? Ni aux victimes de la chasse aux sorcières ? S’agit-il simplement de vouloir une journée nationale pour qu’elle devienne légitime ?

 

Autre argument avancé par Jean-Jacques MIRASSOU : « un sondage CSA publié en juillet 2012 fait ressortir que 67 % des jeunes de quinze à dix-sept ans et 60 % des jeunes de dix-huit à vingt-quatre ans ignorent ce que fut la rafle du Vél’ d’Hiv ». On ne comprend pas bien ici en quoi l’instauration ’une journée nationale de la Résistance permettrait de résoudre cette lacune alors que la journée nationale de la déportation n’y est pas parvenue.

Ce sondage est d’ailleurs prétexte à cibler la jeunesse pour laquelle cette nouvelle journée permettrait d’accéder à « un niveau de connaissance du passé lui permettant d’appréhender dans les meilleures conditions son propre avenir en retenant les leçons de l’histoire ».

Encore une fois, je m’étonne que les députés et les sénateurs soient si prompts à considérer qu’une journée commémorative puisse avoir des vertus pédagogiques, sans jamais s’inquiéter par ailleurs de la diminution des horaires d’enseignement en histoire qui conduisent à étudier la Seconde Guerre mondiale en quelques dizaines de minutes.

 

 

Un hochet pour les acteurs de la mémoire

L’existence d’une forte activité de lobbying est peut-être la plus évidente dans ces revendications honorifiques (mais aussi parfois pécuniaires) au profit des acteurs de la mémoire nationale en France.

Ainsi, le député socialiste Jean-Paul BACQUET a interrogé le ministre chargé des Anciens combattants sur « la disparition [depuis 1963] du mérite combattant » qui « ne permet plus de récompenser les personnes se distinguant par leur engagement et leur dévouement dans le soutien, la défense et la gestion des intérêts des anciens combattants ». Il demande donc « la restauration de l'ordre du mérite combattant ou à défaut la création d'une décoration spécifique (médaille) ».

Dans la même perspective, le député UMP Alain MARLEIX (qui fut secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants en 2007 et 2008) interroge son successeur sur « l'intérêt de créer une médaille du monde combattant [qui] honorerait et récompenserait les personnes bénévoles qui s'investissent sur le terrain, avec force et fierté, pour participer au devoir de mémoire ».

 

La réponse du ministre est similaire pour ces deux revendications. Il rappelle que « l'ordre du Mérite combattant, qui avait été institué par décret du 4 septembre 1953, était destiné à récompenser les personnes qui s'étaient distinguées par leur compétence, leur activité et leur dévouement dans le soutien, la défense et la gestion des intérêts moraux et matériels des anciens combattants et victimes de guerre, notamment comme dirigeants nationaux, départementaux et locaux des associations et œuvres ayant cet objet ». Cette distinction a certes disparu mais « les responsables d'associations d'anciens combattants et victimes de guerre peuvent être distingués dans l'ordre national de la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite, au titre des contingents du ministère en charge des anciens combattants, dès lors qu'ils exercent des activités au sein des instances dirigeantes de leur association, au niveau national ou régional, pour le premier ordre national, et régional ou départemental, pour le second ordre national ».

Le ministre précise par ailleurs que les services de son ministère étudient actuellement la possibilité d’élargir l’accès aux deux ordres nationaux « une catégorie méritante d'acteurs du monde combattant associatif, notamment au niveau local » au regard « des demandes récurrentes formulées par des associations d'anciens combattants pour honorer ces personnes ».

 

Sur la même question, il faut également noter l’édition récente d’un rapport visant à élargir les conditions d’attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l’armée française totalisant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1er juillet 1964 ou en opérations extérieures.

 

Bref, dans ce domaine, les propos de Napoléon n’ont pas pris une ride : « Je vous défie de me montrer une république, ancienne ou moderne, qui savait se faire sans distinctions. Vous les appelez les hochets, eh bien c’est avec des hochets que l’on mène les hommes ».

 

 

Un bilan vers la modernisation de la politique de la mémoire combattante

Au début de son mandat, Nicolas Sarkozy avait qu’il serait possible de pouvoir simplifier et moderniser la politique mémorielle française. Il avait finalement reculé devant les multiples contestations outragées, au sein même de son camp.

Le député UMP Jean-Pierre GIRAN semble pourtant penser qu’il faille aujourd’hui retenter cette expérience et demande au ministre des Anciens Combattants de faire un bilan de cet effort de modernisation.

Force est de constater au regard de cette chronique qu'une remise à plat de la politique mémorielle française devient urgente !

 

Cependant, le ministre botte en touche en rappelant l’existence de huit fondations (La Fondation de la France libre, la Fondation de la Résistance, la Fondation pour la mémoire de la Déportation, la Fondation Charles de Gaulle, la Fondation pour la mémoire de la Shoah, la Fondation de Lattre, la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie et la Fondation du camp des Milles) qui constituent selon lui une forme de modernisation répondant « pour partie au problème du vieillissement des structures associatives combattantes ».

Il propose par ailleurs de « franchir une nouvelle étape » en proposant la création d’un « Haut Conseil auprès du ministre délégué dont l’une des sections regrouperait les fondations et les associations de mémoire ».

Pas sûr que cela synonyme d’une réelle modernisation…

 

 

Réhabiliter les fusillés pour l’exemple

Ce dossier est récurrent à l’Assemblée nationale. Il est aujourd’hui réactivé par le député socialiste Vincent FELTESSE qui s’étonne que « plus de 90 ans après les faits, le mouvement engagé par des associations, telles que la Libre pensée, la Ligue des droits de l'Homme, la Ligue de l'enseignement ou l'Association républicaine des anciens combattants, n'a pu aboutir qu'à quelques dizaines de réhabilitations isolées » quand « d'autres pays tels que le Canada, l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande et l'Irlande ont réhabilité collectivement leurs soldats fusillés pour l'exemple par voie législative ».

Le ministre confirme la récurrence du sujet en rappelant que le 11 novembre 1918, le Premier ministre Lionel Jospin avait déjà souhaité que « ces soldats, "fusillés pour l'exemple" au nom d'une discipline dont la rigueur n'avait d'égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd'hui, pleinement, notre mémoire collective nationale ! ». Il souligne le fait que ce dossier a fait « de la part des différents gouvernements qui se sont succédés, l'objet de nombreuses prises de position en faveur de la réhabilitation des « fusillés pour l'exemple » de la Première Guerre mondiale » sans qu’aucune décision n'ait été prise.

Mais il ne s’engage lui-même qu’à faire « un premier pas symbolique dans ce dossier en attribuant, à l'occasion de la commémoration du 11 novembre 2012, la mention « mort pour la France » au lieutenant Jean Chapelant, fusillé pour désertion le 11 octobre 1914 dans la Somme après avoir été installé sur un brancard improvisé adossé au poteau d'exécution, alors qu'il avait été blessé, fait prisonnier et s'était évadé » et en promettant de « poursuivre ce travail de mémoire » sans promettre non plus de réelle décision collective.

 

 

Les questions en attente de réponse

Nicolas DUPONT-AIGNAN, député de l’Essonne, s’interroge sur la mémoire des appelés du contingent ayant trouvé la mort en Algérie entre 1953 et 1962 et propose qu’on leur décerne la Légion d’honneur à titre posthume.

Il attise notamment les tensions en rappelant par ailleurs que le Président de la République s’est engagé lors de son déplacement en Algérie à attribuer 50 000 cartes de combattants, avec les pensions afférentes, à des anciens combattants algériens ayant servi la France. « Il lui demande, avant d'instruire les dossiers de ces combattants de l'autre rive de la Méditerranée, de bien vouloir privilégier la mémoire des combattants français en décernant la Légion d'honneur à titre posthume à tous les fils de France tombés en Algérie ».

Décidément, la guerre des mémoires algérienne n’est pas prête de s’arrêter ! 

 

Le député UMP Christian ESTROSI souhaite obtenir davantage d’informations sur la proposition contenue dans le rapport sur la refondation des politiques d'intégration consistant à organiser une commémoration solennelle autour d'un mur du souvenir, démontrant le profond attachement de l'armée et de la Nation aux illustres anciens de toutes confessions et de toutes origines.

On s’interroge aussi, avec Christian ESTROSI sur le devenir de ce rapport remis au Premier ministre le 1er février 2013 qui propose d’utiliser la mémoire comme outil d’intégration dans certains quartiers dits « sensibles ».

Il invite donc non seulement d’organiser une commémoration démontrant le profond attachement de l’armée et de la nation aux illustres anciens de toutes confessions et de toutes origines, mais aussi de prévoir qu’ « une fraction de la ressource mobilisée pour tout projet de rénovation urbaine soit systématiquement consacrée au recueil, à l’exposition et à la conservation de sa mémoire, pouvant comprendre l’édification préalable d’un lieu de mémoire, en association avec les habitants et sous l’égide de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration ».

Bien que cette expérience n’apparaisse pas dans ce rapport, des expériences de ce type ont été testées dans l’agglomération dijonnaise et nous l’avions déjà chroniqué à l’époque…

 

Le député UMP Claude STURNI se fait l’avocat d’une revendication associative en signalant que les subventions de l’Etat français à l’association Pèlerinage Tambov ont tellement diminué qu’elles ne permettent plus l’envoi de jeunes en Russie sur le site d'inhumation de Tambov afin d’assurer son entretien. Ces lieux de mémoire rendent hommage aux incorporés de force (aussi appelés « Malgré-nous ») de l’armée allemande.

 

La députée UMP Catherine Vautrin interpelle le Premier ministre pour connaître ses intentions quant au transfert des cendres de Maurice Genevoix au Panthéon dans le cadre des commémorations du centenaire de la Grande Guerre en préparation. Si le dossier est régulièrement évoqué dans les préparatifs, la décision finale ne semble en effet pas totalement actée.

 

On s’étonne enfin que le député UMP François VANNSON repose encore une fois le 19 février 2013 une question sur le choix de la date du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, considérant que la date du 5 décembre est « une date consensuelle, recommandée par des historiens, et qui permet de commémorer le souvenir des morts en Algérie, au Maroc et en Tunisie ».

A l’inverse, son collègue socialiste Hervé FERON interroge le ministre des Anciens Combattants « sur le maintien de la journée de commémoration du 5 décembre, instaurée par décret du 26 septembre 2003 » car « il ne comprend pas la volonté du Gouvernement de conserver cette date ».

Décidément, le dossier risque de faire couler encore beaucoup d’encre.

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19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 09:20

 

Outre la longue session consacrée au "mariage pour tous" qui a donné lieu à des manifestations mémorielles particulièrement marquantes, l'Assemblée nationale a également travaillé sur d'autres thématiques mémorielles tout aussi passionnantes.. et souvent surprenantes ! 

 

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Enseigner le "devoir de mémoire" avec les archives militaires et archives départementales

La question posée par M. François Cornut-Gentille, député UMP de Haute-Marne, est pour le moins surprenante. Ce dernier interroge le ministre de l'Education nationale sur  le "devoir de mémoire" en ces termes :

"L'importance du souvenir des sacrifices consentis par des générations anciennes pour défendre le territoire et les valeurs de la France est une priorité qui transcende les clivages politiques. Plusieurs organismes et administrations contribuent à animer ce devoir de mémoire, parmi lesquels l'éducation nationale, le service historique de la défense ou les différentes archives départementales. Les archives conservées par le SHD ou les conseils généraux constituent un socle pédagogique extrêmement riche. En conséquence, il lui demande de préciser les actions entreprises par son ministère pour encourager les enseignants d'histoire à exploiter les archives militaires et/ou départementales avec leurs élèves, dans le cadre du devoir de mémoire".

 

D'abord, on s'étonne qu'un député qui s'interroge sur ces questions utilise aussi légèrement l'expression de "devoir de mémoire" alors que cette dernière a fait l'objet de multiples mises au point historiographiques depuis plusieurs années. S'il n'est désormais plus vraiment question de condamner cette injonction au souvenir qui constitue une manifestation mémorielle récurrente, il est cependant admis depuis quelques années que l'expression doit être utilisée avec prudence et parcimonie. Il n'est d'ailleurs pas anodin de constater que la réponse des services du ministère utilise l'expression de "travail de mémoire" plutôt que celle utilisée dans la question.

Dans la formulation de sa question, M. François Cornut-Gentille semble considérer que les enseignants d'histoire seraient les animateurs naturels du "devoir de mémoire". Bien que  les actions dans ce domaine soient de plus en plus nombreuses, il convient de rappeler au député que cette mission n'est pas celle des professeurs d'histoire qui, comme leur dénomination l'indique, doivent d'abord enseigner une science fondée sur l'analyse critique et non pas diffuser un regard émotionnel sur le passé.

Ce qui est encore plus surprenant, c'est que M. Cornut-Gentille en appelle aux services des archives pour entretenir ce "devoir de mémoire" alors que ces documents sont par définition à la source de la science historique.

Sur ce point, la réponse du ministère de l'Education nationale se contente d'énumérer les innombrables concours proposés aux élèves au cours de leur scolarité sans vraiment se prononcer sur la question de l'encouragement des enseignants d'histoire à exploiter les archives militaires et/ou départementales avec leurs élèves. On aurait pourtant pu signaler l'existence de nombreux enseignants détachés pour plusieurs heures dans les centres d'archives afin d'animer des services éducatifs.

D'ailleurs, une simple recherche sur l'Internet permet de vérifier que les archives départementales de la Haute-Marne (département d'élection de M. Cornut-Gentille) est pourvu d'un tel service qui explique avoir "pour mission d’introduire les archives dans le milieu scolaire, d’en favoriser la connaissance et l’utilisation"...Internet, c'est parfois plus rapide et efficace qu'une question à l'Assemblée nationale !

 

A noter également que la question de la mémoire a l'école semble intéresser très fortement les députés puisque M. Georges Fenech, député UMP du Rhône, vient de poser une question au ministre de l'Education nationale où il s'inquiète que "les commémorations n'attirent que très peu de jeunes" et affirme qu'il "est de notre devoir de ne pas laisser les générations à venir ne voir que sous l'aspect des matières scolaires les conflits actuels et passés".

Ainsi donc, l'enseignement de l'histoire serait nuisible aux jeunes s'il n'était pas accompagné d'une communion émotionnelle autour de la mémoire des grandes guerres !!! Et de demander "l'organisation d'une journée annuelle nationale de la mémoire dans les établissements scolaires" en plus des multiples manifestations qui sont déjà proposées dans le cadre scolaire avec le soutien du ministère de l'Education nationale.

Les collègues apprécieront cette délicate marque de confiance envers leur travail ainsi recouvert de suspicion.

 

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Commémorer la Guerre d'Algérie

Nous avions évoqué lors de la précédente chronique une demande des députés concernant la multiplication des journées commémoratives relatives à la Guerre d'Algérie.

En effet, le 5 décembre est déjà considéré comme la Journée nationale d'hommage aux "morts pour la France" pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie

Par ailleurs, la loi du 28 février 2012 dispose que la mémoire de tous les morts pour la France soit honorée le 11 novembre.

Dès lors, le député Jacques Bompard s'interrogeait sur la proposition du groupe socialiste du Sénat d'officialiser le 19 mars 1962 comme date de la fin de la guerre d'Algérie et journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc. 

Depuis, cette proposition a été acceptée, validée par le Conseil constitutionnel et publiée au Journal officiel de la République française du 7 décembre 2012.

 Dans sa réponse, le ministère des Anciens Combattants ne nie pas ce doublon, voire cette triplette, mais rappelle que "rien n'empêche en effet qu'un même événement ou une même population fasse l'objet de deux commémorations au cours d'une année" tout en renvoyant le législateur à ses responsabilités.

A bon entendeur...

 

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Commémorer la Résistance

Mme Catherine Beaubatie, députée socialiste de Haute-Vienne, avait interpellé le 6 novembre 2012 le ministre délégué chargé des anciens combattants, sur le projet de création d'une journée nationale de la résistance :

"Certes, la date du 18 juin a été reconnue comme symbole de la résistance dans notre pays. Cependant, la date du 27 mai, celle de la création du Conseil national de la résistance en 1943, proposée par de nombreuses associations d'anciens combattants, serait également un symbole très fort de l'engagement des représentants d'une génération entière, qui ont accepté le sacrifice pour défendre la démocratie et la liberté. Cette date est parfois célébrée au niveau régional, notamment en Limousin, au niveau local et départemental".

 

Cette question n'est pas anodine et révèle avec force les enjeux de la construction mémorielle.

D'un côté, la France entretient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale une mémoire de la Résistance éminemment liée au destin du général De Gaulle présenté comme l'homme providentiel.

De l'autre, de nombreuses associations souhaiteraient justement minimiser cette personnification à outrance pour rappeler l'importance des mouvements très largement composés d'anonymes.

Par sa réponse, on comprend que le ministère a fait le choix de la tradition en rappelant que "par son appel symbolique lançant les bases « d'une flamme qui ne s'éteindra pas », le général de Gaulle a refusé la défaite et appelé à poursuivre le combat". Cependant, il est précisé que cette date symbolique liée au destin du général De Gaulle doit être l'occasion de rappeler aussi que "dès juin 1940 des Français ont refusé de se résigner à la défaite". Il s'agit donc de rendre hommage au général, tout en mentionnant l'engagement collectif du peuple français. 

 

Au passage, il est annoncé que le 70e anniversaire de la création du CNR sera "un point fort de la célébration de la Résistance en 2013" et que le ministère des Anciens Combattants interviendra auprès du ministre de l'éducation nationale afin que le Conseil national de la Résistance "prenne toute sa place dans l'enseignement de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale".

Doit-on comprendre par cette phrase que le ministre entend intervenir dans le contenu des programmes ? Décidémment, il va bientôt falloir augmenter les horaires d'enseignement de l'histoire si chacune des revendications exprimées par les députés ce mois-ci sont exaucées.

 

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Commémorer les morts des opérations extérieures (OPEX)

Des militaires français sont engagés dans ce que l’on appelle les Opex, les opérations extérieures. Il s’agit d’interventions des forces militaires françaises en dehors du territoire national. Elles se déroulent en collaboration avec les organisations internationales (l’ONU et l’OTAN) et les armées locales. Les opérations récentes en Afghanistan et au Mali rappellent que ces interventions font régulièrement des victimes parmi les troupes françaises.

Selon le député Jean-Michel Villaumé (Socialiste - Haute-Saône), "alors que les combattants tombés au combat lors des grandes guerres bénéficient dans chaque commune de notre pays de véritables lieux de mémoire, ces militaires tombés sur le front n'ont pas de tels lieux de commémoration".

Le ministère des Anciens Combattants lui oppose un démenti formel en rappelant que "les noms des « morts pour la France » au cours des opérations extérieures ont pu, dès l'origine, figurer sur ces monuments, à la suite des noms des victimes des précédents conflits du XXe siècle. La loi n° 2012-273 du 28 février 2012 fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France rend désormais obligatoire l'inscription du nom de la personne militaire ou civile à qui a été attribuée la mention « mort pour la France », sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation ou encore sur une stèle placée dans l'environnement immédiat de ce monument. La demande d'inscription est adressée au maire de la commune choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l'Offiice national des anciens combattants et victimes de guerre par l'intermédiaire de ses services départementaux, ou les associations d'anciens combattants et patriotiques ayant intérêt à agir".

Le ministère en profite également pour annoncer qu'il a "décidé de faire ériger un monument nominatif dédié aux morts en opérations extérieures. La Ville de Paris ayant donné son accord pour que le monument soit implanté à proximité de l'hôtel national des Invalides, place Vauban, une consultation a été lancée le 27 septembre 2012 pour aboutir au choix d'un projet pour lequel une dotation de 1 M€ est prévue dans le projet de loi de finances pour 2013".

Bref, encore un nouveau lieu de mémoire !

 

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Une nouvelle loi mémorielle ?

C'est un marronnier de l'Assemblée nationale qui ressort cette fois-ci sous la plume des députés Valérie BOYER, Olivier AUDIBERT-TROIN, Marcel BONNOT, Charles de LA VERPILLIÈRE, Guy TEISSIER et Dominique TIAN.

Il s'agit cette fois-ci d'une proposition de loi visant à punir par une amende et/ou une peine de prison ceux "qui auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence dans les conditions visées par le sixième alinéa de l’article 24 en contestant, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence ou la qualification juridique d’un ou plusieurs génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre notoires dont la liste chronologique suit :

– Esclavage et traite ;

– Génocide arménien ;

– Crimes visés par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945.

Vaudra contestation, au sens du présent article, la négation, la banalisation grossière ou la minimisation desdits crimes, de même que l’usage de tout terme ou signe dépréciatif ou dubitatif pour les désigner, tel que “soi-disant”, “prétendu”, “hypothétique” ou “supposé”."

 

A titre d'exemple, si cette loi avait été en vigueur au moment où j'ai dirigé mon ouvrage sur la déportation pour motif d'homosexualité en France, je serais actuellement en prison avec mes collègues puisque nos travaux ont notamment permis de montrer que les allégations diffusées pendant plusieurs décennies concernant un soi-disant, prétendu, hypothétique et supposé (Bingo !) "homocauste" étaient tout à fait exagérées tant du point de vue des chiffres que du vocabulaire utilisé pour désigner ce qui demeure néanmoins une terrible opération de persécution des homosexuels européens.

 

Je m'interroge également sur l'utilisation de l'expression "banalisation grossière" censée tomber sous le coup de la loi. Ne peut-on pas considérer en effet que l'idée saugrenue de confier la mémoire d'enfants juifs à de jeunes écoliers constitue une forme de "banalisation grossière" du génocide des juifs d'Europe ? Dès lors, j'aurais peut-être eu un ancien président de la République comme compagnon de cellule...

 

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Une reconnaissance mémorielle des Harkis

C'est la demande de Mme Luce Pane, député socialiste de Seine-Maritime, qui affirme "la nécessité pour la République de reconnaître les erreurs dramatiques commises envers les harkis et qui, aujourd'hui encore, impactent le devenir des 500 000 harkis et descendants de harkis présents en France".

Visiblement, le discours de François Hollande au Parlement algérien en décembre 2012 ne lui a pas suffit et elle souhaite une déclaration plus solennelle.

La réponse du ministre des Anciens Combattants n'est pas encore publiée.

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2 janvier 2013 3 02 /01 /janvier /2013 10:54

 

Au fil des quelques 250 articles que compte désormais ce blog, nous avons montré que le phénomène mémoriel est omniprésent : dans les rues, dans les discours, dans les musées, dans les médias, au cinéma, à l'école...

L'un de nos sujet de prédilection demeure néanmoins les manifestations mémorielles dans le domaine politique. En 2012, nous nous étions amusés avec Mémorice de France à recenser et commenter chacune de leurs apparitions durant la campagne électorale. Depuis quelques mois, nous travaillons également à mieux comprendre et actualiser  la théorie du Point Godwin.

 

Désormais, nous suivrons aussi régulièrement les manifestations de la mémoire dans un lieu aussi emblématique que l'Assemblée nationale qui a été à l'origine de nombreuses polémiques mémorielles. Nous espérons ainsi pouvoir déceler la dimension mémorielle de certaines lois en préparation, identifier les groupes de pression à l'oeuvre dans l'hémicycle, et comprendre les logiques mémorielles portées par nos députés.

 

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Il apparaît tout d'abord que la plupart des manifestations mémorielles à l'Assemblée nationale s'exprime sous la forme de questions posées aux ministres par les députés. La réponse est parfois très tardive...

 

Commémorer le traité de Paris

Jean-David SIOT, député des Bouches-du-Rhône, a demandé le 6 novembre 2012 au Ministre des Affaires Étrangères si  le gouvernement français a l'intention de commémorer le traité de Paris du 10 février 1763 qui a mis fin à la guerre de Sept Ans entre la France et la Grande-Bretagne en cédant au pouvoir britannique des territoires et des populations françaises de Nouvelle-France (actuels Quebec, Louisiane et Acadie).

Le gouvernement rappelle en réponse que la France entretient "des liens particulièrement étroits avec l'Amérique du Nord, et en particulier avec ses communautés francophones". Un colloque sera organisé en novembre 2013 sur les traités de 1763 et 1783 par  la commission franco-québécoise des lieux de mémoire communs en partenariat avec le ministère des affaires étrangères, le ministère de la défense et les archives nationales. Le gouvernement se dit cependant prêt à examiner d'autres initiatives qui pourraient émaner des autorités nord-américaines concernées.

La réponse est pour le moins étonnante car le gouvernement semble considérer qu'un colloque  constitue une manifestation mémorielle. Nous avons déjà évoqué cette situation à plusieurs reprises sur ce blog car il s'agit en effet d'une réalité pratique : de nombreux colloques sont organisés pour motifs mémoriels qui permettent souvent de trouver plus facilement des financements.

Il paraît également surprenant de constater que le gouvernement souhaite examiner des initiatives qui émaneraient exclusivement "des autorités nord(américaines concernées" : doit-on comprendre par cette formule que la France n'aurait pas la légitimité pour organiser de telles commémorations ? Le gouvernement souhaite-t-il s'épargner l'idée de commémorer une cession de territoire ? Il faut reconnaître que la situation est pour le moins originale. Bien que la France ait conservé des liens culturels étroits avec les populations francophones d'Amérique du Nord, commémorer le traité de Paris revient à commémorer un conflit à l'issue duquel la France sort affaiblie et perd une grande partie de ses colonies ( lire le traité ici)

 

Commémorer La Boëtie

Germinal PEIRO, député de Dordogne, a demandé le 23 octobre 2012 au ministre de la Culture et de la Communication d'ajouter la commémoration de la mort en 1563 du poète français Étienne La Boëtie (originaire de Dordogne...) dans la liste des célébrations nationales établie par la direction du patrimoine du ministère de la culture.

La réponse indique que la mort d'Etienne de la Boëtie a bien été retenue par le Haut comité des Commémorations nationales et qu'une notice lui sera consacrée dans le prochain Recueil imprimé des Commémorations nationales : "cette notice, ainsi que la liste des manifestations culturelles organisées autour de la mémoire et de l'oeuvre d'Étienne de La Boétie, seront également accessibles sur le site Internet des Commémorations nationales". Force est de constater qu'à la date du 2 janvier 2012,  ce n'est pas encore le cas sur le site en question....

 

Commémorer Bigeard... ?

Parfois, la réponse tardive du ministre ne peut que faire sourire. Le 11 septembre 2012, Philippe Meunier, député du Rhône, demandait au ministre de la Défense la date du transfert des cendres du général Bigeard aux Invalides après que le gouvernement vietnamien ait refusé qu'elles soient dispersées au-dessus du champ de bataille de Dien Biên Phù.

Le ministre de la Défense répond dans une jolie formule qu'il a décidé le transfert des cendres du général Bigeard  au mémorial national des guerres en Indochine de Fréjus, "en plein accord avec sa famille et dans le respect des différentes mémoires qui lui sont attachées".

Fort heureusement,  le croisement des sources permettra aux futurs historiens de comprendre un tel décalage entre la question et la réponse puisque le projet de transfert des cendres aux Invalides avait été décidé par le gouvernement précédent et qu'il a suscité une polémique invitant le nouveau ministre à réviser un tel projet.

 

Commémorer la guerre d'Algérie

La visite d'Etat de François Hollande en Algérie a suscité de nombreuses questions à l'Assemblée nationale. Elles sont assez symptomatiques de l'influence de la dimension mémorielle dans le travail de nos députés qui posent des questions dans le contexte de cette visite alors qu'elles auraient du être posées en amont afin de préparer la rencontre.

La dimension mémorielle repose également sur la répétition des questions identiques qui semblent être l'oeuvre d'un groupe de pression mémoriel ayant adressé des courriers à l'ensemble des députés.

Ainsi, cinq députés demandent au ministre de la Justice de reprendre les négociations avec les autorités algériennes  afin que les archives des anciennes colonies du Maghreb restées sur place soient récupérées.

Deux députés demandent également au gouvernement ce qu'il envisage au sujet des anciens combattants nés en Algérie et morts au combat dans ce même pays entre 1953 et 1962. La loi prévoit en effet l'inscription du nom du défunt sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation ou sur une stèle placée dans l'environnement immédiat de ce monument. Or, pour les anciens combattants d'Afrique du nord, morts pour la France, nés et enterrés en Algérie française, la loi est de fait inapplicable. Les négociations à ce sujet risquent d'être sensibles avec les autorités algériennes mais témoigneraient d'une réelle volonté de tourner la page d'une histoire difficile.

Marietta KARAMANLI, député de la Sarthe, attire quant à elle l'attention du gouvernement sur  les corps disparus des soldats français tués en Algérie. La question demeure cependant très floue car la députée évoque les problèmes de localisation de ces corps et l'attente d'informations sur les circonstances de leur disparition... tout en demandant leur rapatriement !!!

Enfin, Daniel GOLDBERG, député de Seine-Saint-Denis, pose une question très intéressante sur  la multiplication des dates commémoratives relatives à la Guerre d'Algérie. Le conseil constitutionnel vient en effet de valider la loi instituant la reconnaissance officielle du 19 mars comme « Journée nationale du souvenir et du recueillement, en mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie ». Or, la date du 5 décembre pour la « commémoration en hommage aux morts d'Afrique du Nord » instituée par le décret du 23 septembre 2003 reste en vigueur, multipliant et complexifiant encore davantage la question des commémorations.

 

Commémorer la Première Guerre mondiale

Jean-Yves LE DEAUT, député de Meurthe-et-Moselle, pose la question récurrente des fusillés pour l'exemple à l'approche du centenaire de la Grande Guerre et s'interroge sur la possibilité d'une réhabilitation demandée depuis plusieurs années, acceptée par plusieurs présidents de la République et Premiers ministres successifs, sans que la décision effective ne soit jamais prise.

Comme Jean-Yves LE DEAUT, nous nous sommes interrogés à plusieurs reprises sur ce blog sur cette question des fusillés pour l'exemple (d'abord  en mars 2012, puis en avril 2012) et nous attendons la réponse du ministre avec impatience.

Les députés Jean-Jacques CANDELIER, François ASENSI, Marie-George BUFFET, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE et Jacqueline FRAYSSE ont déposé le 12 décembre 2012 une proposition de loi visant à abroger l’article 1er de la loi n° 2012-273 du 28 février 2012 fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France. Cette décision annoncée par Nicolas Sarkozy en 2011 et assumée par François Hollande en 2012 n'a cependant guère de chance d'être acceptée.

 

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