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C'est Quoi ?

  • : Histoire, Mémoire et Société (ISSN : 2261-4494)
  • : Ce blog se propose tout d'abord de recenser et d'analyser les réminiscences régulières de la mémoire dans notre actualité. Il vise aussi à rassembler différentes interventions d'historiens, mais aussi d'autres spécialistes, sur le rôle et les conséquences de la mémoire dans nos sociétés. Enfin, des réflexions plus fouillées sont proposées ponctuellement sur les manifestations de la mémoire dans les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. ISSN : 2261-4494
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C'est Qui ?

  • Mickaël BERTRAND
  • Citoyen, historien et enseignant, j'ai souhaité partager sur ce blog mes réflexions quotidiennes sur la place de l'histoire et de la mémoire dans l'actualité nationale et internationale.
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Cherche La Pépite

11 septembre 2008 4 11 /09 /septembre /2008 08:49

Lundi 1er septembre 2008, le juge espagnol Baltasar Garzon a lancé une demande d'information préliminaire à propos des disparus du franquisme. Son objectif est de permettre aux familles de victimes d’ouvrir enfin des recherches sur les membres de leur famille disparus durant la guerre civile espagnole (1936-1939) et pendant la période du franquisme (1939-1975). Une telle décision pourrait paraître a priori banale tant elle semble logique et légitime. Pourtant, elle illustre un long processus mémoriel en marche depuis quelques années au sein de la communauté ibérique et qui est loin d’être suivi à l’échelle internationale.

 

En octobre 2007, le chef du gouvernement socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, avait déjà fait passer une loi pour la réhabilitation des victimes du franquisme. Cette loi dite de la "mémoire historique" a accru les droits des familles de victimes, en obligeant les administrations à collaborer pour rechercher les disparus. Exploitant à fond cette nouvelle disposition législative, le juge Baltasar Garzon entend bien faire ouvrir sans exception toutes les archives qui pourraient apporter des renseignements sur le sort de leurs aïeuls : l’Eglise espagnole est donc invitée à fournir les registres de décès de ses 22 827 paroisses, mais c’est aussi le cas pour le ministère de la Défense, pour les municipalités, et toute autre administration.

 

Une telle décision doit être mise en perspective avec la tentative récente des sénateurs français de prolonger certains accès aux archives. Ainsi, au début de l’année 2008, le gouvernement avait proposé un projet de loi permettant de réduire l’accès à certains documents. Or, l’initiative n’avait pas été du goût de la majorité des sénateurs qui, sous prétexte de l’allongement de la durée de vie, souhaitaient en fait prolonger certains accès. (Voir le tableau récapitulatif des documents et délais proposés). Une telle initiative aurait obligé les archivistes à remettre sous clef certains documents tant attendus et désormais consultables, notamment concernant la guerre d’Algérie. Fort heureusement, un collectif d’historien avait alors vivement réagi et fait reculer les prétentions des sénateurs.

 

A travers ces deux exemples, ce sont en fait deux conceptions différentes de l’histoire et de la mémoire qui s’opposent. Au sud des Pyrénées, le législateur a considéré que la vérité historique pouvait constituer un facteur d’apaisement mémoriel de l’ensemble de la communauté national. Au nord de ces mêmes montagnes, les élus auraient préférer jeter un voile bien étanche sur le passé proche, considérant que la population doit être protégée de ce que les archives pourraient leur dire. Ce contraste est d’autant plus surprenant qu’a priori, l’Espagne aurait davantage à craindre des révélations sur son passé fasciste qui s’est prolongé bien au-delà de toutes les autres nations européennes. Et pourtant…la chaste République aurait finalement bien plus de secrets de polichinelles que la dictature assumée !

 

L’Espagne va donc entreprendre un vaste recensement de l’ensemble des victimes de son passé afin de mieux leur rendre hommage ; tandis qu’en France, on prétexte des revendications communautaristes, on prétend protéger la vie privée,… pour finalement esquiver un passé qui ne veut décidément pas passer dans sa globalité.

 

Je commence à regretter de ne pas avoir fait « Espagnol LV2 » au collège… Même en histoire, il y a plus de boulot à l’étranger…

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5 septembre 2008 5 05 /09 /septembre /2008 07:37

Mouammar Kadhafi, dirigeant libyen, a annoncé dans la nuit du dimanche 31 août et du lundi 1er septembre qu’il allait supprimer l’administration. Selon lui, cette méthode, certes radicale, serait la meilleure solution pour mettre fin à la corruption sans cesse dénoncée à tous les échelons de l’Etat. L’argent issu du pétrole serait alors directement distribué au peuple qui vivrait sans structure publique.

 

Cette information, trouvée au détour d’une revue de presse, ne semble pas avoir retenu outre mesure l’attention des journalistes français. Je pense tout simplement que ces derniers ne parviennent pas encore à mesurer les conséquences que pourraient avoir une telle mesure si elle était réellement appliquée. La suppression de l’administration, dans la bouche de Kadhafi, signifie en fait la disparition de tous les ministères qui ne concernent pas la souveraineté nationale. C’est donc la fin de l’éducation, d’une éventuelle politique de santé, des travaux publics et de l’aménagement du territoire. En somme, la Libye deviendrait un Etat qui rassemble des hommes, sans leur donner les moyens et les structures de rester ensemble.

 

Bien entendu, une telle mesure serait tout aussi catastrophique pour les libyens que pour l’ensemble de la planète. Depuis la création de l’humanité, l’homme, cet animal social par définition, n’a cessé de vouloir s’organiser, de se donner des règles et des chefs pour mieux vivre en communauté. Bien que l’antiquité grecque ne fût pas dépourvue d’organisation sociale, nous pouvons considérer que la cité d’Athènes représente encore aujourd’hui le modèle primitif de démocratie participative directe (qui fonctionnait avec quelques milliers de citoyens seulement…). L’exploit complètement givré qu’entend réaliser Mouammar Kadhafi serait de retrouver cet "idéal" démocratique avec une communauté d’environ 6 millions d’habitants !

 

Cette fois encore, il ne faut pas négliger la part importante de stratégie politique dissimulée derrière cette annonce. Par l’intermédiaire d’un tel projet, Kadhafi se désolidarise des administrations républicaines (si, si, je vous assure ! Officiellement, la Libye est une République…) critiquées par le peuple et il leur propose un modèle alternatif complètement utopique qui risque de semer le chaos dans tout le pays. Dès lors, il pourra se présenter comme le « sauveur » du pays et envisager une dictature populaire complètement délivrée de ces obligations républicaines.

 

Il n’en demeure pas moins que l’alternative proposée au peuple est intéressante en termes de régime d’historicité. Les libyens semblent avoir atteint un niveau tel d’appréhension face à l’avenir qu’ils seraient prêts à envisager un retour un arrière de plusieurs siècles sur l’organisation publique de leur société. Il ne s’agit plus seulement de nostalgie, d’un phénomène de patrimonialisation tel qu’on peut l’observer en France. Dans ce cas précis, les hommes sont prêts à reconnaitre qu’ils n’ont peut-être pas emprunté la bonne voie de l’évolution et, plutôt que de continuer, ils décident de rebrousser chemin.

 

Affaire à suivre…

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4 septembre 2008 4 04 /09 /septembre /2008 10:53

Mouammar Kadhafi est décidément bien populaire auprès des dirigeants européens. Après s’être offert le luxe de poser en photo à Versailles devant le portrait de Louis XIV, le dictateur Libyen entend bien ne plus se contenter seulement de poser en acteur de l’histoire, mais aussi de participer très directement à l’écriture de cette dernière.  

En visite en Libye, le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a annoncé qu’il s’engageait à verser 200 millions de dollars par an (et ceci pendant 25 ans : soit une somme totale de 5 milliards) afin de « tourner définitivement la page du passé ».

 

Quelle surprenante intention ! En France, nous connaissons bien ces intrusions et pressions multiples du pouvoir politique sur l’écriture de l’histoire. Les lois mémorielles, les différents discours de Sarkozy sur la repentance, ou encore les tentatives parlementaires d’instaurer l’enseignement des aspects positifs de la colonisation…ont suscité de nombreux débats et réactions !

Mais jamais l’Etat français ne s’est engagé directement à verser de l’argent à ses anciennes colonies (même si nous pouvons constater qu’il a conservé des relations commerciales étroites et privilégiées avec celles-ci).

 

Pourquoi et comment l’Etat italien peut-il envisager une telle possibilité ?

 

Tout d’abord, il faut préciser que ces versements se feront sous forme d'investissements dans des projets d'infrastructure et non par rétributions directes. Dès lors, nous pouvons nous demander s’il ne s’agit pas d’un moyen diplomatique détourné pour capter les potentialités du marché libyen (Nicolas Sarkozy doit regretter que ses prédécesseurs n’aient pas colonisé ce pays… les italiens lui confisquent habilement un marché pour lequel il a fourni tellement d’efforts).

La méthode n’en reste pas moins surprenante et Silvio Berlusconi applique une stratégie intéressante. Pense-t-il vraiment qu’une somme d’argent, aussi importante soit-elle, suffit à tracer un trait sur l’histoire ? Pense-t-il que les historiens italiens et libyens vont désormais expurger les manuels et les livres de cette difficile période coloniale ? Un document quelconque a-t-il été signé par l’autorité libyenne s’engageant à ne plus reprocher publiquement à l’Italie ses anciennes prétentions coloniales ?

 

Tout ceci est peu probable et il semble que le dossier se résume en fait à une vaste question d’argent, de commerce et d’affaires. Il est pratiquement certain que jusqu’alors la communauté libyenne, marquée par le souvenir des prétentions italiennes, boycotte plus ou moins consciemment les produits transalpins et freinent l’installation d’entreprises italiennes.

Par ce geste symbolique, Silvio Berlusconi et Mouammar Kadhafi n’entendent pas nécessairement effacer cette période de leurs histoires nationales communes. Ils tentent seulement (sic) d’en changer la signification et la lecture nationale.

En somme, l’objectif n’est pas si différent que celui des parlementaires français qui ont tenté d’inscrire dans la loi les aspects positifs de la colonisation. Il s’agit d’un acte davantage politique qu’historique. S’alignant sur la temporalité extrêmement changeante des relations diplomatiques internationales contemporaines, le politique souhaiterait abolir la lenteur du processus social mémoriel. Il y a là une disjonction temporelle qui pose actuellement un problème à tous les Etats. N’était-ce d’ailleurs pas l’objet du procès politique de la « repentance » intenté par Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle ? Cet homme que l’on sait si pressé et pragmatique ne cherche-t-il pas par de telles manœuvres à faire fi des considérations historiques qui le ralentissement lors de ses tractations diplomatiques ?

 

Pour l’instant, la résistance historienne tient bon. Mais jusqu’à quand ?

Et puis au fait, vouloir imposer une lecture de son histoire et de sa mémoire à un peuple, ça ne s’appellerait pas de la propagande par hasard… ?

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3 septembre 2008 3 03 /09 /septembre /2008 09:28

Au mois d’avril 2008, des associations de lutte pour les droits de l’homme et des associations d’homosexuels avaient dénoncé ensemble le logiciel Ardoise qui proposait aux policiers de remplir par informatique des dépôts de plainte indiquant des informations telles que  « permanent syndical », « sans domicile fixe », « homosexuel ». Après quelques semaines de résistance, sommée de s’expliquer auprès de la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), Michèle Alliot-Marie avait été contrainte de reculer et d’abandonner cet outil qu’elle avait mis en place sans aucune concertation avec les autorités compétentes.

Cet été, profitant encore une fois de la période estivale pour ne susciter aucun débat public, le gouvernement récidivait sa tentative par un décret publié au Journal Officiel du 1er juillet 2008. Ce dernier autorisait alors la mise en place d’un nouveau fichier policier se présentant sous le prénom innocent d’EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale). Il a pour objectif de recenser toute personne « ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif »… En somme, tout le monde est plus ou moins concerné par cette définition voulue très vague. Les mineurs n’en sont pas exclus puisque ce fichage prendra effet dès l’âge de 13 ans. Last, but not least…cet outil permettra de compiler des renseignements sur l’état civil, les déplacements, l’appartenance ethnique, la vie sexuelle, les opinions politiques, philosophiques, religieuses, les appartenances syndicales et associatives, mais aussi des photographies.

 

Jusqu’à présent, point d’histoire dans cette affaire qui n’en suscite pas moins l’indignation du citoyen. Ce sont en revanche les actes de militance de quelques associations d’homosexuels qui ont introduit dans ce dossier des aspects historiques. Il s’agit plus précisément du Collectif contre l’homophobie (CCH), présidé par Hussein Bourgi, qui commettait le 14 avril 2008 un communiqué de presse où il rappelait que « sans remonter à la période sombre de la Seconde Guerre mondiale pendant laquelle des membres de certaines minorités furent fichés et déportés, nous voulons rappeler le fichage (par les brigades mondaines) et le harcèlement policier subi par de nombreuses personnes (notamment homosexuelles) des années 50 aux années 70 ».

De telles affirmations m’ont particulièrement et personnellement attristé car, en octobre 2007 (bien avant que toute cette affaire éclate), j’avais invité Hussein Bourgi à un colloque que j’organisais à l’Université de Bourgogne sur la déportation pour motif d’homosexualité en France. Au cours de cette manifestation, je présentais aux côtés de spécialistes français de cette question (Florence Tamagne, Marc Boninchi et Arnaud Boulligny), les conclusions de deux années de recherches sur la thématique spécifique du fichage des homosexuels avant et pendant l’occupation. Or, toutes les archives administratives démentent rigoureusement l’existence d’un fichier national des homosexuels à cette époque. Au contraire, les maires de Cannes et de Nancy qui mettent en place en 1939 des fichiers locaux afin de recenser les homosexuels de leurs villes qui se livrent à la prostitution (et uniquement ceux-là) sont vivement rappelés à l’ordre par le ministre de l’Intérieur Albert Sarrault qui considère que de telles dispositions sont « contraire à l’ordre public » et qui leur ordonne par l’intermédiaire des préfets d’arrêter immédiatement cette pratique.

Certes, quelques fichiers ont été malgré tout conservés. Notamment, la surveillance fût maintenue dans le port de Toulon où il s’agissait alors de protéger la réputation des marins militaires français attaquée par des organes de presse antimilitaristes et communistes ; c’était également le cas dans la ville provinciale de Dijon où, entre 1920 et 1936, un brigadier semble s’être fait le spécialiste de la surveillance des homosexuels. Son activité n’était pourtant nullement consignée sous une autre forme que divers procès verbaux. A aucun moment il n’a obtenu l’autorisation de concrétiser ses contrôles nocturnes par la constitution d’un fichier de recensement des homosexuels dijonnais. Au contraire, lors de l’arrêt de ses fonctions, personne ne poursuit son œuvre.

 

Historiquement parlant, il n’est donc actuellement pas permis d’affirmer que la déportation des homosexuels français ait eu pour origine l’existence d’un fichier préexistent. J’ai donc poursuivi mon analyse afin de comprendre pourquoi, pendant de longues années, une telle thèse avait pu être véhiculée sans que personne ne songe à la contester. C’est alors que j’ai mis en place les premiers éléments théoriques de ce processus que je désigne désormais comme une « construction mémorielle ». Au cours des années 1970, alors qu’ils faisaient effectivement l’objet de surveillances étroites suite à l’apparition des premiers mouvements contestataires de libération homosexuelle, les précurseurs du militantisme homosexuel moderne ont été confrontés pour la première fois à l’histoire de la déportation de leurs prédécesseurs, jusqu’alors laissée aux oubliettes. D’obscures liaisons mentales se sont ainsi effectuées. Dans un souci de marquer la continuité entre le passé et le présent, les fondateurs du Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar) n’ont pas hésité à qualifier la disposition prise sur la discrimination de la majorité sexuelle des homosexuels par le régime de Vichy et perpétuée par le gouvernement provisoire de « loi Pétain – De Gaulle ». Dans la même logique, les homosexuels français des années 1970 ont donc pensé être les victimes d’une persécution policière similaire… alors que les faits et le contexte étaient tout à fait différents.

 

Aujourd’hui, c’est cette dérive mémorielle qui persiste et qui conduit parfois à des approximations. Ainsi, Hussein Bourgi répondant en juin 2008 aux questions du journal Têtu qui l’interrogeait sur les exemples de fichage des homosexuels ayant existé par le passé : « Le fichage a conduit des millions de personnes dans les camps de déportation et d’extermination pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce fut le cas des Juifs et d’autres catégories de victimes. Le sujet est beaucoup trop sérieux pour le réduire à une controverse récente sur le fichage ou l’absence de fichage des homosexuels en France pendant cette période ».

Je me suis senti quelque peu concerné par cette accusation de « controverse » mais je ne peux que répéter encore et toujours, sous l’autorité des archives administratives, que pour l’instant rien ni personne n’est en mesure de présenter des preuves que la déportation des homosexuels français ait été commise par l’intermédiaire d’un fichier.

 

Je comprends bien l’intérêt symbolico-médiatique que permettrait une telle situation. Il est en effet beaucoup plus marquant à l’esprit du badaud d’affirmer que le gouvernement actuel renoue avec des pratiques vichystes, considérées par certains de néo-nazies. Or, l’historien ne peut pas laisser dire et écrire plus longtemps de telles erreurs.

Bien au contraire, j’inviterais modestement les diffuseurs de cette thèse à s’en démarquer judicieusement. Car ce que tente de faire actuellement notre gouvernement est bien plus grave et dangereux que ce qu’ont pu faire tous les autres gouvernements précédents. En effet, depuis cinquante ans, la définition du mot « fichier » a subi les influences de l’histoire et ne recouvre plus exactement la même réalité matérielle. Tandis que les possibilités étaient jadis limitées à des petites fiches en carton, facilement perdues et difficilement utilisables, les potentialités informatiques modernes permettraient désormais à Michèle Alliot-Marie (ou à tout autre individu qui pourrait s’emparer de cette base de données au sein même de la police) d’obtenir en seulement quelques clic une liste exhaustive des homosexuels français, accompagnée de leurs coordonnées et de documents permettant ensuite d’exercer sur eux une pression ou un éventuel chantage.

 

En somme, EDVIGE n’est pas la petite-fille de Vichy, mais bien la progéniture assumée et revendiquée du gouvernement sécuritaire de Nicolas Sarkozy. Et finalement…c’est bien pire !

 

Post scriptum : Les obligations éditoriales n’étant pas assujetties à l’actualité, les actes du colloque au cours duquel ces recherches ont été plus longuement et rigoureusement présentées sont actuellement en cours de rédaction.

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27 août 2008 3 27 /08 /août /2008 13:53

A l’instar de ses prédécesseurs, notre actuel Président de la République, monsieur Nicolas Sarkozy, semble apprécier surfer sur la vague de l’histoire. Pour preuve, le site officiel de l’Elysée diffuse une chaîne « Histoire » où il est possible de visionner des reportages sur l’Historial Charles de Gaulle, ou encore des interviews de Jean-François Sirinelli.

Ce qui nous intéresse aujourd’hui n’est pas tant cet énième outil de communication, mais plutôt le regard que porte notre Président sur l’Histoire de France, et sur l’Histoire en général. Alors que le président Chirac inaugurait son premier mandat avec le célèbre (et célébré) discours de commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv au cours duquel il reconnaissait la responsabilité de l’Etat français dans la déportation, Nicolas Sarkozy inaugurait le sien par cette volonté présidentielle (et donc non-soumise à discussion) de rendre obligatoire la lecture officielle de la lettre de Guy Mocquet à nos chères têtes blondes.

Il y aurait encore tant à dire sur cet acte tant symbolique que politique, sur son idée de « confier la mémoire » d’un enfant juif déporté à nos jeunes élèves, ou encore sur ses conseillers hautement qualifiés qui, lorsqu’ils écrivent ses discours, mentionnent le triste nom de Pierre « LAVALLE » sans en corriger les fautes à l’occasion de son édition…

Mais notre volonté ici est de réagir à l’actualité, et nous nous concentrerons donc sur le discours prononcé le 25 août 2008 à Maillé afin de rendre hommage à ses martyrs de la Seconde Guerre Mondiale.

 

Poser la problématique

Sans s’embarrasser du contexte, Nicolas Sarkozy pose très directement l’objet de son intervention en y laissant une pointe de suspens à l’intention de son auditoire : « En ce jour anniversaire de la libération de Paris, j’ai voulu réparer une injustice ».

 

Exposé des faits

Il entame alors un long récit au passé simple (que tout bon historien aurait proscrit) pour décrire avec pesanteur « les 124 morts » de Maillé, « assassinés de sang froid avec méthode », décrivant cet acte comme « un crime (…) décidé, organisé, planifié, dans le cadre d’une politique de terreur ». Pendant de longues minutes, il accable les « bourreaux », décrivant avec force de détails l’ennemi qui s’en prend « aux femmes, aux enfants, aux vieillards ».

En présence de l’ambassadeur d’Allemagne, Nicolas Sarkozy ne s’encombre pas de retenue. Après tout, puisque la repentance n’est plus de rigueur en France, pourquoi n’en serait-il pas de même outre-Rhin ?...

Comme si cette histoire était destinée à des enfants, il dresse clairement le camp des "gentils

 

Conclusion

Ce n’est qu’au terme de ce long et douloureux récit que le chef de l’Etat déclare enfin la conclusion de son récit : « La Nation n’a pas su dire les mots qui auraient touché leur cœur [des survivants], en leur faisant sentir que le pays tout entier partageait leur douleur ». Et de laisser tomber sa sentence implacable : « La France a commis une faute morale ! C’est cette faute qu’au nom de la Nation toute entière, je suis venu reconnaître et réparer ». Par cette déclamation, Nicolas Sarkozy met assez logiquement en application ce qu’il exige désormais des professeurs de la République : être tout à la fois des professeurs d’histoire, des professeurs d’éducation civique, et des professeurs de morale (bien que nous savons désormais depuis son discours de Latran qu’il considère que « l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé »… OUF ! J’ai bien cru un instant que nous allions devoir subir des formations de catéchisme !!!).

En rappelant ensuite que « les morts de Maillé ont leur place dans la mémoire nationale », le Président de la République semble alors se poser comme le grand ordonnateur d’un phénomène que tous les spécialistes considérait pourtant avant lui comme un processus sociologique complexe. Au diable Pierre Nora, Philippe Joutard et autres Jacques Le Goff ! Les lignes du grand livre de la mémoire nationale, c’est désormais lui qui les écrit (puisque l’Assemblée Nationale n’y est pas parvenu sur la colonisation).

Dès lors, j’aurais une requête Monsieur le Président : ne serait-il pas possible dans ce grand livre de la mémoire de consacrer un chapitre à la persécution des homosexuels ? Oh je sais bien, selon les dernières recherches, ils n’auraient été que 63 (sic) à être déportés durant la Seconde Guerre mondiale. Et puis, bien entendu, ils n’ont guère eu de descendance susceptible de voter aux prochaines élections présidentielles…mais tout de même…quelques pages… ? Non ? Bon…

Bref, Nicolas Sarkozy décide enfin de terminer son discours par de petites digressions significatives pour rappeler que ce passé illustre le combat de l’humanité et de la civilisation face à la barbarie : « Je pense notamment au sacrifice de nos dix jeunes soldats face à ces barbares moyenâgeux, terroristes, que nous combattons en Afghanistan ».  Et d’en arriver à une leçon générale de morale : « C’est en se souvenant d’évènements comme ceux qui se sont produits ici, que nos enfants sauront qu’il ne faut jamais transiger avec le totalitarisme, qu’il ne faut jamais transiger avec le fanatisme, qu’il ne faut jamais transiger avec les idéologies de mort qui transforment les hommes en tueurs, en tortionnaires, en bourreaux aveugles ». Le ton y est, la répétition est une méthode pédagogique éprouvée pour faire passer le message, les élèves sont subjugués par les qualités oratoires de leur professeur… mais à la sortie de la salle de classe, des commentaires se font entendre tout bas : « Dis, aux dernières vacances, j’ai croisé le prof avec son ami Kadhafi, mon papa m’a dit que c’était pas un rigolo »…

 

Post scriptum : j’anticipe dès à présent les commentaires enflammés qui pourraient suivre cet article. Il ne s’agit pas d’une tribune politique, il ne s’agit pas non plus d’une critique engagée (je ne suis moi-même pas encarté), mais d’une analyse qui se veut historienne et mémorielle, en total respect pour la fonction présidentielle.

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20 août 2008 3 20 /08 /août /2008 10:47

A l’heure où le prix du baril atteint des niveaux record à la bourse, les consommateurs s’organisent afin de réduire la place de l’énergie dans leur budget. Tous les moyens sont bons : chauffage solaire, covoiturage, vélo… et autres techniques qui interrogent l’historien !

 

Dans un numéro du Nouvel Observateur (14-20 août 2008), le journaliste Airy Routier (vous vous souvenez… l’affaire du SMS de Sarko à Cécilia, c’était lui !) recense les nouvelles pratiques sociales entraînées par la flambée de l’or noir.

 

Parmi elles, l’ « agriculture périurbaine » qui rapproche lieux de production et lieux de consommation des fruits et légumes. C’est le cas notamment dans la région de Douai (Nord) où Jean-Paul Mottier, responsable des grands projets de la communauté d’agglomération du Douaisis déclare : « On en revient à des choses d’autrefois ».

Il n’a pas tort ; même s’il serait bon de rappeler à cet élu que la géographie a depuis bien longtemps théorisé ce rapport de la ville avec son espace. Il s’agit d’ailleurs du premier modèle géo-économique urbain édicté par Johann Heinrich von Thünen (1783-1850).

Le principe est simple : la culture maraîchère bénéficie d’une grande valeur ajoutée qui lui permet d’amortir le prix du foncier élevé dans la proche périphérie urbaine, tout en minimisant les coûts de transport. Ce modèle avait ensuite été quelque peu torturé par les géographes, forcés de constater les influences de l’histoire sur leur discipline, la diminution des coûts de transport et l’amélioration des techniques de conservation qui permettent depuis le début du XXème siècle d’éloigner de plus en plus les lieux de production des centres urbains.

Nous pouvons donc désormais considérer que nous avons passé un seuil économique au-dessus duquel le coût des transports (et surtout de l’énergie qui les alimente) vient de dépasser en importance relative celui du foncier dans l’économie agricole.

 

Les exemples similaires se multiplient alors à l’infini : les plus grandes villes françaises ressortent toutes de leurs vieux cartons d’archives les anciens tracés des tramways démantelés dans l’entre-deux guerre pour les réhabiliter dans l’espace urbain (couplés avec le retour du vélo en ville) ; Les entreprises remettent en place le ramassage en bus de leurs employés grâce au soutien de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ademe) ; Tous les plan d’urbanisme ont été repensés en terme d’économie de transport pour rapprocher les supermarchés des habitations. L’inverse s’observe aussi puisqu’en juin 2008, le directeur d’un hypermarché de 350 salariés situé à l’Immaculée (près de Saint-Nazaire) a décidé de construire à 200 mètres de sa grande surface une vingtaine de logements pour ses salariés. Les ombres de Charles Fourier et Jean-Baptiste André Godin planent dès lors sur ces projets tout droit sorti des esprits du XIX° siècle.

 

La question se pose donc de façon légitime : traversons-nous une récession historique ?

 

A en croire les journalistes : oui ! Ils constatent notamment que la SNCF réhabilite de vieilles gares abandonnées pour y reprogrammer l’arrêt de TER, aux frais des régions administratives. Et de tirer la conclusion suivante : « Au moins sont-elles désormais prévenues sur les retournements de l’histoire » ! La remarque est intéressante car elle signifierait ainsi que notre société contemporaine aurait fait un demi-tour sur elle-même et qu’elle avancerait désormais dans le sens inverse de l’histoire.

 

Le regard de l’historien se voudra pourtant plus circonstancié sur les circonvolutions du temps. Les différents "moments" généralement considérés comme des périodes de « crise » ont changé notre vision de l’évolution humaine et sociale. Il ne s’agit plus désormais de considérer l’histoire comme un cheminement linéaire sans à-coup, ni comme un éternel recommencement cyclique. L’observation empirique de l’histoire nous a finalement démontré que le temps, s’il évolue de façon continue et sans interruption, ne poursuit pas un cheminement logique et cohérent. L’histoire est faite de creux, de vagues et d’écume pour reprendre la célèbre métaphore maritime de Fernand Braudel (1905-1985) dans la Méditerranée et le monde méditerranéen au temps de Philippe II (1949). Comme une marée, elle avance et elle recule, apporte son lot de techniques et de technologies qui resteront parfois durablement sur la plage, et d’autres qui seront emportées par les flots. Reste à savoir si l’histoire déposera de nouveaux objets alternatifs sur la plage, si des vagues rejailliront d’anciennes découvertes submergées, ou bien si elle ne finira pas par tout submerger…

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19 août 2008 2 19 /08 /août /2008 13:24

L’histoire, c’est en fait une passion qui s’est peu à peu transformée en métier. Sur les traces de Marc Bloch, je souhaiterais ici en faire une nouvelle apologie originale. Mes recherches universitaires portent essentiellement sur l’histoire et la mémoire de l’homosexualité en France. J’ai soutenu un Master d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne en 2007 sur le thème : La construction mémorielle de la déportation pour motif d’homosexualité en France. Dans la continuité de cet exercice, j’organisais le 27 octobre 2007 un colloque national sur La déportation pour motif d’homosexualité en France : débats d’histoire et enjeux de mémoire à la suite duquel des actes sont en cours d’édition. Depuis 2008, je suis également secrétaire de rédaction de la revue pluridisciplinaire Genre, Sexualité et Société bientôt disponible sur la toile.

 

La citoyenneté n’est finalement pas tant un choix qu’une condition. J’ai alors décidé depuis quelques années d’assumer pleinement ce rôle et de contribuer autant que faire se peut à rendre toujours meilleure notre société contemporaine. Il m’importe donc de sortir des bibliothèques, des centres d’archives et des revues scientifiques pour voir le monde, mieux le comprendre, et tenter d’en jouer l’histoire tout en l’écrivant. Cette volonté s’illustre actuellement par une forte envie d’enseignement auprès de nos chères petites têtes blondes. Je traverse donc douloureusement (et comme beaucoup d’autres) les fameux concours de l’enseignement secondaire.  

 

Le journalisme fût une passion de jeunesse que je n’ai jamais réussi à oublier (mes premiers articles publiés dans la presse locale furent écrits à 17 ans). Des obligations scolaires m’ont cependant contraint à quitter la plume pour le stylo bille des copies d’examen. Nonobstant, j’ai toujours gardé un œil attentif sur les médias d’information.  
 

Ces trois caractéristiques m’ont conduit à rêver, penser, puis réaliser ce lieu d’expression et d’échange. Au cours des prochaines pages, il ne sera donc désormais plus question de moi. Il me semblait pourtant important que mes éventuels lecteurs connaissent le processus qui m’a conduit à cette réalisation.


***
 

 

L’objectif de ce blog est de proposer une lecture historienne et mémorielle de notre actualité. A la télévision, à la radio, dans les libraires, et dans la presse…l’histoire est omniprésente ! Et pourtant, rares sont ceux qui s’en aperçoivent tant le temps semble s’être accéléré.

A l’heure où la Russie retrouve ses forces et commence à vouloir repousser les frontières d’un nouvel occident incarné par l’OTAN, tout le monde semble avoir oublié qu’il y a moins de vingt ans cette frontière était encore matériellement symbolisée par le mur de Berlin.

Alors qu’Act Up arbore désormais son célèbre triangle rose inversé lorsqu’il défend dans la rue les droits de l’homme et du citoyen, personne ne se souvient (pas même ses membres permanents) que cette figure géométrique colorée était l’insigne portée par les homosexuels déportés dans les camps de concentration nazis.

 

Il sera donc question dans les prochaines pages de déceler et d’interpréter les références historiques dans l’actualité politique, économique et sociale ; mais il s’agira également d’en comprendre les enjeux mémoriels afin de mieux appréhender d’éventuels travestissements de l’histoire ou encore quelques excès autour du "devoir de mémoire".

 

Bonne lecture.

 

« L’histoire ne nous dira sans doute pas ce qu’il faut faire, mais elle nous aidera peut-être à le trouver », Fustel de Coulanges, in Revue des Deux Mondes, 15 février 1881.

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