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C'est Quoi ?

  • : Histoire, Mémoire et Société (ISSN : 2261-4494)
  • : Ce blog se propose tout d'abord de recenser et d'analyser les réminiscences régulières de la mémoire dans notre actualité. Il vise aussi à rassembler différentes interventions d'historiens, mais aussi d'autres spécialistes, sur le rôle et les conséquences de la mémoire dans nos sociétés. Enfin, des réflexions plus fouillées sont proposées ponctuellement sur les manifestations de la mémoire dans les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. ISSN : 2261-4494
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C'est Qui ?

  • Mickaël BERTRAND
  • Citoyen, historien et enseignant, j'ai souhaité partager sur ce blog mes réflexions quotidiennes sur la place de l'histoire et de la mémoire dans l'actualité nationale et internationale.
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Cherche La Pépite

19 juin 2011 7 19 /06 /juin /2011 12:55

 

En 1990, la Fondation pour la Mémoire de la Déportation était créée afin de pérenniser la mémoire de l’Internement et de la Déportation au-delà de la génération des témoins. Dès le départ, la Fondation s’associait à une autre action créée en 1961 visant plus particulièrement les jeunes : le Concours national de la Résistance et de la Déportation. Depuis, le jeune public demeure une composante essentielle de chaque entreprise mémorielle. 

 

Cette association des jeunes au travail de mémoire a toujours été une priorité pour les associations, soutenues dans cette mission par le ministère de l’Education Nationale.

Sur le site institutionnel Eduscol à destination des professionnels de l’Education, on peut trouver de nombreux documents visant à lier l’enseignement et la transmission de la mémoire. Les professeurs (notamment d’histoire-géographie et d’éducation civique) sont invités « à associer les élèves aux commémorations et à mettre en œuvre des actions de sensibilisation (lecture de texte, venue d'intervenants extérieurs, projection de film etc...) ».

Le ministère insiste néanmoins sur quelques commémorations précises qui témoignent d’un prisme mémoriel surprenant de la part d’une institution censée briller par son objectivité. Ainsi, les professeurs sont invités à diriger leurs élèves vers une mémoire minutieusement balisée autour du souvenir de Guy Môquet, de l’armistice de la Première Guerre mondiale, des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité, du souvenir des victimes de la déportation, de l’armistice du 8 mai 1945 et de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions.

Si cette liste regroupe les principaux éléments faisant l’objet d’une commémoration, on peut s’étonner de son caractère limitatif. Pourquoi ne pas commémorer l’Europe, la paix, la décolonisation ou encore les droits de l’homme pour lesquels il existe déjà une journée internationale ?

 

Dans ce dédale mémoriel, une nouvelle initiative vient d’apparaître et doit être inaugurée officiellement mercredi 22 juin 2011 dans les salons du Gouverneur militaire de Paris en l’Hôtel national des Invalides : il s’agit d’un « Passeport pour la Mémoire » initié et réalisé à la fois par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onacvg) et la mairie de Saint-Maur-des-Fossés.

passeport-pour-la-memoire.png

 

Son principe est relativement simple : le Passeport pour la Mémoire est matérialisé par un livret qui sera tamponné à l’issue de chaque participation à une cérémonie nationale ou bien après une quête en faveur du Bleuet de France. Après avoir participé à dix commémorations ou quêtes, le jeune détenteur de ce document se verra attribuer une médaille émise par la mairie de sa commune et destinée à symboliser sa participation au devoir de mémoire.

Lancée pour la toute première fois à Saint-Maur-des-Fossés, cette entreprise mémorielle est destinée par la suite à se diffuser progressivement dans de nombreuses autres communes de France afin de lui conférer un caractère national.

 

De nombreuses interrogations sont soulevées par une telle initiative.

Dans un premier temps, nous ne pouvons que saluer le travail de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onacvg) qui constitue un partenaire constant, fiable et indispensable pour les professeurs désirant enrichir leur enseignement de l’histoire et impulser une réflexion sur la mémoire. Que ce soit à l’échelle nationale ou départementale, leurs services proposent de nombreuses ressources et des interlocuteurs de qualité (organisation de rencontre avec des témoins, prêt d’expositions pédagogiques, soutien financier à différents projets, organisation de voyages mémoriels…)

 

Nonobstant, ce projet de « Passeport pour la Mémoire » peut laisser perplexe dans sa disposition actuelle.

Sur le principe tout d’abord, on peut s’interroger sur la remise d’une médaille destinée à symboliser la participation au « devoir de mémoire ». Vingt ans après l’apparition de cette expression vulgarisée jusqu’à l’outrance, et malgré de nombreuses mises en garde contre ses excès, sa réutilisation est toujours surprenante, surtout lorsqu’elle s’inscrit dans un cadre aussi institutionnel.

Impossible alors de ne pas faire le lien avec le « devoir d’histoire » que de nombreux historiens ont avancé face à sa contrepartie mémorielle. Plus qu’une opposition, il s’agit d’une complémentarité logique. Il est en effet illusoire, voire dangereux dans certains cas, d’espérer entretenir une mémoire saine et sereine sans une approche historique préalable. Dès lors, que pensez de la réduction constante des heures d’enseignement d’histoire face à la multiplication de ces différents projets à connotation majoritairement mémorielle ? Comment le futur citoyen est-il censé exercer son esprit critique alors qu’il bénéficie de moins en moins d’une formation solide au départ ?

Les chiffres de participation au concours nationale de la Résistance et de la Déportation pour l’année 2011 risquent d’ailleurs de confirmer la tendance esquissée durant l’année 2010 d’une baisse remarquable d’intérêt. Il est fort probable que la réforme du lycée et la déstabilisation qu’elle provoque soit profondément liée à ce résultat. A défaut d’histoire, les adolescents et leurs professeurs n’envisagent plus qu’à minima un investissement coûteux en temps dans un projet mémoriel.

Malgré l’opposition caricaturale souvent avancée entre l’histoire et la mémoire, il s’avère donc que les acteurs du domaine mémoriel auraient tout intérêt à se manifester vigoureusement contre les atteintes répétées envers l’enseignement de l’histoire.

 

Sur la forme ensuite, l’essai de ce passeport demande à être confirmé.

Le constat initial est juste : les cérémonies commémoratives sont chaque année un peu plus abandonnées par le jeune public. Souvent, les seuls enfants présents accompagnent leurs parents ou grands-parents dans une démarche davantage familiale que citoyenne.

Les solutions proposées me semblent néanmoins en décalage avec la réalité d’une jeunesse que la solennité de ces manifestations ennuie profondément. Or, la solution proposée par ce « Passeport pour la Mémoire » ajoute de la solennité à la solennité en doublant les cérémonies commémoratives par d’autres cérémonies de remises de médailles où les mêmes seront toujours présents sans avoir nécessairement ouvert une porte aux autres.

A mon sens, cette initiative, aussi louable soit-elle, s’accroche désespérément aux attentes des plus anciens qui entretiennent une dimension quasiment sacrée autour des cérémonies commémoratives. Il serait peut-être préférable, quitte à faire grincer quelques dents chez les habitués, de réformer nos commémorations pour les rendre plus attractives, plus participatives et plus éclectiques.

Nous pourrions par exemple nous inspirer d’exemples britanniques où chaque citoyen est invité à participer à la création d’un lieu de mémoire éphémère plutôt que d’assister passivement au dépôt d’une gerbe. L’idée avait d’ailleurs été initiée en 1986 par Jochen GERZ et Esther SHALEV-GERZ avec le Monument contre le fascisme de Hamburg où les visiteurs étaient invités à laisser une trace de leur passage, participant ainsi à une véritable construction mémorielle. De même, on pourra retenir l’exemple amstellodamois où les lieux de mémoire s’intègrent plus étroitement qu’en France à l’espace public. Ainsi, les monuments mémoriels sont non seulement l’objet de cérémonies solennelles, mais aussi de manifestations plus festives et culturelles. Ce sont en fait de véritables lieux de vie où la mémoire se mêle et s’entretient au quotidien.

 

L’instauration d’un « Passeport pour la Mémoire » mérite donc d’être saluée car elle témoigne d’un intérêt constant des hommes pour leur passé. La réflexion mérite cependant d’être poursuivie davantage afin de mieux intégrer l’évolution des sociétés face à leurs mémoires.

 

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commentaires

L
<br /> <br /> OUF, il l'a fait et on ne va plus s'arracher les yeux à lire ce blog. MERCI pour le changement de couleurs !!!<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> J'avoue ne pas être un fin designer.<br /> <br /> <br /> Je suis néanmoins à votre écoute pour toute proposition visant à améliorer ce blog (tant sur le fond que sur le forme).<br /> <br /> <br /> Pour ma part, je ne suis toujours pas satisfait de la banderole de présentation et je serai ravi qu'on me propose quelque chose de plus personnel, de plus travaillé et de plus accueillant.<br /> <br /> <br /> Bien cordialement,<br /> <br /> <br /> <br />