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C'est Quoi ?

  • : Histoire, Mémoire et Société (ISSN : 2261-4494)
  • : Ce blog se propose tout d'abord de recenser et d'analyser les réminiscences régulières de la mémoire dans notre actualité. Il vise aussi à rassembler différentes interventions d'historiens, mais aussi d'autres spécialistes, sur le rôle et les conséquences de la mémoire dans nos sociétés. Enfin, des réflexions plus fouillées sont proposées ponctuellement sur les manifestations de la mémoire dans les sociétés d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs. ISSN : 2261-4494
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  • Mickaël BERTRAND
  • Citoyen, historien et enseignant, j'ai souhaité partager sur ce blog mes réflexions quotidiennes sur la place de l'histoire et de la mémoire dans l'actualité nationale et internationale.
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Paperblog : Les meilleurs actualités issues des blogs

Cherche La Pépite

30 juillet 2014 3 30 /07 /juillet /2014 08:24

 

Summaryin June 2014, a new Lenin Statue was reveiled in the Polish city of Nowa Huta. The revolutionary leader is now represented as a little bright green urinating man where he was figured before as a huge symbol. By using art, humor, and a little bit provocation, the artists want to help the Poles to overtake the memories' blockades of decades of Communism. 

En juin 2014, la ville de Nowa Huta en Pologne a inauguré une nouvelle statue de Lénine pour le moins originale : le leader révolutionnaire est représenté en vert fluo, tenant dans une main son sexe urinant afin d'alimenter une fontaine : 

La mémoire de Lénine éblouit les rues polonaises

L'installation de cette statue s'inscrit dans le cadre d'un festival artistique et les artistes ont d'ores et déjà donné quelques éléments permettant d'interpréter leur œuvre : pour eux, il s'agit notamment de montrer que la ville de Nowa Huta "n'est pas seulement un endroit gris et triste" mais aussi de tester si les locaux "ont le sens de l'humour". L'histoire de ce lieu conduit cependant à proposer une lecture mémorielle.

 

 

Une mémoire fantomatique qui hante la ville

La ville de Nowa Huta est en effet intimement associée à l'histoire du communisme. Il s'agit d'une ville nouvelle créée par le gouvernement communiste en 1949 dans la banlieue de Cracovie. L'objectif était non seulement de former un immense centre urbain autour de l'industrie lourde, mais aussi de créer une cité idéale peuplée d'ouvriers à proximité de la métropole de Cracovie dont les habitants s'étaient montré résistants à l'égard des autorités communistes.

En 1954, les aciéries de la ville sont inaugurées et immédiatement baptisées au nom de Lénine. Elles s'imposent rapidement comme les plus importantes de Pologne. 

Entrée des aciéries "Lénine" à Nowa Huta (Pologne)

Entrée des aciéries "Lénine" à Nowa Huta (Pologne)

Un an plus tard, une première statue du révolutionnaire est inaugurée au parc Strzelecki. Elle a probablement été ensuite transférée au musée Lénine de Cracovie, avant de disparaître dans des conditions mystérieuses.

Au début des années 1970, il est décidé qu'une nouvelle statue sera érigée. La première pierre est d'ailleurs posée dès 1970 pour commémorer le centième anniversaire de la naissance de Lénine, mais l'inauguration officielle a lieu en 1973 : 

 

Inauguration de la statue de Lénine à Nowa Huta en 1973

Inauguration de la statue de Lénine à Nowa Huta en 1973

La mémoire de Lénine éblouit les rues polonaises

Cette fois-ci, des témoignages ne manquent pas pour montrer que ce nouveau monument en mémoire de Lénine n'est pas accepté par la population locale. En 1979, des vandales essaient mêmes de la faire exploser avec une bombe, en vain. Ils essaieront ensuite de la brûler : 

La mémoire de Lénine éblouit les rues polonaises

Le démontage de la statue en décembre 1989 accompagne la chute du communisme en Pologne, continuant ainsi à associer sa destinée à celle de l'histoire du communisme dans ce pays. C'est un homme d'affaires suédois qui en fait l'acquisition pour l'exposé dans son parc d'attraction : High Chapparaal Theme Park

Dans son ouvrage intitulé Conspirator, Lenin in Exile (Basic Books, 2010), l'historienne russe Helen Rappaport affirme que Lénine trône toujours dans ce parc suédois mais qu'il a désormais une cigarette à la bouche et une boucle d'oreille, ce que ne permettent pas cependant de vérifier ces photographies trouvées sur le web : 

Photographie datée de 1994 (source : http://eivorsresor.wordpress.com)

Photographie datée de 1994 (source : http://eivorsresor.wordpress.com)

Photographie de 2009 (source : http://www.newyorkerbyheart.com)

Photographie de 2009 (source : http://www.newyorkerbyheart.com)

 

Une catharsis mémorielle ? 

La nouvelle statue de Lénine inaugurée en juin 2014 s'inscrit donc dans la continuité d'une histoire monumentale entre la ville de Nowa Huta et les différences résurgences mémorielles du leader révolutionnaire.

L'un des deux artistes à l'origine de cette œuvre propose d'ailleurs des pistes de réflexion allant dans ce sens : 

J’ai voulu poser la question : saurions-nous, nous les habitants de Nowa Huta, et les Polonais en général, prendre nos distances par rapport au passé qui le plus souvent nous hante tel un fantôme ? (...) Saurions-nous donner à ce passé un sens plus humoristique, surréaliste, le dégonfler de ce poids, montrer que nous sommes capables de nous libérer du traumatisme par le rire et la distance ?

Libération

 

En somme, il s'agit d'utiliser l'art et l'humour pour dépasser les difficultés d'un contexte mémoriel plutôt pesant. Ainsi, la couleur fluo vise à s'opposer au style plutôt gris du réalisme socialiste. La taille de la nouvelle statue (à peine 68 cm) minimise la grandeur de l'homme jadis représenté en géant. Enfin, la posture du révolutionnaire urinant dans une fontaine peut être interprétée comme une critique de l'idéologue cherchant à diffuser son modèle à l'échelle planétaire.

Quoi qu'il en soit, les artistes ont montré que l'art constitue un média intéressant pour réfléchir aux questions de transmission mémorielle.

 

Sitographie

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10 juillet 2014 4 10 /07 /juillet /2014 07:07

L'un des passages obligatoires lorsqu'on visite le Sénégal est l'île de Gorée au large de Dakar. Reconnue par l'UNESCO comme appartenant au patrimoine mondial de l'humanité depuis 1978, elle reste intimement associée à l'histoire de l'esclavage. Les autorités coloniales, puis nationales, ont d'ailleurs largement contribué à la construction et à l'entretien d'une telle image :

  • Dès 1944, l'administration coloniale française décide de mesures de sauvegarde en vue de préserver l'authenticité du patrimoine historique de l'île, 

  • De 1954 à 1969, c'est sur l'île de Gorée qu'est installé le musée historique de l'AOF (Afrique-Occidentale française). En 1970, après l'indépendance, il est remplacé par le musée de la femme Henriette-Bathily,

  • En 1989, le fort d'Estrées, une citadelle construite par les français entre 1852 et 1856, est restauré pour devenir le nouveau musée national du Sénégal,

  • En novembre 1975, le patrimoine architectural de Gorée est inscrit sur l'inventaire des monuments historiques du Sénégal. 

Mais c'est en fait la maison des esclaves qui reste au centre des attentions historiennes, mémorielles et touristiques. Au fil des années, son charismatique conservateur Boubacar Joseph Ndiaye a en effet réussi à donner une dimension internationale à ce lieu. Dès 1967, ce dernier était d'ailleurs félicité par Léopold Senghor pour « sa contribution efficace au développement culturel et touristique du Sénégal ».

La fréquentation de ce lieu de mémoire est assez révélatrice : alors que le musée historique du Sénégal à Gorée accueillait environ 30 000 visiteurs en 2004, la maison des esclaves en accueille en moyenne 180 000. 

 

Photographie prise dans la cour de la maison des esclaves avec au fond la porte dite "du voyage sans retour"

Photographie prise dans la cour de la maison des esclaves avec au fond la porte dite "du voyage sans retour"

La construction d'un mythe

La place et le rôle de cette maison des esclaves sont cependant largement remis en cause depuis quelques années. Au milieu des années 1990, Emmanuel De Roux, journaliste au Monde, publie un article polémique intitulé « Le mythe de la maison des esclaves qui résiste à la réalité ». Dans ce texte, il remet en cause non seulement l'importance de cette maison dans la traite négrière (qui n'aurait pas été une "esclaverie"), mais aussi la place de l'île de Gorée dans le commerce triangulaire. 

La polémique a suscité un tel émoi au Sénégal et en France qu'un colloque a même été organisé en 1997 en Sorbonne afin de mieux comprendre la place réelle de l'île de Gorée dans l'entreprise esclavagiste, mais aussi les logiques de sa progressive construction en tant que lieu de mémoire central de l'esclavage. Sur ce dernier point, il est possible de lire l'excellent article de synthèse d'Hamady Bocoum et Bernard Toulier dans la revue In Situ, Revue des Patrimoines.

Il n'en demeure pas moins que depuis cette actualisation des recherches, l'Unesco n'a pas retiré l'île de Gorée de la liste officielle du patrimoine mondial de l'humanité, mais n'a pas non plus modifié sa notice indiquant que ce lieu « a été du XVe au XIXe siècle le plus grand centre de commerce d'esclaves de la côte africaine ».

D'ailleurs, tous les chefs d'État et de gouvernement, mais aussi les personnalités de passage au Sénégal, continuent à se rendre régulièrement dans la maison des esclaves et laissent des autographes qui contribuent encore à l'entretien du mythe mémoriel. Ce fut notamment le cas de François Hollande en 2012, mais aussi de Barack Obama en 2013. 

Un jumelage mémoriel surprenant

Les touristes français ne manquerons pas lors de leur visite de remarquer une petite plaque accrochée à l'entrée de la rue où se situe la maison des esclaves : 

Petits arrangements mémoriels à Gorée

L'île de Gorée est en effet jumelée depuis 2004 à la ville française de Drancy qui occupe une place particulière dans la mémoire nationale. C'est en effet au camp d'internement de Drancy que la plupart des juifs parisiens ont été internés dans l'attente d'un transfert vers les camps d'extermination nazis durant la Seconde Guerre mondiale.

La dimension mémorielle de ce jumelage ne fait aucun doute. Il a d'ailleurs été suivi en 2006 par l'inauguration commune d'une statue commémorant l'abolition de l'esclavage dans chacune des deux villes. L'île de Gorée multiplie d'ailleurs ces jumelages avec d'autres lieux chargés d'histoire dans le monde : Robben Island en Afrique du Sud, Sainte-Anne en Martinique ou encore Lamentin en Guadeloupe.

Néanmoins, celui contracté avec la ville de Drancy est celui qui pose le plus de questions sur le choix d'associer la mémoire des traites négrières à celle du génocide des juifs d'Europe durant la seconde guerre mondiale.

Bibliographie

Hamady Bocoum et Bernard Toulier, « La fabrication du Patrimoine : l’exemple de Gorée (Sénégal) », In Situ [En ligne], 20 | 2013, mis en ligne le 11 février 2013, consulté le 09 juillet 2014. URL : http://insitu.revues.org/10303 ; DOI : 10.4000/insitu.10303 

 

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3 janvier 2014 5 03 /01 /janvier /2014 08:32

 

Summary: The Georgian parliament has just passed a amendment to declare illegal all the communist and fascist symbols, monuments, inscriptions, and names of public spaces. This decision is a new step in the random politic of memory in this country. The controversal figure of Staline is indeed in the center of a geopolitical conflict between the pro and anti-westerners since a decade. 

 

27 novembre 2013 : le Parlement géorgien vient d'adopter un amendement limitant les libertés dans certains domaines sensibles. Désormais, les "symboles, monuments, statues, inscriptions et noms de lieux publics contenant des éléments de l’idéologie communiste ou fasciste" deviennent illégaux. Concrètement, ce sont plusieurs dizaines de statues de l'ancien dirigeant soviétique qui devront être enlevées dans les prochains mois, remettant ainsi au goût du jour une pratique de l'antiquité romaine visant à éliminer de l'espace public toute trace mémorielle d'un personnage politique disparu : la Damnatio Memoriae.

 

Or, cette loi risque de susciter quelques remous dans la société georgienne car elle s'inscrit à contre-courant d'un cycle mémoriel de réhabilitation de la figure de Staline. La victoire des populistes du Rêve géorgien aux législatives de 2012 a en effet été accompagnée d'un large mouvement de réappropriation de cette figure nationale, soutenu par l'Eglise orthodoxe.

Ainsi, le patriarche Ilia II a-t-il déclaré en 2013 dans un entretien sur la chaîne russe RT : "Staline était une personnalité éminente, comme il n’en naît que rarement. Et il était croyant, surtout à la fin".

Le 21 décembre 2012, à l'occasion du 133ème anniversaire de la naissance de Staline, les habitants du village d’Alvani, dans la région de Touchétie, décidaient de réinstaller la statue du dirigeant soviétique démontée en 2011.

Le même jour, l’administration de la ville de Gori, lieu de naissance de Staline, a annoncé que le monument installé en son honneur au centre ville en 1952 et démonté sur ordre du président Saakachvili en 2010, allait être réinstallé sur le territoire de la maison-musée Staline.

Damnatio Memoriae de Staline : énième retournement du régime mémoriel géorgien

 

Cette phase de réhabilitation succédait en effet elle-même à une période de condamnation au cours de laquelle l'une des dernières statues de Staline avait été déboulonnée à Gori le 25 juin 2010. Les autorités avaient en parallèle décidé de transformer sa maison en musée de la répression soviétique.

Damnatio Memoriae de Staline : énième retournement du régime mémoriel géorgien

 

A l'époque, la Géorgie était gouvernée par le camp pro-occidental de Mikheil Saakachvili et sa politique mémorielle était soutenue par le contexte de la guerre de 2008 contre la Russie à propos des territoires occupés d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. Les Géorgiens considéraient alors que Staline était avant tout le dirigeant d’une Union soviétique russifiée, originaire, par hasard, de Géorgie.

Or, selon l'historien Lacha Bakradzé, le mythe de Staline a aujourd'hui changé de nature : "Les gens pensent : certes, nous étions colonisés par les Russes, mais c’était un enfant de chez nous qui dirigeait ce pays". Ainsi, le souvenir du dirigeant soviétique n'est plus tant "lié au communisme, à la nostalgie de l’URSS ou au souvenir de la Seconde Guerre mondiale» mais il est considéré, au même titre que l'Eglise orthodoxe, comme un "symbole de l’anti-occidentalisme et de l’antilibéralisme". C'est pourquoi la figure de Staline est régulièrement mobilisée aux côtés des religieux lorsqu'il s'agit de condamner l'avortement et l'homosexualité vues comme des valeurs occidentales contraires à l'identité nationale géorgienne.

 

Le vote par le Parlement d'un tel amendement n'est donc pas sans poser problème : comment la population géorgienne va-t-elle réagir à cet énième retournement de régime mémoriel ? Staline va-t-il s'imposer comme le symbole du rejet des valeurs occidentales au profit d'un rapprochement avec la Russie ? Faut-il craindre l'émergence d'un front d'opposition susceptible d'entraîner un conflit entre pro et anti-occidentaux en Géorgie, comme actuellement en Ukraine ? L'application de cette mesure législative d'ici quelques semaines devrait nous fournir rapidement des réponses.

Source : Sophie TOURNON, "Géorgie: Loi contre les symboles des régimes totalitaires passée", in Regard sur l'Est, dépêche publiée le 3 décembre 2013.

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29 décembre 2013 7 29 /12 /décembre /2013 15:05
Guide pratique des monuments aux morts de la Première Guerre mondiale

Franck DAVID, Comprendre le monument aux morts, Lieu du souvenir lieu de mémoire, lieu d’histoire, Paris, Editions Codex et Ministère de la Défense – DMPA, 2013.

 

 

En quelques dizaines de pages, Franck DAVID propose au lecteur une synthèse très pratique pour mieux regarder et comprendre les monuments aux morts qui peuplent la plupart des 36 000 communes françaises en déchiffrant « les codes et les signes [qui] ne nous parlent plus autant qu’hier à leurs contemporains » (p. 23).

Près d’un siècle après leur apparition dans le paysage urbain comme rural, la pierre fatiguée ne bénéficie généralement plus que d’un rare regard délaissé. Absents des brochures et de la plupart des guides touristiques, ils sont également oubliés des lieux mis à l’honneur lors des journées du patrimoine. Et pourtant, ils restent dressés, fiers, obstinés et dotés d’une valeur qu’aucun ne saurait contester. D’ailleurs, il n’est pas anodin de remarquer qu’ils sont généralement épargnés par le vandalisme.

Franck David explique cette persistance par l’essence même du monument aux morts, hommage à des individus qui permettent de lier le destin d’une communauté locale à l’histoire nationale. Si cette pratique se généralise à l’issue de la Première Guerre mondiale, elle apparait progressivement au cours du XIXe siècle, simultanément aux États-Unis pour honorer les soldats tombés lors des guerres indiennes dans les années 1840 et en France avec la colonne de Juillet sur la place de la Bastille à Paris qui rassemble les noms des émeutiers de juillet 1830.  Mais ce n’est qu’avec la Première Guerre mondiale et l’immensité des pertes humaines que l’État et les communes décident d’assurer à leurs disparus « la survivance du souvenir individuel dans la mémoire collective » (p. 27), permettant ainsi à la communauté locale de renforcer son sentiment d’intégration dans l’histoire nationale.

 

Après avoir situé le contexte général d’érection des monuments aux morts en France, l’auteur propose quelques éléments de réflexion permettant d’en comprendre les principales logiques et débats au moment de leur construction. Ainsi, le positionnement au sein de la commune peut être révélateur de choix politiques contemporains : placé à côté de la mairie, le monument insiste sur la dimension républicaine de l’hommage aux morts pour la France ; à côté de l’église, il témoigne d’un ancrage religieux persistant malgré la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 ; enfin le positionnement au sein du cimetière place plutôt le deuil dans le domaine de l’intime.

Franck David propose également une grille de lecture symbolique qui permet d’analyser pratiquement tous les monuments aux morts de France par l’intermédiaire des éléments végétaux, des ornements militaires, des symboles funéraires, des mentions à la République ou encore des mentions religieuses.

La représentation du Poilu n’est pas non plus anodine, qu’il soit peint en soldat protecteur ou bien en farouche combattant, vivant ou mort, héros victorieux ou victime. Parfois, il est également accompagné d’une figure féminine, représentant tantôt la victoire, tantôt la Patrice, parfois même la Nation sous les traits de Jeanne d’Arc. Sinon, la femme est le plus souvent une mère ou une veuve éplorée venant se recueillir sur la tombe du défunt fils ou mari.

Guide pratique des monuments aux morts de la Première Guerre mondiale

Réalisé par Aristide Maillol qui était originaire du pays, le monument aux morts de Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) était initialement placé sur un rocher à la sortie du port avant d’être déplacé près de la mairie. La composition en triptyque renvoie aux retables des églises. Au centre, le corps nu de l’homme exalte la force et la vigueur, mais contraste avec le casque censé le protéger et l’épée posée sur le sol qui donnent une impression de grande vulnérabilité. Les femmes qui l’encadrent pleurent.

 

 

Outre la représentation picturale, ce sont a priori les noms des morts qui sont au centre du monument. Franck David rappelle qu’à défaut d’un rapatriement systématique, qui était d’ailleurs souvent impossible, « le monument représente donc la seule référence explicite au défunt […]. A défaut d’honorer leurs restes, le monument célèbre leur geste » (p. 61). Dans un premier temps, la loi du 25 octobre 1919 prévoit d’inscrire ces noms sur des registres déposés au Panthéon puis sur un livre d’or remis par l’Etat à chaque commune. Ce n’est que dans un second temps que les municipalités vont s’emparer de ce recensement comme base pour les monuments aux morts.

 

Faute de pouvoir constituer une synthèse exhaustive, l’ouvrage propose donc une sorte de guide pratique et pédagogique permettant d’étudier l’histoire du monument aux morts de sa commune à l’image de ce que proposait également le cabinet d’ingénierie mémorielle En Envor. Il est ainsi possible de reconstituer l’histoire derrière les noms gravés dans la pierre à partir du site Mémoire des hommes qui rassemble notamment les journaux des marches et opérations.

Mais si l’auteur encourage les citoyens français à participer à l'écriture de leur histoire locale et nationale à partir des monuments aux morts, il propose également de façon plutôt audacieuse de ne pas tomber dans une forme de sanctuarisation de ces lieux de mémoire. Il affirme au contraire que « s’il convient de conserver l’engagement initial de l’Etat à perpétuer la mémoire, les contemporains ont aussi à transformer et/ou transcender la composition initiale pour lui éviter l’obsolescence » (p. 84). Les artistes et les citoyens sont donc invités à s’emparer du contexte du Centenaire de la Grande Guerre et de la nécessité de rénover la plupart des monuments aux morts pour actualiser, dépoussiérer et moderniser ces monuments dont les codes de lecture rassemblés et expliqués dans cet ouvrage tombent progressivement en désuétude.

 

La présence de nombreuses illustrations issues des collections personnelles de l’auteur n’est pas un des moindres atouts de ce petit ouvrage. On peut néanmoins regretter l’absence d’analyses détaillées de certains monuments cantonnés à une stricte valeur illustrative. Il est également frustrant de voir les monuments aux morts de la Grande Guerre construits hors des frontières dans les colonies relégués à quelques lignes en fin d’ouvrage alors que leur construction (puis leur destruction, déplacement, abandon, ou maintien au cours du XXe siècle) pourrait à notre avis faire l’objet d’un chapitre indépendant, si ce n’est d’une étude à part entière. Comme le précise cependant Franck David à l’issue de son ouvrage : « le sujet n’est pas clos, il est à peine esquissé » et nous espérons donc pouvoir lire prochainement d’autres études aussi passionnantes sur les « mémoires de pierre ».

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25 août 2013 7 25 /08 /août /2013 13:31

La chancelière allemande Angela Merkel s'est rendu au camp de Dachau le mardi 20 août 2013. Après un temps de recueillement et un discours de qualité, la candidate à sa propre réélection s'est rendue à un meeting électoral sous une "tente à bière" qui constitue un lieu de sociabilité politique traditionnel en Bavière.

Une polémique s'est immédiatement développée autour de cette visite à mi-chemin entre l'hommage officiel de la part d'un chef de gouvernement et une tentative de récupération par un candidat en campagne.

La présidente du groupe des Verts au Bundestag, Renate Künast, a notamment considéré que cette juxtaposition des agendas était "de mauvais goût", tandis que Der Spiegel titrait : "au bon endroit au mauvais moment".

Angela Merkel à Dachau : pour un renouvellement commémoratif

On peut certes considérer qu'Angela Merkel aurait pu faire preuve d'un peu plus de finesse dans l'organisation de son emploi du temps qui l'entraîne à commettre une erreur de communication.

Difficile cependant de donner des leçons de ce côté du Rhin quand notre précédent président de la République s'était illustré par son instrumentalisation répétée des commémorations au plateau des Glières ou encore sa présence imaginaire lors de la chute du mur de Berlin.

Angela Merkel à Dachau : pour un renouvellement commémoratif

Cette polémique devrait plutôt faire réfléchir sur la place et le rôle des cérémonies commémoratives dans nos sociétés contemporaines. On ne peut pas sans cesse dénoncer une forme d'instrumentalisation politique de l'histoire et de la mémoire alors que ces manifestations sont justement l'apanage de la dimension politique dans l'acte commémoratif.

Au contraire, repenser les commémorations dans leur dimension politique et civique serait probablement l'un des meilleurs moyens de les moderniser et d'en renouveler les participants en attirant les nouvelles générations qui ne parviennent pas toujours à comprendre la signification des rassemblements actuels à la codification complexe et surannée.

Malgré les innombrables efforts du ministère de l’Éducation nationale qui ne cesse d'appeler les enseignants à encourager leurs élèves à participer aux cérémonies commémoratives, force est de constater que les rangs s'amenuisent d'année en année tandis que les survivants de la résistance et de la déportation disparaissent.

Nous avions déjà soulevé ce problème en 2011 à l'occasion du lancement du "Passeport pour la mémoire" par l'Office national des Anciens Combattants et Victimes de guerre (Onacvg) et la mairie de Saint-Maur-des-Fossés. A l'époque, je soulignais déjà la désaffection progressive des cérémonies par un jeune public qui connaît de moins en moins les évènements commémorés et qui ne comprend plus la signification et les codes de telles rencontres :

Cette initiative, aussi louable soit-elle, s’accroche désespérément aux attentes des plus anciens qui entretiennent une dimension quasiment sacrée autour des cérémonies commémoratives. Il serait peut-être préférable, quitte à faire grincer quelques dents chez les habitués, de réformer nos commémorations pour les rendre plus attractives, plus participatives et plus éclectiques.

Histoire, Mémoire et Société

Bien que la France soit restée très traditionnelle dans ce domaine (rassemblement, minute de silence, discours, pose d'une gerbe...), d'autres pays tentent progressivement d'instaurer d'autres formes commémoratives qui ne sont pas sans intérêt.

C'est le cas par exemple de l'Homomunument d'Amsterdam étudié par Régis Schlagdenhauffen dans le cadre de sa thèse sur la commémoration des victimes homosexuelles du nazisme.

Ce lieux de mémoire est inauguré en 1987. Il est composé de trois triangles équilatéraux dirigés vers des lieux symboliques : la maison d'Anne Frank, le Nationaal Monument, le siège du COC, une association homosexuelle néerlandaise.

Chaque année s'y déroule une commémoration qui s'inscrit dans le cadre du Dodenherdenking, la cérémonie nationale qui commémore toutes les victimes néerlandaises du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale.

A l'Homomonument, la cérémonie rassemble des militaires de l'HSK (Fondation Homosexualité et Armée), des policiers en uniforme, des élèves de l'académie de police, une élue de la ville d'Amsterdam, le président du COC Amsterdam accompagné de membres de l'association et le public.

Plusieurs discours se succèdent avant d'opérer le dépôt de gerbes par les autorités locales, les association, les militaires, les policiers et les pompiers et des membres de partis politiques. Une attention particulière est accordée à la présence des forces de police qui ont été accusées de passivité face à la persécution des homosexuels et à qui il est désormais rappelé qu'ils doivent contribuer à leur protection.

A priori, cette cérémonie commémorative ressemble donc à celles que l'on peut observer en France... sauf qu'elle s'inscrit ici dans une temporalité plus large qui commence par la fête de la Reine le 30 avril et se termine par le jour de la Libération le 5 mai.

Lors de la fête de la Reine, l'esplanade mémorielle se transforme en lieu de sociabilité où est installé une buvette et où sont organisés des jeux. Au soir du jour de la libération du pays, le monument se transforme en piste de danse pour l'organisation d'un bal qui rassemble plusieurs centaines de personnes.

A l'exception de cette commémoration nationale, le monument est susceptible d'accueillir d'autres manifestations au cours de l'année (lors de la Gay Pride ou pour commémorer d'autres évènements liés à l'histoire gaie et lesbienne). Il est d'ailleurs aussi devenu un lieu inscrit dans le patrimoine de la ville où les habitants et les visiteurs peuvent venir s'installer pour manger une gaufre, acheter des souvenirs et se renseigner au Pink Point sur la vie gaie et lesbienne d'Amsterdam.

Les vidéos ci-dessus illustrent les différentes facettes de l'utilisation de ce mémorial qui n'a pas été pensé uniquement comme un lieu de recueillement, mais aussi comme un lieu de sociabilité ancré dans le quotidien et voué à évoluer avec la société qu'il accueille en nombre.

L'expérience n'est probablement pas transposable en l'état dans un pays comme la France mais pourrait néanmoins permettre aux acteurs publics et aux associations liées à la mémoire d'entamer une réflexion sur le renouvellement de l'acte commémoratif à l'échelle locale et nationale.

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20 août 2012 1 20 /08 /août /2012 10:17

 

Depuis quelques semaines, l'excellent supplément "M le magazine" du journal Le Monde propose de partir à la rencontre des Etats-Unis et de ses habitants afin de mieux découvrir ce pays souvent mal compris, voire caricaturé, par le regard français.

Parmi les tableaux dressés figurent celui d' Oak Bluffs sur la côte Est décrit comme un "repaire de l'élite noire américaine" qui a accueilli Martin Luther King, Caroline Hunter, ou encore la famille Obama pour ses vacances.

 

Oak-Bluffs.jpg

Rue de Oak Bluffs

 

Obama-oak-Bluffs.png.jpgBarrack Obama dans le jardin de sa résidence de vacances à Oak Bluffs

 

Ce territoire étant étroitement associé à la culture noire américaine, il a récemment donné lieu à différentes manifestations telles qu'un festival du film afro-américain, mais aussi un parcours des lieux de mémoire pour les Noirs qui rassemble 22 sites. 

 

Parmi eux figurent notamment les maisons d'Edward Brooke, le premier sénateur afro-américain élu en 1966 et d'Adam Clayton Powell Jr., premier élu noir à la chambre des Représentants. Les anciennes résidences de Martin Luther King, Joe Louis, Harry Belafonte et Jesse Jackson constituent également des étapes essentielles de cette visite guidée des lieux de mémoire de la culture noire américaine. 

 

Il est assez symptomatique de constater que le premier exemple choisi par les journalistes du Monde pour illustrer leur article est celui du cimetière d'Eastville, où étaient enterrés "les marins inconnus, les vagabonds et les gens de couleur" tandis que les journalistes du New York Times et du Washington Post insistent bien davantage sur les lieux révélateurs de la fierté et de la réussite des noirs au sein de la société américaine.

Malgré l'objectif pieux initial des journalistes français, on saisit immédiatement par cette comparaison deux regards distincts qui ne parviennent pas à se croiser, non seulement sur la société américaine en générale et la place des minorités de couleur, mais plus encore sur le rapport à l'histoire et à la mémoire.

Tandis qu'on inaugurait encore récemment en France un  mémorial de l'abolition de l'esclavage dans une démarche victimaire institutionnalisée et financée par la collectivité publique, les Afro-américains se retrouvent davantage autour de lieux de mémoire positifs et communautarisés à partir de figures quasiment héroïques.

 

C'est par l'intermédiaire de telles comparaisons que l'on comprend mieux à quel point la mémoire constitue un élément essentiel dans la compréhension des sociétés et des civilisations. Comprendre le rapport au passé d'une population, c'est aussi mieux comprendre son rapport au présent. 

 

 

English summary

Memory places of the African-American culture

Oak Bluffs, Mass., is the place to be for Black Elite in USA. Permanent and temporary residents developed a local Black culture with in particular a route of memory places.  These commemorative sites consist in symbols of a shape of community pride which are diffucult to understand in a french journalistic way of thinking.

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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 14:16

 

A la demande du Nouvel Obs, j'ai consacré l'article du jour à la polémique qui entoure l'arrivée d'une statue de Mao Zedong sur une place de Montpellier et qui n'est pas étrangère aux réflexions historico-mémorielles développées habituellement sur ce site.

Vous pouvez lire l'article à l'adresse suivante en cliquant ici.

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2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 08:37

 

Créer un lieu de mémoire peut-il contribuer à la prévention des risques ?

Telle est la question que posent implicitement  les Grands Ateliers de l'Isle d'Abeau qui organisent du 1er au 16 juillet 2012 un "atelier inondation" à Sommières dans le Gard. 

 

Le projet est relativement simple :  élaborer un lieu de mémoire autour du Vidourle (fleuve côtier des Cévennes) et de l'inondation.

L'atelier sera décomposé en deux temps :

   - une semaine de formation sur les risques d'inondation,

   - une semaine de création des projets sous la forme d'une compétition "amicale".

 

L'un des principaux intérêts du projet repose sur le caractère pluridisciplinaire recherché par les organisateurs. Ainsi, les équipes seront idéalement composées d'étudiants et professionnels en architecture, urbanisme, paysage, géologie, géographie, histoire, métiers du tourisme et du développement local ainsi qu'en arts plastiques.

Ensemble, les participants de cet atelier devront présenter un projet complet constitué d'un programme, d'esquisses architecturales et paysagères, de propositions muséographiques et de quelques éléments de budget.

 

Les Grands Ateliers de l'Isle d'Abeau n'en sont pas à leur coup d'essai en la matière. Un atelier similaire a déjà été organisé autour du risque sismique. Il a abouti à la création d' un site Internet qui mêle astucieusement des éléments de commémoration du séisme de 1909 en région PACA et des informations de prévention des risques sismiques.

L'approche est éminemment pédagogique puisqu'il est évident que pour sensibiliser efficacement la population, il est nécessaire de convaincre les destinataires de la prévention d'une potentialité suffisamment crédible d'un risque.

L'ami et fidèle lecteur de ce blog qui m'a signalé l'existence de cette initiative est un spécialiste de la question. Il me rappelait encore récemment que les avancées en termes de prévention sont soumises à une temporalité étroite et saccadée. Les autorités politiques investissent souvent massivement dans ces domaines en réaction à une catastrophe récente. Ainsi, l'accident de Fukushima en 2011 a-t-il entraîné une série de mesures d'urgence à l'échelle internationale visant à améliorer la prévention des risques nucléaires. Quelques mois plus tard, l'actualité portant l'attention des décideurs publiques vers d'autres sujets, les budgets sont progressivement réduits, voire disparaissent, jusqu'à la prochaine catastrophe !

 

Feyzin-memoire-d-une-catastrophe.jpg

Thierry GIRAUD, Feyzin, Mémoires d'une catastrophe, Lieux Dits, 2005.

La mémoire des catastrophes est un objet d'étude encore peu exploré

 

C'est pourquoi le projet mis en oeuvre cet été dans le Sud de la France nous apparaît intéressant. En introduisant une dimension mémorielle à la prévention des risques, les aménageurs du territoire réfléchissent en amont à l'efficacité et la durabilité de leur travail.

Nul doute que la création récente d'un portail consacré à  la mémoire des catastrophes s'inscrit dans la même logique qui consiste à créer et organiser une mémoire non spontanée. Les manifestations mémorielles actuelles sont en effet le plus souvent issues de revendications communautaires qui ne nécessitent pas a priori d'impulsion externe : le membre du groupe justifie son appartenance par le partage d'une mémoire commune et, inversement, la mémoire commune permet d'entretenir le sentiment d'appartenance au groupe.

Il est révélateur dans cette perspective de constater que l'expérience commune d'une catastrophe naturelle ou technologique n'a jamais suffit pour l'instant à l'émergence d'une mémoire collective. Est-ce en raison de l'absence d'un responsable moral susceptible de cristalliser la mémoire ? Est-ce parce que l'expérience d'une telle catastrophe est finalement trop différenciée par des facteurs sociaux, économiques, culturels... ? Ou bien parce que les autorités publiques n'ont pour l'instant pas souhaité encourager l'émergence d'une telle mémoire qui risque de soulever la question des responsabilités ?

Toutes ces problématiques mériteraient d'être approfondies et permettraient probablement d'améliorer non seulement la prévention des risques, mais aussi notre compréhension des phénomènes mémoriels.

 

Nous attendons donc avec impatience de pouvoir découvrir et présenter les différents travaux qui seront réalisés au mois de juillet dans le cadre de cet atelier et qui pourraient apporter quelques éléments nouveaux à cette réflexion.

 

 

Actualisation du 2 mail 2012 :

Plusieurs lecteurs me rappellent judicieusement la présence de marqueurs le long des fleuves et rivières qui témoignent d'une forme de mémoire des précédentes crues et inondations.

Memoire-crue-Russan.jpg

Plaque commémorative rappelant le niveau de l'eau atteint lors d'une crue exceptionnelle

sur l'église de Russan

 

Il existe également des plaques commémoratives rappelant le souvenir de précédentes catastrophes technologique comme par exemple à proximité de l'usine BASF du site d'Oppau en Allemagne

 

Actualisation du 3 mai 2012 :

J'apprends par l'intermédiaire des organisateurs que cet évènement n'aura finalement pas lieu "pour raisons de conjoncture politique". Ceci est vraiment regrettable.

 

Actualisation du 22 juillet 2012:

La mémoire est décidément un élément essentiel des recherches actuelles sur la prévention des risques et la résilience.

Un site récemment mis en ligne  sur la prévention des risques et la résilience des organisations humaines aux catastrophes naturelles et technologiques  propose notamment d'inclure une catégorie "mémoire" aux réflexions développées sur la thématique. Pour l'instant, il propose deux articles très intéressants sur les repères de crue (que nous avions évoqué sur ce blog) et sur l'accident entre un train et un camion d'essence à Port-Sainte-Foy en 1997.  

En espérant que d'autres articles viendront prochainement l'enrichir...

 

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9 mars 2012 5 09 /03 /mars /2012 08:12

 

L'initiative a le mérite d'être originale. L'Institut de l’Histoire et de la Mémoire des Catastrophes (IHMéC) a créé, avec le soutien du Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement,  un site visant à recenser les mémoires individuelles des catastrophes.

 

Son principe est simple : chaque individu qui considère avoir été témoin d'une catastrophe peut déposer son récit. Ce dernier est ensuite référencé sur une carte, sur une chronologie et dans une base de donnée. 

La notion de catastrophe est ici considérée dans son acception la plus large, c'est-à-dire naturelle ou humaine. On retrouve donc aussi bien l'échouement du cargo TK Bremen au large du Morbihan en décembre 2011 que les régulières inondations en région PACA.

Par déformation professionnelle (mais aussi peut-être par esprit de provocation), je n'ai pu m'empêcher de vérifier si quelqu'un avait associé une catastrophe à Wannsee ou à Auschwitz. Le terme shoah signifiant "catastrophe" en hébreu, cela aurait pu être théoriquement possible... mais visiblement, je suis le seul à y avoir pensé pour l'instant !

 

Le site a été inauguré le 13 février 2012... et on ne peut pas vraiment considérer que le démarrage ait été très enthousiaste. Presque un mois après son lancement, on ne trouve finalement que quelques témoignages  parfois très minimalistes.

Il faut reconnaître que l'initiative est pour le moment restée très discrète. De plus, de nombreuses améliorations mériteraient encore d'être apportées au site. La carte de localisation notamment est peu lisible et les critères de recherche sont trop limités. Il n'est possible par exemple de faire une recherche que par ville ou région. Quid de l'échelle départementale, nationale... Impossible également de savoir si les villages sont exclus de l'étude. Idem pour la chronologie qui est peu fonctionnelle. Si vous souhaitez remonter le temps, il vous faudra le faire à la main, année après année.

 

Malgré ces quelques difficultés inhérentes à un projet encore neuf, l'idée est originale, utile et intéressante. Ce site permet en effet non seulement de réaliser un recensement voulu exhaustif des catastrophes, mais aussi de s'interroger sur la mémoire individuelle des acteurs et victimes de ces évènements. A terme, il pourrait constituer un outil efficace de compréhension des rapports que les hommes entretiennent avec les lieux non plus seulement en fonction de données physiques ou de ses aménités, mais aussi au regard de la construction mémorielle associée à un espace. Les perspectives ouvertes par un tel champ de recherche sont immenses.

 

Jardin-des-fugitifs-a-Pompei.jpg

 

L'idéal serait également que le site permette une extension "historique" au projet visant à recueillir des témoignages de l'éruption du Vésuve sur Pompéi en 79 ou bien du grand incendie de Londres en 1666.

 

PS : Merci à mon fidèle correcteur orthographique (entre autres fonctions) de m'avoir fait connaître ce site.

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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 07:43

 

L'initiative doit être saluée car elle est utile.

La Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) s'est associée aux éditions du Petit Futé pour proposer un guide des lieux de mémoire en France.

 

Guide-des-lieux-de-memoire.jpgCliquez sur l'image pour télécharger le guide

 

Autre initiative bienveillante : l'ouvrage pouvait être téléchargé gratuitement pendant tout le mois de février 2012 sur le site " Chemins de mémoire" de la DMPA. Que les retardataires se rassurent, l'ouvrage peut visiblement être encore téléchargé sur certains sites qui ont conservé la source (je vous dirige sur l'une de ces pages quand vous cliquez sur l'image ci-dessus).Sinon, il vous en coûtera 12.50 euros chez votre libraire (c'est toujours mieux qu'en grande surface ou sur une aire d'autoroute).

 

L'ouvrage de 250 pages a été dirigé par Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette ; le premier en tant que fondateur et le second en tant que président de cette maison qui édite depuis 1977 ces petits guides devenus incontournables. D'autres versions antérieures avaient d'ailleurs été éditées en 2005. 

 

L'ouvrage est organisé par régions car il est avant tout destiné aux touristes qui souhaiteraient, dans le cadre d'un tour de France, visiter ces fameux "lieux de mémoire" annoncés par le titre. Les pages introductives rédigées par la DMPA ne font d'ailleurs pas mystère de cette ambition essentiellement touristique, y compris et surtout dans ses dimensions récréatives et économiques. Le ministère de la Défense et des Anciens Combattants rappelle en effet à la page 6 que le tourisme répond à trois ambitions : civique et pédagogique, culturelle et patrimoniale, mais aussi économique et commerciale. Il s'agit, par l'intermédiaire de cet ouvrage, d'encourager les badauds à se rendre dans ces musées et mémoriaux qui coûtent chers à la collectivité et dont beaucoup ne parviennent pas à trouver un équilibre budgétaire jugé satisfaisant par les autorités.

 

Aussi pratique et intéressant soit-il, ce guide n'en présente pas moins de multiples limites:

 

1. D'abord, il est regrettable de constater que ce guide soit exclusivement consacré aux lieux de mémoire d'un passé contemporain. Nulle mention d'histoire antique, médiévale ou moderne. Ce choix éditorial (compréhensible pour des raisons évidentes de faisabilité matérielle) entretient la croyance que la mémoire nationale ne se construit qu'autour des figures, des batailles et des évènements récents.

 

2. Alors que la France est le pays dans lequel est né la formidable aventure éditoriale des Lieux de Mémoire dirigés par Pierre Nora, il est également dommage de constater que les auteurs se soient exonérés d'un minimum de réflexion sur la notion de "lieu de mémoire". Il ne s'agit pas bien entendu de transformer un guide touristique en thèse épistémologique mais il aurait été bienvenu d'introduire quelques lieux originaux qui ne soient pas exclusivement des champs de bataille, des cimetières militaires, des musées et des mémoriaux.

 

3. Le singulier utilisé dans le titre de l'ouvrage est en revanche tout à fait justifié. L'ouvrage étant une commande du ministère de la Défense, la mémoire qui y est présentée est exclusivement nationale et se veut consensuelle, passant sous silence toutes les mémoires minoritaires et/ou en construction. 

Une exception a été commise et elle a immédiatement suscité des remarques, voire une petite polémique portée par l'excellent historien de la Révolution française, Jean-Clément Martin. Voici la lettre qu'il a transmis le 15 février 2012 à la DMPA :

 

Je viens de prendre connaissance du livret consacré au Guide des lieux de mémoire des champs de bataille édité par le Petit Futé sous votre responsabilité dans lequel le "génocide vendéen" est cité deux fois p. 40 et p. 198.

L'emploi de cette formule dans un tel guide, sous votre patronage, dans ce moment précis, pose problème, entérinant une proposition partisane que l'examen historique dément de façon catégorique. La réalité des massacres, tueries et exécutions commis pendant la période révolutionnaire en Bretagne et dans le territoire lié à la guerre de Vendée, est incontestable. Elle ne peut s'apparenter à un génocide perpétré par un État ou un gouvernement.

Il serait hautement souhaitable que le Ministère de la Défense, et notamment la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives, prennent position clairement sur ce sujet pour lever toute ambiguïté et simplement respecter les conclusions des recherches historiques menées sans parti pris.

Sentiments distingués

Jean-Clément Martin

 

 Nous avions évoqué cette question sur ce blog à plusieurs reprises et adopté la position de Jean-Clément Martin sur les abus de langage et l'extrême banalisation contenus par cette formule erronée.

Pour l'heure, le ministère de la Défense n'a pas souhaité réagir.

 

Bref, l'initiative est intéressante mais elle mériterait d'être repensée, approfondie et élargie.

Si certaines difficultés techniques sont dépassées, ce sera l'un des prochains projets initié par le blog  Histoire, Mémoires & Sociétés. Avis à nos lecteurs qui auraient des compétences informatiques à partager !

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