Cela fait plusieurs mois qu'un petit trublion a décidé de semer la panique dans les salles de classe d'histoire.
Son nom : Dimitri CASALI
Ses complices : Jean Sévillia, Laurent Wetzel, Robert Ménard, Vincent Badré
Les faits : Dimitri CASALI et ses amis ont décidé de saisir chaque occasion qui leur est donnée pour contester le cours d'histoire. Ils n'hésitent pas pour cela à rendre des copies erronées qu'ils diffusent dans Le Figaro, Boulevard Voltaire, La Croix, Le Journal de 13h de TF1...
Le problème, c'est que ces élèves ont bien trop souvent été au fond de la classe et qu'ils n'ont pas toujours écouté le cours de leur professeur. Pire encore ! Ils ont été tellement absorbés par leur esprit de contestation qu'ils en ont carrément oublié ce que pouvait être la réalité d'un cours d'histoire.
Un aveuglement idéologique
Jusqu'à présent, leurs critiques s'étaient essentiellement portées sur le choix des thèmes d'enseignement. Selon eux, on y parle beaucoup trop des droits de l'homme et de la mondialisation, mais pas assez des racines chrétiennes de la France.
Avec plusieurs collègues, nous avons bien essayé de le ramener à raison. Nous lui avons par exemple rappelé qu'en cinquième, il a étudié tout un chapitre intitulé "La place de l'Eglise" dans lequel on lui a expliqué le rôle économique, social et même politique du pouvoir catholique chrétien en France (obligatoire dans les programmes officiels). Rien n'y fait. Cet enseignement n'ayant pas été délivré par un curé animé d'une dévotion enflammée, il a tout oublié.
On a donc attendu que Dimitri Casali grandisse et devienne un peu plus mature, et on en a remis une couche. En seconde, on lui a fait étudier un nouveau chapitre intitulé "La chrétienté médiévale" (toujours indiqué comme obligatoire dans les programmes officiels alors que les autres thèmes sont au choix)... Et toujours rien à faire pour notre irrémédiable cancre qui continue à affirmer partout qu'on ne lui a jamais appris les racines chrétiennes de la France.
L'intéressé prétend même que si son professeur a évité ces chapitres, c'est parce que le petit Mohammed aurait protesté. Ah ces enfants ! Toujours à essayer de faire porter la faute sur les autres, et surtout sur les camarades accusés d'avoir la peau un peu bronzée, comme jadis on le faisait avec ceux pour lesquels on pensait déceler un nez un peu trop crochu...
Une lecture personnelle des lois mémorielles
Le problème, c'est que Dimitri n'est plus un enfant et que ses camarades sont devenus d'importants journalistes qui l'aident à diffuser ces idées fausses dans tous les médias.
La dernière en date est diffusée dans le journal La Croix du samedi 13 et dimanche 14 octobre 2012. Dans cette interview, l'intéressé affirme sans être jamais contredit que "notre pays est le seul à avoir voté des lois mémorielles".
Il aurait pourtant suffit que le journaliste tape l'expression "loi mémorielle" sur un moteur de recherche pour se rendre compte de l'absurdité d'une telle affirmation. Ou alors aurait-il pu appeler d'autres historiens susceptibles de lui fournir un contrepoint.
Parmi les innombrables exemples permettant de contredire son propos, rappelons l'un des plus récents : celui de la loi sur la mémoire historique (Ley de Memoria Histórica) qui, comme en France, agite régulièrement le débat parlementaire. Celle-ci est d'ailleurs bien plus large que ses équivalentes françaises car elle ne se contente pas de punir les propos négationnistes, mais prévoit notamment :
- la possibilité de réviser les jugements énoncés sous le franquisme,
- l'extension des aides aux victimes,
- un programme de recherche visant à localiser d'éventuelles fosses communes encore inconnues et à identifier les corps,
- le retrait des symboles franquistes des lieux publics,
- la création d'un centre documentaire visant à rassembler les archives de cette période et à encourager les recherches dans ce domaine,
- l'accession à la nationalité espagnole de tous les vétérans des brigades internationales...
La théorie du complot sur les programmes scolaires
Dimitri Casali précise son propos en citant l'exemple qui lui tient visiblement à coeur de la loi Taubira "qui oblige l’État à inclure dans les programmes scolaires l’étude de la traite négrière et des esclavages".
Là encore, on s'étouffe devant la malhonnêteté du propos qui voudrait faire de la France une exception quand il s'agit en fait d'une règle quasiment universelle. Partout, le pouvoir politique s'impose dans l'enseignement de l'histoire à l'école, de façon d'ailleurs parfois bien plus brutale qu'en France.
Ainsi, le gouvernement Chilien a-t-il décidé au début de l'année de remplacer le mot dictature par celui "régime militaire" dans les manuels scolaires pour qualifier le gouvernement de Pinochet.
De même aux Etats-Unis, parce que des Républicains aux positions extrêmes sont parvenus à prendre le pouvoir au sein du rectorat du Texas, les élèves vont désormais devoir apprendre le créationnisme (théorie expliquant la création du monde par une volonté divine), et que leur pays n'est plus une "démocratie" (qui rappelle trop le parti démocrate) mais une "république constitutionnelle" (pour mieux rappeler le parti républicain).
Autre exemple tout aussi affligeant qui nous permet de revenir à la situation française, les manuels d'économie américains chantent désormais allégrement la gloire du capitalisme et détruisent systématiquement toute théorie contraire. Or, c'est exactement l'angle d'attaque qui est développé par Vincent Badré en France depuis quelques semaines sur son blog consacré à la promotion de son ouvrage. Il affirme sans rire que les manuels scolaires français diffuseraient une vision anti-libérale de l'économie car un manuel (pas deux, un) aurait choisi déliberemment une photographie d'un économiste libéral laid !
Eh oui, chers lecteur, vous ne rêvez pas, nous en sommes à ce niveau de débat ! Et pourtant, Vincent Badré est désormais invité régulièrement sur les plateaux de télévision et de radio pour diffuser sa bonne parole.
Si des parents, des collègues, des journalistes ou des élus lisent cet article, ils doivent donc prendre conscience qu'il existe en effet actuellement un vif débat sur l'enseignement de
l'école. La question est de savoir si nous souhaitons laisser les cancres imposer leur vision passéiste, nationaliste et libérale de l'histoire, ou si nous voulons protéger une approche critique
du passé permettant à nos enfants d'apprendre à réfléchir par eux-mêmes.
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